La parole empêchée. Группа авторов. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Группа авторов
Издательство: Bookwire
Серия: études litteraires françaises
Жанр произведения: Документальная литература
Год издания: 0
isbn: 9783823300779
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de trouver dans les éléments présentant les discours des locuteurs diégétiques des informations explicites permettant de pallier ce manquemanque.

      b. La chagrin, l’affliction, le deuildeuil

       Richtig, Charlie, nicht alles sagen. Es hat keinen Zweck, alles zu sagen. Ich hab das mein Leben lang nicht gemacht. Nicht mal dir hab ich alles gesagt, Charlie. Man kann auch nicht alles sagen? Wer alles sagt, ist vielleicht kein Mensch mehr.

       „Sie müssen mir nicht antworten.“

       „Gemocht hab ich ihn natürlich. Er konnte sehr komisch sein. Rührend. Er war immerzu in Bewegung… ich…“

       Heul nicht, Charlie. Tu mir den Gefallen und heul nicht. Mit mir war nicht die Bohne was los. Ich war bloß irgend so ein Idiot, ein Spinner, ein Angeber und all das. Nichts zum Heulen. Im Ernst. 3

      Dans cet extrait du roman de U. PlenzdorfPlenzdorf (Ulrich), la présentation des discours sur la page du texte fait clairement ressortir deux instances énonciatives distinctes : la narration auto-homodiégétique monologale du héros Edgar Wibeau, mortmort, et, en retrait et séparé par des alinéas plus importants, le dialogue entre le père d’Edgar et une amie, Charlie, du héros, Edgar Wibeau, mort. Charlie commence donc la réponse à la question que le père d’Edgar lui a posée, mais, étouffée par quelque chose, elle ne peut finir son discours, sa parole est empêchée. On retrouve dans la présentation du discours de Charlie les faits permettant une telle interprétation : points de suspension et énoncé seulement ébauché : « ich… ». L’explication de cette auto-interruption discursive est donnée explicitement par Edgar qui s’adresse directement à Charlie en lui disant « Heul nicht, Charlie. Tu mir den Gefallen und heul nicht ». Cette injonction/prière qu’il lui adresse de ne pas « chialer » est un fait permettant au lecteur de reconstituer le scénario d’une parole empêchée par l’irruption de pleurs dus au chagrin lié à la perte. C’est donc le discours figural d’Edgar, constituant le cotexte externe aval du discours de Charlie, qui permet de parvenir à une interprétation satisfaisante complète.

      c. La peurpeur, l’appréhension

      ‘… And now, at Hogwarts, terribleterreur things are to happen, are perhaps happening already, and Dobby cannot let Harry Potter stay here now that history is to repeat itself, now that the Chamber of Secrets is open once more –’

       Dobby froze, horror struck, then grabbed Harry’s water jug from his bedside table and cracked it over his own head, toppling out of sight. 4

      Comme la structure du dernier énoncé proféré par Dobby est complète, c’est le marquage de la ponctuation, avec le tiret, qui permet, au temps T, d’interpréter la situation comme une interruption non prévue du flux du dire, l’empêchant d’être mené à son terme. Le discours narratorial, présentant en aval les dires de Dobby confirme cette hypothèse en T+1.

      L’exemple suivant présente une configuration comparable, mais le discours narratorial, toujours décisif pour l’interprétation, est encore davantage explicite, complétant l’interprétation entamée à la lecture du discours de la locutrice, Albertine, compte tenu de la façon dont il est présenté intrinsèquement :

      « Grand merci ! dépenser un sou pour ces vieux-là, j’aime bien mieux que vous me laissiez une fois libre pour que j’aille me faire casser… » Aussitôt dit, sa figure s’empourpra, elle eut l’air navré, elle mit sa main devant sa bouche comme si elle avait pu faire rentrer les mots qu’elle venait de dire et que je n’avais pas du tout compris. « Qu’est-ce que vous dites, Albertine ? » […] Elle me donna mille versions, mais qui ne cadraient nullement, je ne dis même pas avec ses paroles, qui, interrompues, me restaient vagues, mais avec cette interruption même, et la rougeur subite qui l’avait accompagnée.5

      Dans ces exemples, c’est la peurpeur ou la hontehonte suscitée par l’énonciation du dit qui fonctionne comme Pression pour ne plus dire. Mais une autre configuration est également possible.

