Contes Français. Divers Auteurs. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Divers Auteurs
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066089320
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les Allemands.

       [10] Un hurrah frénétique d'admiration éclata suivi de

       hurlements de joie et de rires éperdus. Et le commandant

       organisa des pelotons de travail qui se relayeraient de

       cinq minutes en cinq minutes. Puis il commanda:

       --Pompez.

       [15] Et le volant de fer ayant été mis en branle, un petit

       bruit glissa le long des tuyaux et tomba bientôt dans la

       cave, de marche en marche, avec un murmure de cascade,

       un murmure de rocher à poissons rouges.

       On attendit.

       [20] Une heure s'écoula, puis deux, puis trois.

       Le commandant fiévreux se promenait dans la cuisine,

       collant son oreille à terre de temps en temps, cherchant à

       deviner ce que faisait l'ennemi, se demandant s'il allait

       bientôt capituler.

       [25] Il s'agitait maintenant, l'ennemi. On l'entendait remuer

       les barriques, parler, clapoter.

       Puis, vers huit heures du matin, une voix sortit du

       soupirail:

       --Ché foulé parlé à monsieur l'officier français.

       [30] Lavigne répondit, de la fenêtre, sans avancer trop la

       tête:

       --Vous rendez-vous?

      

      --Che me rends.

       --Alors passez les fusils dehors.

       Et on vit aussitôt une arme sortir du trou et tomber

       dans la neige, puis deux, trois, toutes les armes. Et la

       [5] même voix déclara:

       --Che n'ai blus. Tépêchez-fous. Ché suis noyé.

       Le commandant commanda:

       --Cessez.

       Le volant de la pompe retomba immobile.

       [10] Et, ayant empli la cuisine de soldats qui attendaient,

       l'arme au pied, il souleva lentement la trappe de chêne.

       Quatre têtes apparurent trempées, quatre têtes blondes

       aux longs cheveux pâles, et on vit sortir, l'un après l'autre,

       les six Allemands grelottants, ruisselants, effarés.

       [15] Ils furent saisis et garrottés. Puis, comme on craignait

       une surprise, on repartit tout de suite, en deux convois,

       l'un conduisant les prisonniers et l'autre conduisant

       Maloison sur un matelas posé sur des perches.

       Ils rentrèrent triomphalement dans Rethel.

       [20] M. Lavigne fut décoré pour avoir capturé une avant-garde

       prussienne, et le gros boulanger eut la médaille

       militaire pour blessure reçue devant l'ennemi.

       LE BAPTÊME

      A Guillemet

       Devant la porte de la ferme, les hommes endimanchés

       attendaient. Le soleil de mai versait sa claire lumière sur

       les pommiers épanouis, ronds comme d'immenses bouquets

       blancs, roses et parfumés, et qui mettaient sur la cour

       [5] entière un toit de fleurs. Ils semaient sans cesse autour

       d'eux une neige de pétales menus, qui voltigeaient et

       tournoyaient en tombant dans l'herbe haute, où les pissenlits

       brillaient comme des flammes, où les coquelicots

       semblaient des gouttes de sang.

       [10] Une truie somnolait sur le bord du fumier, le ventre

       énorme, les mamelles gonflées, tandis qu'une troupe de

       petits porcs tournait autour, avec leur queue roulée comme

       une corde.

       Tout à coup, là-bas, derrière les arbres des fermes,

       [15] la cloche de l'église tinta. Sa voix de fer jetait dans le

       ciel joyeux son appel faible et lointain. Des hirondelles

       filaient comme des flèches à travers l'espace bleu qu'enfermaient

       les grands hêtres immobiles. Une odeur d'étable

       passait parfois, mêlée au souffle doux et sucré des

       [20] pommiers.

       Un des hommes debout devant la porte se tourna vera

       la maison et cria:

       --Allons, allons, Mélina, v'là que ça sonne!

       Il avait peut-être trente ans. C'était un grand paysan,

       [25] que les longs travaux des champs n'avaient point encore

       courbé ni déformé. Un vieux, son père, noueux comme un

      

      tronc de chêne, avec des poignets bossués et des jambes

       torses, déclara:

       --Les femmes, c'est jamais prêt, d'abord.

       Les deux autres fils du vieux se mirent à rire, et l'un,

       [5] se tournant vers le frère ainé, qui avait appelé le premier,

       lui dit:

       --Va les quérir, Polyte. All' viendront point avant

       midi.

       Et le jeune homme entra dans sa demeure.

       [10] Une bande de canards arrêtée près des paysans se mit à

       crier en battant des ailes; puis ils partirent vers la mare

       de leur pas lent et balancé.

       Alors, sur la porte demeurée ouverte, une grosse femme

       parut qui portait un enfant de deux mois, Les brides

       [15] blanches de son haut bonnet lui pendaient sur le dos,

       retombant sur un châle rouge, éclatant comme un incendie,

       et le moutard, enveloppé de linges blancs, reposait sur le

       ventre en bosse de la garde.

       Puis la mère, grande et forte, sortit à son tour, à peine

       [20] âgée de dix-huit ans, fraîche et souriante, tenant le bras

       de son homme. Et les deux grand'mères vinrent ensuite,

       fanées ainsi que de vieilles pommes, avec une fatigue

       évidente dans leurs reins forcés, tournés depuis longtemps

       par les patientes et rudes besognes. Une d'elles était

       [25] veuve; elle prit le bras du grand-père, demeuré devant la

       porte, et ils partirent en tête du cortège, derrière l'enfant

       et la sage-femme. Et le reste de la famille se mit en route

       à la suite. Les plus jeunes portaient des sacs de papier