Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Техническая литература
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par les charpentiers du moyen âge, les moises étaient serrées au moyen de clefs de bois, sans qu'il fût besoin de boulons et de ferrements. Dans les échafauds, comme dans toutes les constructions de cette époque, on cherchait à économiser les matériaux, et on ne se préoccupait pas de la main-d'oeuvre. De notre temps, nous voyons faire des échafauds simplement et solidement combinés; cependant il faut dire que les architectes abandonnent trop facilement la direction de cet accessoire nécessaire à toute construction importante: un peu d'étude et d'attention de leur part éviteraient bien des dépenses inutiles, et, grâce au déplorable système des adjudications, nous sommes souvent obligés d'employer des entrepreneurs de charpente qui sont hors d'état de trouver les moyens les plus propres à élever des échafauds solides en employant peu de bois. Un échafaud bien fait est cependant une des parties de l'art du constructeur qui accuse le mieux son intelligence et sa bonne direction. On peut juger la science réelle du constructeur à la manière dont il dispose ses échafauds.

      Les échafauds bien établis font gagner du temps aux ouvriers, leur donnent de la confiance, les obligent à plus de régularité, de méthode et de soin; s'ils sont massifs, s'ils emploient le bois avec profusion, les ouvriers savent parfaitement le reconnaître; ils jugent sur ce travail provisoire du degré de connaissances pratiques de leur chef et ne lui savent aucun gré de cet abus de moyens. Si, au contraire, des maçons sont appelés à travailler sur des échafauds hardis, légers en apparence, mais dont quelques jours d'épreuve suffisent pour reconnaître la solidité, ils apprécient bien vite ces qualités et comprennent que, dans l'oeuvre, ce qu'on exigera d'eux, c'est du soin, de la précision, que l'on ne se contentera pas d'à-peu-près. Dans les restaurations d'anciens édifices, les échafauds demandent chez l'architecte une grande fertilité de combinaisons; on ne saurait donc trop attirer leur attention sur cette étude: l'économie, l'ordre dans le travail, et, plus que tout cela, la vie des ouvriers en dépendent.

       ÉCHAUGUETTE, s. f. Eschauguette, eschargaite, escargaite, eschegaite, esgaritte, garite. Échauguette, au moyen âge, désignait la sentinelle.

      «Servanz i mist è chevaliers,

      Et eschargaites è portiers,

      Puiz est repairiez à Danfront 42

      «Ses eschauguettes a li rois devisé 43

      Aussi la garde, le poste:

      «Par l'escargaite Droom le Poitevin,

      Le fil le roi en laissa fors issir 44

      On disait escargaiter pour garder, épier:

      «L'ost escargaïte Salemon li Senés 45

      Pendant les XIVe, XVe et XVIe siècles, dans le nord de la France, les petites loges destinées aux sentinelles, sur les tours et les courtines, sont appelées indifféremment garites, escharguettes, pionnelles, esgarittes, maisoncelles, centinelles ou sentinelles, hobettes 46. Ainsi le poste prend le nom de la qualité de ceux qu'il renferme.

      Dans les plus anciennes fortifications du moyen âge, il y avait des échauguettes. Il est à croire que ces premières échauguettes étaient en bois, comme les hourds, et qu'on les posait en temps de guerre. Tous les couronnements de forteresses antérieures au XIIe siècle étant détruits, nous ne pouvons donner une idée de la forme exacte de ces échauguettes primitives; lorsqu'elles ne consistaient pas seulement en petites loges de bois, mais si elles étaient construites en maçonnerie, ce n'étaient que de petits pavillons carrés ou cylindriques couronnant les angles des défenses principales, comme ceux que nous avons figurés au sommet du donjon du château d'Arques (voy. DONJON, fig. 7, 8 et 9). Les premières échauguettes permanentes dont nous trouvons des exemples ne sont pas antérieures au XIIe siècle; alors on les prodiguait sur les défenses; elles sont ou fermées, couvertes et munies même de cheminées, ou ne présentent qu'une saillie sur un angle, le long d'une courtine, de manière à offrir un petit flanquement destiné à faciliter la surveillance, à poser une sentinelle, une guette. C'était particulièrement dans le voisinage des portes, aux angles des gros ouvrages, au sommet des donjons, que l'on construisait des échauguettes.

