Aventures extraordinaires d'un savant russe: Les planètes géantes et les comètes. H. de Graffigny. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: H. de Graffigny
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066084745
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Fricoulet demanda des explications sur le lieu singulier en lequel il se trouvait ainsi que ses amis; et le Martien lui fournit complaisamment tous les renseignements capables de satisfaire la curiosité du Terrien.

      Cette terre de Noachis étant, plus que toutes les autres contrées de la planète, sujette à des inondations formidables susceptibles de durer pendant plusieurs années, les habitants avaient songé à utiliser les progrès étonnants réalisés par la science, pour se mettre à l'abri de ce fléau terrible.

      Une seconde raison les empêchait d'asseoir les assises de leurs maisons sur le sol même: les miasmes pestilentiels qui se dégageaient des terrains marécageux de cette île immense.

      Aussi avaient-ils suspendu leur ville dans l'espace par un moyen des plus simples: d'immenses caissons métalliques, remplis d'un gaz plus léger que l'air, jouaient le rôle de ballons et servaient de fondations aux maisons; quant aux matériaux employés à la construction, ils étaient, presque tous, composés de cellulose pure, rendue, par des procédés spéciaux, aussi dure que l'acier, quoique demeurant très mince et imperméable.

      Le gaz qui remplissait les caissons était produit par la réaction de substances chimiques les unes sur les autres; au moyen des câbles rattachant la cité aérienne à la terre ferme et contenant intérieurement des fils métalliques, l'électricité produite à terre arrivait jusqu'aux habitations pour fournir la lumière, la chaleur et la force motrice, indispensables aux besoins journaliers.

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      Les Terriens auxquels Fricoulet émerveillé transmettait les explications du Martien sur ces admirables travaux, demeuraient immobiles d'ébahissement.

      Farenheit lui-même, qui écoutait sans comprendre grand chose, était stupéfait de tant d'ingéniosité; au fond, bien qu'il n'en laissât rien paraître, il était quelque peu humilié dans son amour-propre national; les Américains lui semblaient bien petits et bien arriérés auprès de ces gens-là.

      Aussi se promit-il, si la Providence lui faisait remettre les pieds sur les États-Unis, de ne jamais toucher un mot de la planète Mars à ceux qui lui demanderaient le récit de ses extraordinaires voyages.

      —Ce serait, assurément, le meilleur moyen de me faire blackbouler à la réélection présidentielle de l'Excentric-Club, pensait-il.

      En ce moment, Aotahâ désigna de la main une machine singulière amarrée au ponton aérien sur lequel reposait l'habitation où se trouvaient les Terriens.

      —Qu'est-ce que cela? demanda Fricoulet.

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      —Le véhicule qui doit nous transporter dans les régions de l'Équateur.

      —Ça? exclama Gontran auquel l'ingénieur venait de traduire la réponse du Martien.

      L'exclamation stupéfaite et quelque peu méprisante du jeune comte, s'expliquait par la forme bizarre du véhicule?

      C'était une sorte de cigare métallique, long d'environ trente mètres, terminé en pointe à chaque extrémité et paraissant avoir, à son plus fort renflement, un diamètre de quatre à cinq mètres.

      À chacun de ses flancs et perpendiculairement à l'horizontale se dressait une manière de mât métallique lui aussi, servant de support à de vastes plans de toile et terminé par une double hélice; à l'avant et à l'arrière de ce véhicule se trouvaient des propulseurs actionnés par des moteurs invisibles.

      Fricoulet s'était approché et examinait cet appareil avec un intérêt considérable.

      —Singulière machine, hein! fit-il à Gontran.

      —Si je n'avais déjà expérimenté la civilisation extraordinaire de ces gens-là, répondit M. de Flammermont, j'hésiterais à monter là-dedans, ma parole d'honneur.

      Ossipoff, sa fille et Farenheit avaient déjà embarqué; l'ingénieur fit comme eux et, tout en bougonnant, le jeune comte suivit son ami.

