" A qui lira ": Littérature, livre et librairie en France au XVIIe siècle. Группа авторов. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Группа авторов
Издательство: Bookwire
Серия: Biblio 17
Жанр произведения: Документальная литература
Год издания: 0
isbn: 9783823302285
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l’extrême fin du siècle, considéré par ses contemporains comme l’un des plus importants auteurs d’expression occitane, et qui ne publie ni ses textes narratifs ni ses cinq textes dramatiques. Mais, comme le rappelle encore Henri Michel, « il faut des conditions exceptionnelles pour que des œuvres en occitan soient imprimées en Bas-Languedoc à cette époque : celles nées des encouragements d’un milieu, soit convaincu de la qualité de l’un des leurs, soit conscient de la nécessité de défendre des créations anciennes menacées6 ». Ce constat peut assurément être élargi à l’ensemble du territoire. Il est particulièrement remarquable, en effet, qu’une majorité des œuvres s’inscrivent dans des ensembles, attachés à un nom d’auteur (Claude Brueys, dont les œuvres sont réunies à Aix en 1628 dans un recueil intitulé Jardin dey musos provençalos ou Gaspard Zerbin, dont La Perlo dey musos e coumedies prouvensalos, paraît également à Aix 1654) et/ou à une tradition théâtrale ou festive ancienne et très ancrée localement, ce que sont tout à la fois la tradition carnavalesque aixoise dont relèvent les deux œuvres précédentes et les fêtes des Caritats, cadre dans lequel sont représentées, le jeudi de l’Ascension, les pièces du Théâtre de Béziers. Les publications aixoises, et surtout la première d’entre elles, le recueil de Brueys, ont sans doute un effet d’entraînement, qui explique la parution, également chez l’éditeur Estienne David, d’autres pièces sous le titre du Jardin deys musos, mais aussi celle d’un recueil de pièces rassemblées par Jean Roize sous le titre évocateur du Coucho-lagno [Chasse-chagrin] Prouvençau per esconjurar las melancouliés de ley gens. Dans le cas de Brueys ainsi que du Théâtre de Béziers, ce sont, assurément, « les encouragements d’un milieu » ainsi que la volonté d’un imprimeur-libraire de « défendre des créations anciennes menacées » autant que de faire un coup éditorial et de se faire une place dans le champ qui expliquent l’accès à l’imprimé. Dans l’avis « Au Lecteur » du Jardin deys musos provensalos, Brueys explique : « La prière de quelques-uns de mes amis a tiré cet ouvrage de la poussière, où il était depuis vingt-cinq ou trente ans, que la fougue de la jeunesse me donnait du temps, et l’humeur pour m’y appliquer7 ». Dans le premier recueil du Théâtre de Béziers, le texte des huit pièces est précédé d’un important paratexte où l’imprimeur-libraire Jean Martel justifie son projet éditorial par le désir de rendre éternel le nom de la ville de Béziers et de sauver de l’oubli ses traditions, geste qu’il reproduira en 1644 en tête du second recueil collectif.

      Quels sont, dès lors, les traits caractéristiques de ce théâtre imprimé ? En partie anonyme (sur les vingt-quatre pièces du Théâtre de Béziers, cinq seulement sont pourvues de noms d’auteurs et deux des recueils aixois rassemblent des œuvres anonymes), ce théâtre est très souvent lié à des circonstances particulières, lesquelles se regroupent en deux grandes catégories qui peuvent communiquer : la production carnavalesque et plus généralement festive, représentée essentiellement par les recueils aixois, qui font apparaître le personnage emblématique de Caramentrant, et le Théâtre de Béziers, joué pendant les Caritats et dans lequel s’invitent, ponctuellement, les figures tutélaires de Pepesuc et du Camel (chameau) ; les vers de ballets ou les pièces composées à l’occasion de l’entrée de grands, telle que celle du maréchal de Schomberg à Montpellier en 1632, pour laquelle Isaac Despuech-Sage compose un dialogue bilingue, sur le modèle de celui, trilingue, de Du Bartas, composé en 1579 pour l’entrée de Marguerite de Navarre à Nérac. Bien sûr, une partie de la production occitane échappe à cette typologie et semble émaner de gestes plus individuels, sans liens avec des sollicitations ou cadres extérieurs.

