Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Техническая литература
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la porte de la rampe du château, passer par-dessus cette porte et arriver à l'ouvrage avancé qui commande le vallon au loin. La poterne B servait ainsi de sortie à la garnison, pour prendre l'offensive contre un corps d'investissement, de porte de secours et d'approvisionnement. On observera que l'espace K est une cour dont le sol est au-dessous du sol de la cour principale du château, et que, pour s'introduire dans cette cour principale, il faut passer par une seconde poterne L, dont le seuil est relevé au-dessus du sol K, et qui est défendue par une herse, des vantaux et des mâchicoulis avec créneaux. L'escalier M, qui donne dans la chapelle N et dans la cour, monte de fond et permet d'arriver à la chambre de la herse.

      En continuant à monter par cet escalier à vis, on arrive (42) au-dessus de la chambre de la herse, dans l'étage percé de mâchicoulis; traversant un couloir; on descend une rampe O, qui vous conduit au premier étage de la tour carrée, d'où on peut pénétrer dans les grandes pièces du logis principal, lesquelles se composent d'une vaste salle P, en communication directe avec le grand escalier à vis E, de deux salons R avec logis S au-dessus de la porte d'entrée, et des chambres prises dans les deux grosses tours défendant l'extérieur. En T sont des garde-robes, latrines et cabinets. On voit encore en place la belle cheminée qui chauffait la grande salle P, bien éclairée par de grandes fenêtres à meneaux, avec doubles traverses. Un second étage était à peu près pareil à celui-ci, au moins quant aux dispositions générales; l'un et l'autre ne se défendaient que par l'épaisseur des murs et les flanquements des tours.

      Ce n'est qu'au troisième étage (43) que commencent à paraître les défenses. À la base des grands pignons qui ferment les couvertures du logis principal sont pratiqués des mâchicoulis avec crénelages en c et en d. Les deux grosses tours rondes et la tour carrée continuent à s'élever, se dégagent au-dessus des combles du logis, et sont toutes trois couronnées de mâchicoulis avec meurtrières et crénelages couverts; puis, au-dessus, d'un dernier parapet crénelé à ciel ouvert à la base des toits. La tour carrée possède en outre sur ses trois contre-forts trois échauguettes flanquantes. À la hauteur du second étage, en continuant à gravir l'escalier M de la poterne, on trouve un parapet crénelé au-dessus des mâchicoulis de cette poterne et une porte donnant entrée dans la tour carrée; de là on prend un petit escalier à vis V qui monte aux trois derniers étages de cette tour n'étant plus en communication avec l'intérieur du gros logis. Cependant, de l'étage des mâchicoulis de la tour carrée, on peut prendre un escalier rampant au-dessus de la couverture des grands pignons crénelés du logis principal, et aller rejoindre les mâchicoulis de la grosse tour d'angle, de même que, par l'escalier de l'échauguette C, on peut, en gravissant les degrés derrière les pignons crénelés de ce côté, arriver aux mâchicoulis de la grosse tour proche l'entrée. Sur le front extérieur, ces deux tours sont mises en communication par un parapet crénelé à la base des combles. Des dégagements et garde-robes T, on descendait sur le chemin de ronde X de la grande courtine défendant l'extérieur avec son échauguette X' au-dessus de la poterne. Ce chemin de ronde était aussi en communication avec les chemins de ronde inférieurs de la tour de la chapelle N. De la salle R ou de la tour R', on pouvait communiquer également aux défenses du château du côté sud par la pièce S située au troisième étage au-dessus de l'entrée en descendant l'escalier U.