      Alors, une sorte de sonnerie électrique retentit, les attaches furent larguées, et les propulseurs furent mis en mouvement.

      Après s'être élevé dans l'espace, droit comme une flèche, le bateau aérien fila un instant horizontalement; puis, à un signal, les deux mâts s'inclinèrent vers l'arrière, présentant à l'air une vaste surface de plans inclinés.

      —Eh! parbleu! s'écria Fricoulet, c'est tout simplement une façon d'aéroplane à plusieurs plans superposés.

      Ossipoff, en ce moment, serra énergiquement les mains de M. de Flammermont.

      —Eh! qu'avez-vous donc, mon cher monsieur? demanda le jeune homme tout surpris de ce brusque attendrissement.

      —Ce véhicule me rappelle mon évasion d'Ekaterimbourg, répondit le vieillard.

      Et il ajouta:

      —N'êtes-vous pas fier, mon cher enfant, de vous être rencontré, dans l'invention de cet ingénieux aéroplane auquel je dois ma liberté et peut-être ma vie, avec ces Martiens, les plus civilisés et les plus instruits de l'Univers.

      Gontran eut un petit haussement d'épaules insouciant.

      —Mon Dieu! répondit-il, pas plus fier que cela, je vous assure, monsieur Ossipoff.

      Le vieux savant l'enveloppa d'un regard attendri.

      —Quelle modestie, murmura-t-il.

      Au-dessous d'eux, les nuages filaient avec une rapidité vertigineuse, laissant apercevoir, par leurs déchirures, le sol de Mars uniformément plat, avec ses canaux miroitant au soleil qui semblaient former autour de la planète une résille de métal étincelant.

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      Par moments, des points sombres, d'inégale dimension, apparaissaient; c'étaient des villages, des bourgs, des villes; mais la hauteur à laquelle planait l'appareil empêchait de les distinguer bien nettement; Ossipoff, seul, pouvait en apercevoir les détails, grâce à la lunette de l'Américain qu'il avait accaparée et à laquelle son œil demeura vissé toute la journée.

      Lorsque le Soleil se coucha, on arriva à une ville aérienne en tous points semblable à Tôouh et que Ossipoff déclara être située au centre de la Terre de Secchi, appelée aussi Hellade par Schiaparelli.

      Au point du jour, on se remit en marche; on longea, pendant quelques heures, le canal Alphée, on s'engagea au-dessus de l'océan Newton, et l'on coupa l'Équateur à midi précis.

      Le cap fut alors mis sur l'Est et les Terriens se trouvèrent au-dessus de la Lybie; mais de la mer du Sablier au lac Mœrjs, les eaux avaient envahi le continent, et jusqu'aux confins de l'horizon l'œil des voyageurs n'aperçut, pendant de longues heures, qu'une nappe liquide, étincelant au soleil comme un immense miroir d'acier.

      Cependant, la marche du navire aérien avait été activée et Fricoulet calcula que l'on ne faisait pas moins de 200 kilomètres à l'heure—la vitesse de la tempête sur terre; mais, malgré le prodigieux déplacement d'air produit par cette course vertigineuse, ni lui, ni Gontran ne voulurent quitter le pont supérieur de l'appareil, ce qui leur permit d'apercevoir, à plusieurs centaines de mètres au-dessous d'eux, les quatorze canaux signalés par Schiaparelli entre le 200e et 250e degré de longitude.

      Successivement, l'ingénieur les nommait à son ami qui, penché sur la rambarde, la tête entre ses deux mains, faisait d'incroyables efforts pour contraindre sa mémoire à retenir ces noms bizarres: Lethé, Amenthès, Aethiops, Fainestos, Cyclops, Hephaestis, Galaxias, Cerberus.

      Arrivé à ce dernier, le navire dévia de sa route, suivant, dans l'espace, le tracé du canal jusqu'au Trivium Charontis; puis, brusquement