      Traits communs et singularités des deux productions

      Si l’on fusionne désormais nos deux relevés et que l’on tente une synthèse et une comparaison des deux ensembles dégagés, on note tout d’abord un déséquilibre très net, quantitativement, entre la production en français et la production en occitan, a fortiori si l’on ne compare que les œuvres originales et que l’on ne comptabilise pas les rééditions de pièces : on publie entre deux et trois fois plus de pièces en occitan que de pièces en français sur le territoire considéré.

      Par ailleurs, et c’est peut-être le plus surprenant, les foyers d’édition ne se recouvrent pas : au trio que forment Avignon, Toulouse et Bordeaux pour le théâtre en français s’oppose celui de Béziers, Aix et Montpellier pour les pièces occitanes. Si certaines villes se spécialisent de manière exclusive dans la publication de l’une ou de l’autre production (Avignon ou Aix), dans d’autres (Toulouse, Béziers ou Montpellier), on publie des œuvres en français et d’autres en occitan. On relève ainsi quelques points de contact : le même imprimeur (ou imprimeur-libraire), Pierre Claverie, publie à Béziers l’Histoire pastoriale (1644) de Saint-André d’Embrun et Les Mariages rabillez (1647) de Michalhe, ce à quoi s’ajoutent d’ailleurs des effets de titre : l’Histoire pastoriale est aussi le titre d’une pièce du Théâtre de Béziers parue en 16331. De même, l’imprimeur montpelliérain Jean Pech publie en 1633 la tragi-comédie de La Selve et en 1636 le recueil des œuvres d’Isaac Despuech-Sage, dont le titre est d’abord en français, comme celui d’un nombre significatif d’œuvres occitanes.

      La distribution par genres fait cependant apparaître des pratiques assez distinctes : alors que le théâtre en français compte un nombre significatif de pièces relevant du registre grave (tragédies, tragi-comédies et pièces de dévotion), la production en occitan ressortit presque exclusivement au registre moyen ou bas. On ne compte, pour le théâtre imprimé au XVIIe siècle, aucune pièce religieuse et aucune tragédie occitanes – ce qui ne signifie pas qu’on n’y parle pas de mort, comme l’atteste la Pastorade gascoue de Jean de Garros, pièce de circonstance où des bergers déplorent la mort d’Henri IV, ni même qu’on n’y meurt pas. Gilles Siouffi voit, sans doute à juste titre, dans la promotion massive du plaisant et du facétieux dans la littérature en « langue régionale » du XVIIe siècle le « signe d’un glissement inéluctable vers les fonctions inférieures de la littérature2 ». Et ce qui caractérise le mieux la production occitane est sans doute la notion de « théâtre d’occasions » (occasions fournies par le Carnaval, par les traditions festives, par les entrées…) proposée par Philippe Gardy3. Mais n’est-ce pas également le cas pour une partie au moins de la production en français ? C’est ce qu’un examen plus précis des pièces et de leurs conditions de composition voire de représentation permettrait d’établir avec plus de précision, d’autant que les pièces en occitan et en français ont parfois les mêmes dédicataires, à l’instar de la pièce de La Selve et de La Fausse magie descouverte, pièce anonyme du Théâtre de Béziers, dédiées, à un an d’intervalle, au duc d’Halluyn.

      Cet exemple fait apparaître un dernier point de contact possible : en dépit, en effet, de leurs différences esthétiques, ces deux pièces, et bien d’autres avec elles, manifestent une réappropriation des modèles parisiens, en l’occurrence les succès comiques et tragi-comiques des années 1630. Dans bien des cas, la relation locale entre production occitane et production française dut intégrer un troisième terme : les œuvres parisiennes, diffusées par l’impression mais aussi, quoique plus ponctuellement, par la représentation.

      Il y a là, assurément, une longue et minutieuse enquête à poursuivre, laquelle devrait permettre à terme la mise au jour d’une histoire « inclusive » du théâtre provincial et de sa production par nature plurilingue.

      Les fonctions du texte dramatique dans le livre de fête

      Benoît BOLDUC

      New York University

      Le développement de l’imprimé joue un rôle déterminant dans la formation et la légitimation de la culture théâtrale dans la France des XVIe et XVIIe siècles, comme dans le reste de l’Europe. Grâce aux travaux de nombreux chercheurs, nous savons que l’impression des textes dramatiques contribue, par exemple, à l’institution du théâtre, à la constitution de répertoires nationaux, à la transformation des publics,