" A qui lira ": Littérature, livre et librairie en France au XVIIe siècle. Группа авторов. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Группа авторов
Издательство: Bookwire
Серия: Biblio 17
Жанр произведения: Документальная литература
Год издания: 0
isbn: 9783823302285
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      Sérizanis de Cavaillon, Teofile ou la victoire de l’Amour divin sur le profane, tragédie sacrée, Vve de C. David et A. David, 1695.

      Les ouvrages imprimés relèvent de deux catégories distinctes : d’une part les rééditions de pièces parisiennes, d’autre part les éditions originales. La première catégorie est constituée de sept titres et concentrée essentiellement entre les mains de trois libraires toulousains, Arnaud Colomiez, Bernard Fouchac et Jean Brocour, qui publient la même année 1652 cinq pièces parisiennes des années 1630-1640 ayant connu des fortunes éditoriales diverses : si La Mariane a donné lieu à douze rééditions entre 1637 et 1678, dont deux lyonnaises, on ne compte que deux rééditions de La Mort de Chrispe et quatre de La Mort des enfants d’Hérode (dont les rééditions toulousaines) et c’est sans doute en pariant sur l’effet d’entraînement de La Mariane que les libraires les ont publiées en même temps que la pièce à succès de Tristan L’Hermite, La Mort de Chrispe, ayant le même auteur et La Mort des enfants d’Hérode étant conçue comme une suite de La Mariane. C’est à cette première catégorie qu’appartiennent également la réédition avignonnaise des Amours tragiques de Pyrame et Thisbé de Théophile de Viau, qui donne lieu à une quarantaine de réimpressions tout au long du siècle, seule ou au sein des Œuvres de Théophile, en province (outre Avignon, Rouen, Lyon et Grenoble) autant qu’à Paris, et la réédition toulousaine, à la fin du siècle, des Œuvres posthumes de Molière. Il conviendrait d’adjoindre à cette première catégorie la cinquantaine de contrefaçons avignonnaises recensée par A. Riffaud et qui émane des ateliers des imprimeurs Jacques Bramereau et Jean Piot, actifs entre 1600 et 1658 pour le premier, 1625 et 1675 pour le second. A. Riffaud considère que celui-ci est « le second contrefacteur du théâtre français », derrière Jacques et Eléazar Mangeant installés à Caen, dont la « production est surtout vouée au colportage à travers tout le royaume de France2 ». Les ateliers de Bramereau et Piot imitent les motifs parisiens et les imprimeurs parviennent régulièrement à publier la même année que l’édition originale des contrefaçons qu’ils écoulent d’autant plus facilement que la vallée du Rhône est un axe de circulation important et qu’Avignon est une ville papale3.

      La seconde catégorie regroupe seize ouvrages et se subdivise elle-même en deux groupes : l’un n’est, jusqu’à plus ample informé, représenté que par un seul ouvrage, Les Galantes Vertueuses de Desfontaines, soit une œuvre composée par un comédien-poète qui n’est pas originaire du Midi, mais se trouve à Lyon en février 1640 et en février 16434, avec la troupe de Charles Dufresne. La proximité géographique des villes de Lyon et d’Avignon et le fait que Jean Piot soit alors l’un des imprimeurs spécialisés dans l’édition théâtrale les plus actifs de la région peuvent expliquer que Desfontaines lui ait confié sa tragi-comédie. Quelle que soit l’origine de ce choix – l’auteur n’en dit mot dans l’appareil paratextuel des Galantes Vertueuses –, il s’agit là d’une publication conjoncturelle, bien distincte des circuits de production et de publication que l’on peut supposer à l’œuvre pour les quinze autres pièces de notre corpus, soit la production théâtrale véritablement locale.

