Jamais, dans l'Île-de-France, les architectes n'ont ainsi exagéré l'importance de détails qui, après tout, ne doivent pas détruire la tranquilité de surfaces planes et ne sont pas faits pour lutter avec la sculpture. Cependant parfois les écailles taillées sur les édifices de la première moitié du XIIIe siècle, dans l'Île-de-France, présentent plus de saillie à leur extrémité inférieure qu'à leur sommet; leur forme la plus générale est celle présentée dans la fig. 5. Dans ce cas, les écailles sont évidées suivant le profil A ou suivant le profil B. Les écailles fortement détachées à leur extrémité inférieure, conformément au profil A, appartiennent plutôt aux flèches des clochers, c'est-à-dire qu'elles sont placées à une grande hauteur. Sur les rampants des contre-forts, leur saillie est égale dans toute leur longueur.
Au XIVe siècle, les écailles se rapprochent davantage de la forme des bardeaux; elles se touchent presque, ont leurs deux côtés parallèles, sont allongées et terminées par des angles abattus (6). Les pinacles des contre-forts du choeur de la cathédrale de Paris (XIVe siècle) et ceux du choeur de l'église d'Eu (XVe siècle) sont couverts d'écailles taillées suivant cette forme.
Les écailles appartenant aux monuments construits dans des provinces où les couvertures en pierre ont été adoptées dès l'époque romane, comme dans le midi de la France et dans l'ouest, ne sont pas disposées comme des bardeaux de couvertures en bois; elles sont retournées, de façon à laisser entre chacune d'elles comme autant de petits canaux propres à éloigner les eaux des joints verticaux (voyez ce que nous disons à propos de ces sortes d'écailles, à l'article CLOCHER, fig. 14 et 15).
ÉCHAFAUD, s. m. Chaffaud. Dans l'art de bâtir on entend par échafaud l'oeuvre de charpente provisoirement établie pour permettre d'élever les maçonneries. Les échafauds sont adhérents à la construction qu'on élève ou en sont indépendants. Les constructions du moyen âge, ainsi que les constructions romaines, étaient montées au moyen d'échafauds tenant à la maçonnerie, et qu'on posait en élevant celle-ci. À cet effet, on réservait dans les murs soit en brique, soit en moellon, soit en pierre, des trous de 0,15 c. de côté environ, profonds, et dans lesquels on engageait des chevrons ou des rondins en bascule que l'on soulageait à leur extrémité opposée par des pièces de bois verticales. Ces chevrons ou rondins engagés sont les boulins, et les trous réservés pour les recevoir s'appellent trous de boulins; les pièces de bois verticales sont désignées sous le nom d'échasses. Les architectes du moyen âge élevaient ainsi leurs plus grands édifices au moyen de boulins et d'échasses d'un médiocre équarrissage. Sur ces boulins, placés à des distances assez rapprochées, on posait des planches, plateaux, plabords, sur lesquels se tenaient les ouvriers; ces planchers, plus ou moins larges, suivant le besoin, se répétaient de six pieds en six pieds au plus; afin de rendre chaque partie de la construction accessible aux travailleurs. Les matériaux de gros volume n'étaient jamais montés sur ces planchers ou ponts, mais sur les murs eux-mêmes, au moyen d'engins placés sur le sol correspondant à des grues ou chèvres haubannées sur la construction même. D'ailleurs, presque toujours, les matériaux étaient montés par l'intérieur, bardés sur les murs, posés et jointoyés par les ouvriers circulant sur ces murs mêmes ou sur les échafauds.
