«La journée commence bien! Si les gens me font de si grands sourires…» Un ruisseau de plaisir, dû au pressentiment de la grande aventure, avait envahi son corps. Le train s’approchait de Paris.
– Tu ne vas pas au collège aujourd’hui? La mère de Paul finissait en vitesse son café avec une tartine.
– Non, c’est férié, maman! Pas de collège!!!
– J’espère que tu ne vas pas passer toute la journée devant ton ordinateur? Appelle tes amis, allez au cinéma. Il est sorti le nouveau film avec Bill Games! J’ai envie de le voir, mais je n’ai jamais le temps de faire les choses que j’aime!
– Maman, je t’aime!
– Moi aussi, je t’aime, Paul!
– Mais tu ne viens jamais au cinéma avec moi!
– Si j’avais un peu de temps pour moi, je l’aurais fait avec un si grand plaisir!
– Maman, je te promets, que bientôt tu auras tout ce que tu souhaiteras!
– Comment tu le sais?
– Parce que je t’aime! C’est suffisant! Et comment cela adviendra, on verra.
– Pour l’instant il faut que j’aille travailler, pour qu’on puisse avoir le minimum essentiel… ne rêve pas trop, d’accord?
– Au revoir, maman!
– Passe une excellente journée, Paul!
Dès que la mère ferma la porte derrière elle, Paul se précipita devant l’ordinateur. Il était très impatient durant les quelques minutes d’attente pendant lesquelles toutes les fenêtres s’ouvraient. Ce temps-là lui paraissait éternel.
– Allez, allez, ouvre-toi! J’ai un message urgent à recevoir! Allez!
Les fenêtres s’ouvraient l’une après l’autre. Enfin, celle qu’il attendait! Paul se précipita sur le terrain de jeu où il avait rendez-vous avec ses coéquipiers. Il s’est rendu vite dans le village des Trolles, et y resta à attendre, sous l’Arbre des Souhaits. Personne ne venait, pourtant ils avaient rendez-vous à sept heures du matin.
La veille, Caroline les avait prévenus qu’elle avait réussi à convaincre Bill sans grandes difficultés et il était en train de voler vers Paris. Elle avait dit à Kim de prendre le premier vol Shanghai-Paris pour se retrouver presque en même temps avec Bill sur le territoire français. Elle avait réservé des chambres dans les hôtels voisins pour Bill et Kim et elle avait envoyé la lettre à la direction de l’hôtel avec les instructions concernant la venue de Bill. Ils devaient préparer la suite selon les goûts de Bill, et lui laisser sur la table la lettre avec le lieu du rendez-vous.
Paul attendait avec une impatience montante. Kim devait déjà avoir atterri depuis longtemps, mais Caroline ne voulait pas qu’ils se rencontrent avant, elle n’avait pas expliqué pourquoi. Paul n’insistait pas, car il ne savait pas encore quoi écrire à sa mère pour expliquer sa fugue. Il ne voulait surtout pas la blesser, ni l’inquiéter, et toute la nuit il inventait sa lettre. La dernière version n’était pas bien meilleure que la première, et il disait tout simplement «qu’il allait chercher l’endroit où l’on apprendra l’accomplissement de tous les rêves». Il n’a rien trouvé de mieux. «Maman, elle est intelligente, elle comprendra!», pensa Paul, fermant l’enveloppe avant de la mettre sur la table de la cuisine.
L’ordinateur a fait un bzzz! Paul se retrouva à la vitesse d’un éclair devant son écran. Caroline, plutôt un gros Trolle, était déjà là!
– Salut, Paul! Ça va, tu es prêt? Caroline était plus laconique que d’habitude. Paul voyait arriver Kim, ou plutôt un Elfe avec un chapeau ridicule.
– Super, on est tous là! Kim, comment tu as trouvé ton voyage?
– Tout s’est passé comme prévu, j’avais amené le whisky préféré de Bill, que tu m’as envoyé, et je lui ai laissé à la réception. Je pense qu’il a dû le recevoir déjà. Et la lettre aussi, et les roses, tout est complet!
– Bravo Kim!
Paul ne comprenait pas quel rapport avec Bill avaient les roses, le whisky et la lettre, et comment Kim, étant la veille à Shanghai, avait pu recevoir ce paquet de Caroline, qui se trouvait en ce moment à l’autre bout de la planète. Mais il avait décidé de ne s’émerveiller de rien et d’accomplir cette mission jusqu’au bout. Il avait une seule pensée dans sa tête: sortir sa maman chérie de ce cercle de vie misérable et aller au cinéma avec elle voir son film préféré avec Bill Games. Il faisait confiance à ses coéquipiers et était prêt à recevoir les ordres.
– Maintenant, chers amis, il faudrait que je vous donne le lieu de rendez-vous!
– Tu crois que nous saurons nous reconnaître? demanda Paul.
– Les apparences physiques n’ont aucune importance dans cette mission. C’est votre inconscient qui compte!
Paul n’avait rien compris de ce qu’est cet Inconscient. Il ne connaissait pas ces termes.
– Tu peux nous expliquer, qu’est-ce que c’est cet «Inconscient»? demanda Paul.
– Je n’ai pas trop de temps maintenant, mais c’est ton essence intérieure, si tu veux.
Paul comprit encore moins et décida de cesser de poser des questions idiotes pour ne pas décevoir ses coéquipiers.
– Votre rendez-vous sera à six heures de l’après-midi sous la voûte ouest de la tour Eiffel, Kim va se mettre face à l’est et Paul face à l’ouest, tournant le dos à Kim. Ainsi Bill vous reconnaîtra, aucune autre explication ne lui est fournie, donc, soyez précis.
– Mais comment on se reconnaîtra, moi et Kim, insista Paul.
– Dans cette position! C’est évident, n’est-ce pas?
– Oui, oui, ne t’inquiète pas, on se retrouvera, hein, Paul! Pas d’inquiétude devant une telle aventure!
– Ok! J’y serai!
– Maintenant, la chose suivante. Vous devez expliquer à Bill le sens de sa mission, que je vous fournis dans ce fichier joint. Vous aurez le temps d’apprendre tout par cœur, et pas de fantaisies! Suivez les règles strictes de ce jeu, pour la parfaite réussite.
Dans une fenêtre séparée est arrivée une lettre sur l’écran de Paul. Il l’ouvrit et la mit en attente pour continuer à saisir les indications de Caroline.
– Le soir même, vous devez vous rendre à l’aéroport, tous les trois, et embarquer dans l’avion pour Séoul. Dans vos lettres, vous trouverez les numéros de vol et de réservations, ainsi que le nom de votre hôtel à Séoul.
– Quel service! s’éclata Paul. J’ai vu tout ça dans les films de James Bond!
– On a l’habitude de fonctionner comme ça. Bill n’acceptera pas autrement. C’est son style de vie. Vous devriez vous y habituer vite.
– Il doit être un sacré gaillard, ce Bill! J’ai hâte de le connaître! s’enthousiasma Kim. J’aime les gens sans complexe!
– Maintenant je vous souhaite bonne route, on se retrouvera pour la prochaine réunion à sept heures du matin, le lendemain de votre arrivée à Séoul. Vous avez tout votre temps pour faire connaissance. Tu as toujours ton ordi portable avec toi, Kim?
– Oui, c’est ma deuxième nature. Je ne me sépare jamais de mon ordinateur.
– Très bien! On se retrouvera sous le même arbre après-demain. Au revoir!
– Au revoir, Caroline.