      L’empan chronologique (1607-1699) et la diversité de ces pièces rend difficile, sinon impossible, une présentation unifiée. On peut d’ailleurs relever au préalable le caractère étique de l’ensemble : 16 pièces publiées en près d’un siècle dans un espace qui occupe près de la moitié du territoire national, voilà qui est fort peu. Mais comme l’observe encore A. Riffaud, la production théâtrale provinciale en général n’excède pas « quelques unités par an au maximum, et certaines années aucune ne voit le jour », les libraires parisiens devenant, à partir des années 1630, « quasiment les seuls à publier les pièces nouvelles qui sont créées à Paris avant d’enrichir la programmation des troupes de campagne5 ». Et si l’on peut noter quelques exceptions à partir des années 1660, les dramaturges Gilbert, Rosimond, Brécourt, Hauteroche, Abeille, Chappuzeau, Dancourt ou Campistron publiant parfois leurs nouvelles pièces ailleurs qu’à Paris, ce phénomène ne touche pas le territoire méridional, mais les villes de Rouen, Grenoble, Lille et Lyon, et plus encore La Haye. Même le marché de la contrefaçon se déplace à partir des années 1660 et Avignon cède la place à Lyon et Grenoble6. Mais la poignée de pièces publiées dans quelques villes méridionales atteste de la permanence d’une activité théâtrale modeste mais réelle, qui se caractérise d’abord par sa variété : aux côtés de comédies (Le Procès de Carnaval, Amsterdam hydropique et La Bourgeoise madame) se trouvent des tragi-comédies et tragédies, et parmi ces dernières, des pièces à sujet mythologique (Léandre et Héron, Agamemnon), historique (Sophonisbe, La Mort de Manlius), biblique (Josaphat, Le Sacrifice d’Abraham), chrétien (Histoire pastoriale, sur la naissance de nostre seigneur Jesus-Christ, Teofile ou la victoire de l’Amour divin sur le profane, La Simonie) ou romanesque (Phalante, tirée de l’Arcadia de Sidney, Faramond du roman éponyme de La Calprenède). Certaines de ces pièces répondent à des occasions spécifiques : actualité nationale et même internationale pour Amsterdam hydropique, composée dans les premiers mois du conflit qui oppose la France à la Hollande, célébration de la Nativité pour l’Histoire pastoriale.

      Les pages de titre ou les paratextes fournissent parfois des informations sur leurs auteurs : comme sur le reste du territoire, on compte parmi eux des avocats (Galaut et La Selve l’indiquent explicitement), des hommes d’Église et des professeurs (Sérizanis de Cavaillon et le Père Dumoret). Les autres sont assurément aussi des notables, qui indiquent parfois leur origine provinciale7, généralement pour s’en excuser, et sont inscrits dans des réseaux ou aspirent à s’y inscrire, comme l’attestent les épîtres dédicatoires qui précèdent presque systématiquement le texte des pièces. Elles ont pour destinataires des représentants majeurs des institutions locales : archevêque de Bordeaux (Agamemnon d’Arnaud), archevêque d’Embrun (Histoire pastoriale de Saint-André d’Embrun) et surtout gouverneurs du Languedoc (Les Amours infortunées de Leandre et d’Heron de La Selve, dédiées au maréchal de Schomberg, duc d’Halluin) et de Guyenne (La Mort de Manlie de Noguères et Josaphat de D.L.T., dédiées au duc d’Épernon, Faramond de Lapoujade à son successeur, le maréchal d’Albret).

      Les caractéristiques dramaturgiques et stylistiques de ces œuvres sont extrêmement diverses. Comme l’a montré Alan Howe dans l’édition qu’il a donnée de la Phalante de Galaut8, l’une des toutes premières œuvres françaises inspirées d’un roman anglais, l’esthétique de cette tragédie probablement créée à la fin du siècle précédent mêle, comme celle des contemporains de Galaut et particulièrement de Hardy, des éléments hérités de la tragédie humaniste et des constituants modernes, la pièce toulousaine ne se distinguant en rien des pièces composées par Hardy et publiées à Rouen ou à Paris à la même période. On note cependant, dans les tragédies profanes produites à partir des années 1640, une influence assez massive du modèle cornélien, et de certaines des formes-sens de la tragédie cornélienne telles que le monologue délibératif, voire le plus célèbre d’entre eux, les stances de Rodrigue. Rien ne permet, cependant, de les taxer globalement d’« archaïques » : tout d’abord, le phénomène est alors national, et nombre de pièces parisiennes font place à une telle imitation ; surtout, comme l’a montré Pierre Pasquier9, le théâtre composé et publié en province est infiniment moins tributaire des modes et reprend aisément un procédé, un modèle rhétorique ou un motif qui a prouvé son efficacité.

      Ces pièces ont-elles été représentées, et leur publication vient-elle prolonger un succès à la scène ? En l’état actuel de nos connaissances, il est extrêmement difficile de le dire. Noguères évoque une représentation de sa Mort de Manlie10 ; Jean-Claude Brunon, éditeur scientifique de la pièce de La Serre, fournit un certain nombre d’éléments qui plaident pour une représentation de cette tragi-comédie dans un contexte culturel alors très actif et encouragé par les goûts personnels du duc d’Halluin11. On peut en outre gager