      Nous voyons quatre belles échauguettes couronnant le donjon de Provins (voy. DONJON, fig. 27 et suivantes); celles-ci étaient couvertes et ne pouvaient contenir chacune qu'un homme. Quelquefois l'échauguette est un petit poste clos capable de renfermer deux ou trois soldats, comme un corps de garde supérieur. Au sommet du donjon de Chambois (Orne), il existe encore une de ces échauguettes, du XIIIe siècle, au-dessus de la cage de l'escalier du XIIe.

      Voici (1) l'aspect intérieur de ce poste, qui peut contenir quatre hommes. Il est voûté et surmonté d'un terrasson autrefois crénelé. Une petite fenêtre donnant sur la campagne l'éclaire; une cheminée permet de le chauffer; à droite de la cheminée est la tablette destinée à recevoir une lampe. Les gens du poste pouvaient facilement monter sur le terrasson supérieur pour voir ce qui se passait au loin. Ces grandes échauguettes à deux étages sont assez communes; il est à croire qu'en temps de guerre les soldats abrités dans l'étage couvert étaient posés en faction, à tour de rôle, sur la terrasse supérieure. Des deux côtés de la tour du Trésau, à Carcassonne, nous voyons de même deux hautes échauguettes ainsi combinées; seulement il fallait de l'étage fermé monter sur le terrasson par une échelle, en passant à travers un trou pratiqué dans le milieu de la petite voûte (voy. CONSTRUCTION, fig. 154).

      Il faut distinguer toutefois les échauguettes destinées uniquement à la surveillance au loin de celles qui servent en même temps de guette et de défense. Les donjons possédaient toujours une échauguette, au moins, au sommet de laquelle se tenait la sentinelle de jour et de nuit qui, sonnant du cor, avertissait la garnison en cas de surprise, de mouvement extraordinaire à l'extérieur, d'incendie; qui annonçait le lever du soleil, le couvre-feu, la rentrée d'un corps de troupes, l'arrivée des étrangers, le départ ou le retour de la chasse: «La nuit dormi et fu aise et quant il oï le gaite corner le jour, si se leva et ala à l'église proijer Dieu, qu'il li aidast 47.» Ces sortes de guettes consistent en une tourelle dominant les alentours par-dessus les crénelages et les combles. Certains donjons, par leur situation même, comme les donjons des châteaux Gaillard, de Coucy, n'avaient pas besoin de guette: leur défense supérieure en tenait lieu; mais les donjons composés de plusieurs logis agglomérés, comme le donjon d'Arques et, beaucoup plus tard, celui de Pierrefonds par exemple, devaient nécessairement posséder une guette. Dans le château de Carcassonne, qui date du commencement du XIIe siècle, la guette est une tour spéciale sur plan barlong, contenant un escalier avec un terrasson crénelé au sommet. Cette tour domine toutes les défenses du château et même celles de la cité; elle renfermait, vers les deux tiers de sa hauteur, un petit poste éclairé par une fenêtre donnant sur la campagne (voy. ARCHITECTURE MILITAIRE, fig. 12 et 13). Les échauguettes destinées seulement à l'observation n'offrent rien de particulier: ce sont des tourelles carrées, à pans, ou le plus souvent cylindriques, qui terminent les escaliers au-dessus des tours principales des châteaux, en dépassant de beaucoup le niveau de la crête des combles les plus élevés. Les échauguettes servant à contenir un poste ou même une sentinelle pouvant au besoin agir pour la défense d'une place sont, au contraire, fort intéressantes à étudier, leurs dispositions étant très-variées, suivant la place qu'elles occupent.

      Vers la fin du XIIIe siècle,


<p>42</p>

Le Roman de Rou, vers 9519 et suiv.

<p>43</p>

Roman de Garin le Loherain. La leçon eschargaite est préférable; elle est employée dans le même roman:

<p>44</p>

Roman d'Ogier l'Ardenois, vers 1122 et suiv.

<p>45</p>

Ibid., vers 10736.

<p>46</p>

Archiv. de Béthune, de Péronne, de Noyon. Voy. Les artistes du nord de la France aux XIVe, XVe et XVIe siècles, par Al. de la Fons, baron de Mélicocq. Béthune, 1848. Répar. des fortif. de Béthune, d'Arras, de Guise, de Noyon, de Péronne, etc. Registre des comptes, p. 185 et suiv.

<p>47</p>

La Chronique de Rains, chap. VIII.