Aventures extraordinaires d'un savant russe: Les planètes géantes et les comètes. H. de Graffigny. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: H. de Graffigny
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066084745
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Table des matières

       MÉCANICIEN-CONSTRUCTEUR

       Table des matières

      Toute la nuit, l'ingénieur entendit Gontran qui se remuait, sur sa couchette, ainsi que font les gens obsédés par une idée fixe.

      À l'aube, enfin, voyant son ami assis sur son séant, les yeux vagues et la mine pensive.

      —À quoi songes-tu? demanda-t-il.

      Comme sortant d'un rêve, M. de Flammermont tressaillit, passa la main sur son front et répondit:

      —Je songe à quitter Mars et à rejoindre la Terre.

      —Ah! c'est ton idée d'hier qui te reprend?

      —Elle ne m'a pas quitté.

      —C'est donc sérieux?

      —Tout ce qu'il y a de plus sérieux.

      —Et Ossipoff, tu le planteras là?

      Gontran tressauta:

      —Y penses-tu? demanda-t-il... n'aurai-je pas besoin de lui, une fois là-bas,... pour donner son consentement.

      —Mais, jamais il ne consentira à interrompre sa circumnavigation céleste!

      —Aussi, pour éviter toute discussion, toute récrimination, ne le préviendrons-nous pas; nous lui assurerons qu'il s'agit de continuer le voyage planétaire entrepris et, une fois en vue de la Terre...

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      Gontran compléta sa phrase par un geste signifiant clairement qu'à ce moment-là il se soucierait peu de la colère du vieux savant.

      —Mais, s'il se base sur cette trahison de ta part pour refuser son consentement.

      —Baste! tu es assez mon ami pour prendre cette trahison à ton compte.

      Fricoulet serra plaisamment la main de son ami.

      —Merci d'avoir pensé à moi, répondit-il.

      Puis, affectant un sérieux qui était loin de sa pensée:

      —Alors, tu as réellement un moyen de nous emmener d'ici?

      —Oui, un moyen merveilleux et cependant d'une simplicité... Je m'étonne qu'un garçon intelligent comme toi n'y ait pas pensé.

      —On ne saurait penser à tout, répliqua l'ingénieur avec un petit sourire,... voyons ce moyen.

      Gontran prit un air grave.

      —Avant de te répondre, je te demanderai d'ajouter quelques explications à celles que tu m'as fournies hier au sujet de ce grand courant d'astéroïdes qui circule dans l'espace et que la Terre traverse, as-tu dit, à certaines époques déterminées.

      —Parle.

      —Ce sont ces «époques déterminées» que je ne puis concilier avec «la chaîne non interrompue» se déroulant dans l'espace... faut-il comprendre que, par moments, cette chaîne a des brisures?

      —Pas le moins du monde; je me suis mal expliqué... Ce fleuve d'astéroïdes coule sans interruption... mais à certaines époques, il a, comme un véritable fleuve, des crues formidables et ce sont de celles-là que je parlais hier en disant que notre planète mettait plus de cinq jours à passer d'une rive à l'autre.

      —Et quelle est la périodicité de ces crues?

      —Trente-trois ans!

      M. de Flammermont tressaillit.

      —Oui, ajouta Fricoulet, tous les trente-trois ans, au mois de novembre, il y a une marée gigantesque d'étoiles...

      Le visage de Gontran exprima un abattement profond.

      —Qu'as-tu donc? demanda l'ingénieur surpris du changement subit survenu dans la physionomie de son ami.

      —J'ai,... que ces trente-trois ans détruisent tout mon plan.

      —Parce que?...

      —Parce que c'est cette marée que je comptais utiliser pour regagner la Terre et que, maintenant, il va nous falloir attendre la prochaine.

      —Pardon, répliqua Fricoulet, le phénomène qui se produit sur Terre au mois de novembre, ne se produit ici que plus tard; la pluie d'étoiles que nous avons aperçue hier n'est que l'avant-garde de la grande marée qui va envahir Mars prochainement.

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      Gontran sauta au cou de son ami.

      —Ah! mon cher Alcide, tu me sauves la vie, dit-il.

      Après s'être dégagé de cette cordiale étreinte, l'ingénieur reprit:

      —Tu sais que tu ne m'as encore rien dit et que je ne serais pas fâché de connaître ce plan merveilleux grâce auquel je cours chance de revoir enfin mon cher boulevard Montparnasse.

      Tout en disant cela, il attachait sur Gontran ses petits yeux gris allumés d'une lueur un peu moqueuse.

      —Mon cher ami, fit alors M. de Flammermont, j'ai lu, cette nuit, très attentivement les Continents célestes et j'y ai retrouvé, longuement détaillés, les quelques renseignements que tu m'as donnés hier. Une chose surtout m'a causé un plaisir extrême: c'est cette déclaration d'un certain Vorman Lockyer, astronome terrestre qui s'est beaucoup occupé des pierres météoriques: «Dans le plan où se meut l'anneau des astéroïdes du 20 novembre, le vide de l'espace a disparu et il est remplacé par le plein météorique.»

      —Oui, répondit Fricoulet en approuvant d'un signe de tête, la densité de cet anneau est plus de mille fois supérieure à celle de l'espace intersidéral, je sais cela... et après?...

      Gontran leva les bras au-dessus de sa tête et les agita désespérément.

      —Comment! et après?... s'écria-t-il; ne comprends-tu donc pas que nous avons là, à notre disposition, un fleuve... un véritable fleuve et qu'il nous suffira de nous abandonner à son courant...

      —Tu oublies une chose, c'est que ce fleuve coule de la Terre vers Mars, pour n'y revenir qu'après avoir passé par Saturne, Uranus et autres lieux...

      —Eh bien! répondit le jeune comte nullement déconcerté, nous remonterons le courant,... ce sera un peu plus long, voilà tout.

      —Tu parles sérieusement?

      —Tout ce qu'il y a de plus sérieusement... que vois-tu d'impossible à cela?... qu'est-ce qui s'oppose à ce qu'on navigue dans l'espace? c'est le vide, n'est-ce pas, le vide absolu... eh bien! voilà une route dont la densité, dis-tu, est mille fois supérieure à celle de l'espace, le hasard veut que, précisément, cette route passe par la Terre, où nous voulons nous rendre...

      Il suspendit sa phrase et regarda fixement Fricoulet, attendant son avis...

      —Soit, dit l'ingénieur après un assez long silence, je t'accorde la praticabilité de cette route... en principe; mais tu n'as pas, que je pense, l'intention de t'y engager en touriste, la canne à la main et le sac sur l'épaule?

      —Bien entendu,... il faut un véhicule,... mais cette partie-là te regarde.

      —Moi! exclama Fricoulet en roulant des yeux énormes.

      —Dame! répondit tranquillement