L'échafaud d'un édifice romain ou du moyen âge montait donc en même temps que la construction. Les constructeurs de ces temps reculés ne faisaient certainement pas de grands frais d'échafaudages. Ils laissaient les trous de boulins apparents sur les parements, ne se donnant pas la peine de les boucher à mesure qu'ils démontaient les échafauds lorsque la construction était terminée. Alors on ne ravalait pas les édifices; chaque pierre était posée toute taillée, et il n'y avait plus à y toucher; donc le jour où la dernière pierre était mise en place, l'édifice était achevé, et l'échafaud pouvait être enlevé. Il faut observer aussi que les grands édifices gothiques présentent des retraites prononcées à différentes hauteurs, ce qui permettait de reprendre sur chacune de ces retraites un système d'échafaudage, sans qu'il fût nécessaire de porter les échafauds de fond. Cependant il est tels édifices, comme les tours de défense, par exemple, qui s'élèvent verticalement à une grande hauteur sans ressauts, sans retraite aucune. Il est intéressant d'étudier comment ont été montées ces énormes bâtisses.
La construction du donjon de Coucy, qui présente un cylindre dont les parois verticales ont 60 mètres d'élévation, n'a exigé qu'un échafaudage extrêmement simple, échafaudage qui avait encore le mérite d'éviter les montages lents obtenus par des engins. On remarque sur la surface de l'énorme cylindre, à l'extérieur, une suite de trous de boulins disposés en spirale et formant, à cause de la largeur extraordinaire du diamètre, une pente assez douce. Ces trous de boulins, espacés de quatre en quatre mètres environ, sont doubles, c'est-à-dire qu'ils présentent deux spirales, ainsi que le fait voir la fig. 1.
Au moyen de chevrons engagés dans les trous A supérieurs et soulagés par des liens portant dans les trous B inférieurs, le constructeur établissait ainsi, en même temps qu'il élevait sa bâtisse, un chemin en spirale dont l'inclinaison peu prononcée permettait de monter tous les matériaux sur de petits chariots tirés par des hommes ou au moyen de treuils placés de distance en distance.
La fig. 2 fera comprendre cette opération. Les maçons et poseurs avaient le soin d'araser toujours la construction sur tout le pourtour du donjon, comme on le voit ici, et, sur cet arasement, ils circulaient et bardaient leurs pierres. Afin de poser les parements extérieurs verticalement (parements taillés à l'avance sur le chantier), il suffisait d'un fil-à-plomb et d'un rayon de bois tournant horizontalement sur un arbre vertical planté au centre de la tour. Aujourd'hui, nos maçons procèdent de la même manière lorsqu'ils élèvent ces grandes cheminées en brique de nos usines, de l'intérieur du tuyau, sans échafaudage. L'échafaud dont la trace existe sur les parois du donjon de Coucy n'est réellement qu'un chemin de bardage, et ce chemin pouvait être fort large, ainsi que le démontre la fig. 3, donnant une de ses fermes engagées.
En A et B sont les deux trous espacés de 1m,80; au moyen des deux moises C étreignant les poutrelles à leur sortie des trous, on pouvait avoir deux liens EF, le second formant croix de Saint-André avec une contre-fiche G. La tête du lien F et le pied de la contre-fiche G s'assemblaient dans un potelet H, moisé à son extrémité inférieure avec la poutrelle B. Un lien extrême K, assemblé dans le pied de cette poutrelle B, soulageait l'extrémité de la poutrelle supérieure A. Il était ainsi facile d'avoir un chemin de 5m,30 de largeur, non compris un garde-corps. Ces fermettes recevaient des solives qui portaient les madriers posés en travers de manière à présenter un obstacle au glissement des chariots. Il eût fallu un poids énorme pour rompre des fermettes ainsi combinées, bien qu'elles ne fussent maintenues dans la muraille que par deux scellements. Non-seulement la combinaison de ces fermettes ne leur permettait pas de quitter les scellements; mais, étant réunies par des solives formant une suite de polygones autour du cylindre, elles étaient toujours bridées contre la muraille.
Dans les provinces où l'on bâtit encore sans faire de ravalements après la pose, on a conservé ces moyens primitifs d'échafaudages. Les échafauds ne se composent que de boulins engagés dans des trous ménagés en construisant et d'échasses, les boulins étant liés aux échasses par des cordelettes. À Paris même ces traditions se sont conservées, et nos Limousins déploient une habileté singulière dans la combinaison de ces légers échafaudages composés de brins de bois qui n'ont guère