      Si l'on a suivi notre description avec quelque attention, il sera facile de comprendre les dispositions d'ensemble et de détail du donjon de Pierrefonds, de se faire une idée exacte du programme rempli par l'architecte. Vastes magasins au rez-de-chaussée avec le moins d'issues possible. Sur le dehors, du côté de l'entrée, qui est le plus favorable à l'attaque, énormes et massives tours pleines dans la hauteur du talus, et pouvant résister à la sape. Du côté de la poterne, courtine de garde très-épaisse et haute avec cour intérieure entre cette courtine et le logis; seconde poterne pour passer de cette première cour dans la cour principale. Comme surcroît de précaution, de ce côté, très-haute tour carrée enfilant le logis sur deux de ses faces, commandant toute la cour K et aussi les dehors, avec échauguettes au sommet flanquant les faces mêmes de la tour carrée. D'ailleurs, possibilité d'isoler les deux tours rondes et la tour carrée en fermant les étroits passages donnant dans le logis, et de rendre ainsi la défense indépendante de l'habitation. Possibilité de communiquer d'une de ces tours aux deux autres par les chemins de ronde supérieurs, sans passer par les pièces destinées à l'habitation. Outre la porte du château et le grand escalier avec perron, issue particulière pour la tour carrée, soit par la petite porte de l'angle rentrant, soit par l'escalier de la chapelle. Issue particulière de la tour du coin par la courtine dans laquelle est percée la poterne et par les escaliers de la chapelle. Issue particulière de la tour de la porte d'entrée par les salles situées au-dessus de cette porte et l'escalier U qui descend de fond. Communication facile établie entre les tours et les défenses du château par les chemins de ronde. Logis d'habitation se défendant lui-même, soit du côté de la cour K, soit du côté de l'entrée du château, au moyen de crénelages et mâchicoulis à la base des pignons. Ce logis, bien protégé du côté du dehors, masqué, flanqué, n'ayant qu'une seule entrée pour les appartements, celle du perron, et cette entrée, placée dans la cour d'honneur, commandée par une des faces de la tour carrée. Impossibilité à toute personne n'étant pas familière avec les distributions du logis de se reconnaître à travers ces passages, ces escaliers, ces détours, ces issues secrètes; et pour celui qui habite, facilité de se porter rapidement sur tous les points de la défense, soit du donjon lui-même, soit du château. Facilité de faire des sorties si l'on est attaqué. Facilité de recevoir des secours ou provisions par la poterne B, sans craindre les surprises, puisque cette poterne s'ouvre dans une première cour qui est isolée, et ne donne dans la cour principale que par une seconde poterne dont la herse et la porte barrée sont gardées par les gens du donjon. Belles salles bien disposées, bien orientées, bien éclairées; appartements privés avec cabinets, dégagements et escaliers particuliers pour le service. Certes, il y a loin du donjon de Coucy, qui n'est qu'une tour où chefs et soldats devaient vivre pêle-mêle, avec ce dernier donjon, qui, encore aujourd'hui, serait une habitation agréable et commode; mais c'est que les moeurs féodales des seigneurs du XVe siècle ne ressemblaient guère à celles des châtelains du commencement du XIIIe.

      Nous complétons la série des plans du donjon de Pierrefonds par une élévation géométrale de ce logis (44) prise du côté de la poterne sur la ligne QZ des plans. En A, on voit la grosse tour du coin; en B, la tour carrée; entre elles, les deux pignons crénelés des salles; en C est la tour de la chapelle, dans laquelle les habitants du donjon pouvaient se rendre directement en passant par la tour carrée et le petit escalier à vis marqué M sur les plans, sans mettre les pieds dehors. On voit la haute courtine de garde, entre la grosse tour de coin et celle de la chapelle, qui masque la cour isolée R. Au milieu de cette courtine est la poterne relevée qui communiquait avec un ouvrage avancé en passant par-dessus la porte D de la rampe extérieure du château. Comme construction, rien ne peut rivaliser avec le donjon de Pierrefonds; la perfection de l'appareil, de la taille, de la pose de toutes les assises réglées et d'une épaisseur uniforme de 0,33 c. (un pied) entre lits, est faite pour surprendre les personnes qui pratiquent l'art de bâtir. Dans ces murs d'une hauteur peu ordinaire et inégaux d'épaisseur, nul tassement, nulle déchirure; tout cela a été élevé par arasements réguliers; des chaînages, on n'en trouve pas trace, et bien qu'on ait fait sauter les deux tours rondes par la mine, que les murs aient été sapés du haut en bas, cependant les parties encore debout semblent avoir été construites hier. Les matériaux sont excellents, bien choisis, et les mortiers d'une parfaite résistance 34. Les traces nombreuses de boiseries, d'attaches de tentures que l'on aperçoit encore sur les parois intérieures du donjon de Pierrefonds, indiquent assez que les appartements du seigneur étaient richement décorés et meublés, et que cette résidence réunissait les avantages d'une place forte de premier ordre à ceux d'une habitation plaisante située dans un charmant pays. L'habitude que nous avons des dispositions symétriques dans les bâtiments


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L'Empereur Napoléon III a reconnu l'importance des ruines de Pierrefonds, au point de vue de l'histoire et des arts. Le donjon reprendra son ancien aspect; déjà la partie de la tour carrée qui avait été jetée bas est remontée; nous pourrons voir bientôt le plus beau spécimen de l'architecture féodale du XVe siècle en France renaître sous l'auguste volonté du souverain. Nous n'avons que trop de ruines dans notre pays, et nous en apprécions difficilement la valeur. Le château de Pierrefonds, rétabli en partie, fera connaître cet art à la fois civil et militaire qui, de Charles V à Louis XI, était supérieur à tout ce que l'on faisait alors en Europe.