Aventures extraordinaires d'un savant russe: Les planètes géantes et les comètes. H. de Graffigny. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: H. de Graffigny
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066084745
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que toute la journée précédente et toute la nuit avaient à peine suffi à sécher.

      —Allons, bougonna-t-il enfin, si vous croyez que cela puisse être de quelque utilité...

      Comme il achevait ces mots, un bruit se fit entendre derrière eux et, se retournant, ils constatèrent qu'un pan de l'îlot, miné sourdement par les vagues, venait de tomber à l'eau.

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      En même temps, le sol sembla s'abaisser sous la surface liquide et les voyageurs se trouvèrent avoir de l'eau jusqu'aux chevilles.

      Séléna jeta un cri d'épouvante, Gontran courut à elle pour la rassurer et la prendre dans ses bras; mais, dans le brusque mouvement qu'il fit, il imprima à l'épave un balancement tel qu'elle faillit chavirer.

      —Eh bien! demanda Fricoulet narquoisement, il est temps, je crois, de jeter du lest... allons, sir Jonathan...

      Sur ces mots, il allongea les bras au-dessus de sa tête et, les mains réunies, piqua une tête dans l'Océan.

      L'eau rejaillit en écume argentée; puis, la tête de l'ingénieur reparut presque aussitôt à la surface.

      —Eh bien! demanda-t-il, constatez-vous un allégement?

      —Nous avons les pieds presque à sec, répondit Ossipoff.

      Farenheit hésitait toujours, promenant ses regards de ses vêtements secs à la nappe liquide dans laquelle il lui fallait s'immerger.

      Déjà Fricoulet avait passé à l'arrière de l'îlot et, nageant d'un bras, le poussait de l'autre.

      Alors, l'Américain eut honte de ses hésitations et, tout en mâchonnant entre ses dents un juron de mauvaise humeur, il fit comme l'ingénieur et se jeta à l'eau.

      —Hurrah! s'écria Gontran, nous remontons de deux pieds.

      —Parbleu! riposta gaîment Fricoulet, juste le poids de ceux de sir Jonathan... des pieds de trente-huit centimètres!

      On navigua ainsi pendant trois heures; les deux nageurs se reposaient alternativement, l'un faisant la planche et se laissant traîner à la remorque, pendant que l'autre faisait fonctionner ses moteurs naturels, ainsi que l'ingénieur appelait ses bras et ses jambes.

      La nuit, heureusement, était claire, bien que de légers nuages flottant au ciel empêchassent d'apercevoir les étoiles; Phobos n'avait point encore paru à l'horizon; Deimos seul éclairait Mars.

      Perdue dans la brume, à quelques kilomètres à peine, la terre de Noachis apparaissait vaguement.

      Mais, maintenant, l'épave semblait ne plus avancer, Fricoulet et son compagnon étaient épuisés de fatigue et mouraient de faim; tout ce qu'ils pouvaient faire était de lutter contre un courant dans lequel ils étaient tombés et qui tendait à les faire dériver vers l'Ouest.

      —Je crois bien que nous sommes perdus, murmura l'ingénieur à l'oreille de l'Américain.

      —Perdus... grommela celui-ci,... perdus, lorsque la terre est là... si près de nous! C'est sombrer au port, By God!

      Puis, tout à coup, il poussa un gémissement et balbutia:

      —À moi!—Monsieur Fricoulet,—il me semble que je m'évanouis.

      Mais avant que l'ingénieur eut pu le saisir par le bras pour le soutenir, la tête de l'Américain avait disparu.

      —Fichtre! grommela Fricoulet, est-ce qu'il va tourner de l'œil ainsi, sans dire gare.

      Et il s'apprêtait à plonger, lorsque, de l'autre côté de l'îlot, à l'avant, une voix s'écria, vibrante de joie.

      —Sauvés! nous sommes sauvés!

      Cette voix était celle de l'Américain.

      —On a pied ici, continua-t-il... arrivez donc.

      En quelques brasses, l'ingénieur eut rejoint son compagnon et le vit qui se tenait debout, avec de l'eau jusqu'à la poitrine; doucement il se laissa couler et fut fort surpris de sentir le sol sous ses pieds; par exemple, comme il était plus petit que l'Américain, l'eau lui venait jusqu'au menton.

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      —Victoire!—victoire! s'écria-t-il.

      Et s'adressant à Gontran et à Ossipoff.

      —Si vous m'en croyez, vous ferez comme nous et vous vous mettrez à l'eau... c'est, je crois, le moyen d'arriver le plus tôt possible à la terre ferme.

      Une discussion éclata entre le vieux savant et sa fille.

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      Séléna voulait faire comme ses compagnons, et quitter, elle aussi, l'épave.

      —Je suis honteuse, disait-elle, d'augmenter encore la fatigue de ces braves amis... Je ne suis pas en sucre et je ne fondrai certainement pas en suivant votre exemple.

      Ossipoff ne voulait pas entendre de cette oreille-là et exigeait que la jeune fille demeurât sur l'îlot.

      —Mon Dieu, monsieur Ossipoff, dit alors Fricoulet, nous perdons là un temps précieux; quant à moi, je trouve que mademoiselle a raison, non pas tant à cause du surcroît de fatigue que nous cause la traction de ce bloc de terre, qu'à cause du retard que cela nous occasionne.

      —Vous voyez, cher père, que j'ai raison! fit la jeune fille.

      —Possible, gronda le vieillard, mais je ne veux point que tu te mettes à l'eau quand je devrais, à moi tout seul, tirer cette épave.

      —Eh! mon cher monsieur, s'exclama Fricoulet, qui vous parle de mettre Mlle Séléna à l'eau.

      —Alors, je ne comprends plus.

      —Donnez-moi votre redingote.

      Bien que continuant à ne pas comprendre, Ossipoff se dépouilla docilement de son vêtement.

      Alors, l'ingénieur s'écria:

      —Vous, sir Jonathan, empoignez-moi cette redingote par ici, et toi, Gontran, prends-la par là... Eh bien! est-ce que cela ne forme pas un confortable hamac dans lequel Mlle Séléna va pouvoir s'asseoir commodément?

      Malgré ses répugnances à augmenter la fatigue de ses compagnons, la jeune fille dut prendre place sur ce brancard improvisé et la petite caravane se mit en marche, précédée de Fricoulet qui sondait prudemment le terrain; Ossipoff suivait, prêt à relayer celui des porteurs qui se sentirait fatigué le premier.

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      Ils avancèrent ainsi avec rapidité, pendant une demi-heure, le niveau de l'eau s'abaissant progressivement; tout à coup Fricoulet poussa un cri et s'arrêta, les autres, croyant à un accident, le rejoignirent au pas de course.

      Ils aperçurent alors, dans l'espace, à quelque distance, noyés un peu dans les brumes de la nuit, une multitude d'astres brillants dont la lueur éclairait le sol.

      —C'est à croire que la voie lactée tout entière s'est décrochée du ciel et est tombée sur Mars, ricana Gontran.

      —Ne trouves-tu pas que cela donne la même impression que l'approche d'une grande ville terrestre? dit à son tour Fricoulet; si l'on ne jurerait pas voir là, à quelques centaines de mètres, le panorama nocturne de Paris, avec ses milliers de becs de gaz dont la réverbération fait rougeoyer le ciel sur une étendue de plusieurs lieues.

      —Avec cette différence, fit Ossipoff, qu'ici la réverbération se produit de haut en bas.

      —Allons!