      Je pensais tout le temps à Albertine, et jamais Françoise en entrant dans ma chambre ne me disait assez vite : « Il n’y a pas de lettres » pour abréger l’angoisse. […] Quand il put y avoir un télégramme de Saint-Loup, je n’osai demander : « Est-ce qu’il y a un télégramme ? »6

      Ici, c’est la peurpeur de la réponse qui pourrait être apportée à ses dires qui bloque la profération des paroles de Marcel. Évidemment, comme il n’y a pas profération, il ne peut y avoir aucune présentation intrinsèque de ce qui n’est pas advenu, et c’est donc le discours narratorial seul qui permet de présenter une énonciation fictive, n’ayant jamais eu lieu, car totalement empêchée par le jeu des pressions contradictoirescontradiction.

      d. Le trop à dire

      La parole peut fort bien être empêchée par une trop grande envie de dire ; pour contradictoire que cela puisse sembler, de trop fortes pressions pour le dire peuvent bloquer le passage à la verbalisationverbalisation du projet préverbal :

       Ich halte meine Strafarbeit – bei gleichzeitiger Einschließung und vorläufigem Besuchsverbot – für unverdient ; denn man läßt mich nicht dafür büßen, daß meiner Erinnerung oder meiner Phantasie nichts gelang, vielmehr hat man mir diese Abgeschiedenheit verordnet, weil ich, gehorsam nach den Freuden der Pflicht suchend, plötzlich zuviel zu erzählen hatte, oder doch so viel, daß mir kein Anfang gelang, so sehr ich mich auch anstrengte. 7

      C’est ainsi qu’au début du roman de S. LenzLenz (Siegfried), le narrateur explique la punition qu’il a dû subir à cause de ce qui a été interprété par un refus de rendre son devoir sur « les joies éprouvées lors de l’accomplissement de son devoir » ; or, justement, il se plaint de l’injustice ainsi commise, car s’il n’a pas rendu son devoir, ce n’est pas par mauvaise volonté, c’est parce qu’il avait trop à dire, ou tant à dire qu’il ne savait pas par où commencer. Mais ici encore, c’est le discours figural, mais constituant la narration cadre, qui apporte les éléments permettant les interprétations relatives à un auto-empêchement.

      3.2. Hétéro-empêchements

      Dans ce cadre sont analysés deux sortes de manifestation de l’empêchement du dire. Leur spécificité réside dans le fait que les événements à l’origine du blocage de la profération du discours du locuteur sont situés à l’extérieur dudit locuteur. Dans les cas d’auto-empêchements, envisagés précédemment, les causes engendrant un blocage étaient internes au locuteur. Ici, ce n’est plus le cas, même s’il convient de faire la différence entre les hétéro-empêchements auto-déclenchés et ceux hétéro-imposés.

      3.2.1. Auto-déclenchés

      Les facteurs communs à tous ces cas se trouvent dans la structure complexe où, face aux pressions pour le dire dans l’intérieur de l’interactant, un événement externe se produit, qui, intégré par le locuteur, déclenche chez ce même locuteur des Pressions contre le dire qui viennent contrecarrer la profération visée ou entamée. Quels sont ces événements extérieurs ?

      3.2.1.1. Événements matériels fortuits

      Rollo

      Figure-toi que cet après-midi… en me donnant les cinq cent mille francs…

      Il va entrer dans la chambre quand il est stoppé par une nouvelle sonnerie du téléphone.1

      C’est clairement quand le lecteur prend connaissance de la didascaliedidascalie présentant en aval le discours de Rollo, dont l’incomplétudeincomplétude est marquée par la structure syntaxique en soi et par les points de suspension, que la représentation d’un empêchement de poursuivre la profération par un événement impromptu externe (la sonnerie de téléphone) peut être construite.