Le second étage (27) fait voir, en K, l'arrivée de l'escalier à vis; en L, les chemins de ronde crénelés auxquels on arrive par les petites rampes doubles N; en M, les quatre tourelles flanquantes. Ici, comme à Chambois, un chemin de ronde voûté en berceau se trouve sous le crénelage supérieur.
La coupe (28), faite sur la ligne AB des plans du rez-de-chaussée et du premier étage, indique la descente au puits, les poternes percées à des niveaux différents, celle de droite, principale (puisqu'elle est percée en face le chemin d'arrivée), n'étant pas en communication directe avec la salle intérieure du premier étage. À mi-hauteur du premier étage, on voit un crénelage défendant les quatre faces principales; puis, à la hauteur du second étage, le chemin de ronde voûté en berceau et le crénelage supérieur dont les crénelages sont munis de hourds saillants débordant les tourelles. Aujourd'hui, la construction est à peu près détruite à partir du niveau XX. La position des hourds en bois des quatre faces supérieures ne paraît pas douteuse; on ne s'expliquerait pas autrement la retraite ménagée au-dessus du chemin de ronde de l'entre-sol, retraite qui paraît avoir été destinée à porter les pieds des grands liens de ces hourds, assez saillants pour former mâchicoulis en avant du chemin de ronde supérieur. Ces hourds, ainsi disposés, flanquent les tourelles qui, elles-mêmes, flanquent les faces.
Une élévation intérieure (29), en supposant le mur de la chemise coupé suivant la ligne RS du plan, fig. 26, explique la disposition des poternes avec les ponts volants C, ainsi que les étages de défenses superposées avec les hourds de bois. Le donjon de Provins est bâti avec grand soin. Au XVIe siècle, ces ponts volants n'existaient plus; le mur de la chemise, dérasé, terrassé, laissait le seuil des poternes à quelques mètres au-dessus du niveau de la plate-forme, et on n'entrait dans le donjon que par des échelles 25. Le rez-de-chaussée et le premier étage, ainsi que le fait voir la coupe (fig. 28), sont voûtés, la voûte supérieure étant percée d'un oeil afin de permettre de hisser facilement des projectiles sur les chemins de ronde supérieurs et de donner des ordres du sommet aux gens postés dans la salle du premier étage.
Le principal défaut de ces forteresses, en se reportant même au temps où elles ont été bâties, c'est la complication des moyens défensifs, l'exiguïté des passages, ces dispositions de détail multipliées, ces chicanes qui, dans un moment de presse, ralentissaient l'action de la défense, l'empêchaient d'agir avec vigueur et promptitude sur un point attaqué. Ces donjons des XIe et XIIe siècles sont plutôt faits pour se garantir des surprises et des trahisons que contre une attaque de vive force dirigée par un capitaine hardi et tenace. De ces sommets étroits, encombrés, on se défendait mal. Au moment d'une alerte un peu chaude, les défenseurs, par leur empressement même, se gênaient réciproquement, encombraient les chemins de ronde, s'égaraient dans les nombreux détours de la forteresse. Aussi, quand des princes devinrent assez puissants pour mettre en campagne des armées passablement organisées, nombreuses et agissant avec quelque ensemble, ces donjons romans ne purent se défendre autrement que par leur masse. Leurs garnisons, réduites à un rôle presque passif, ne pouvaient faire beaucoup de mal à des assaillants bien couverts par des mantelets ou des galeries, procédant avec méthode et employant déjà des engins d'une certaine puissance. Philippe-Auguste et son terrible adversaire, Richard-Coeur-de-Lion, tous deux grands preneurs de places, tenaces dans l'attaque, possédant des corps armés pleins de confiance dans la valeur de leurs chefs, excellents ingénieurs pour leur temps, firent une véritable révolution dans l'art de fortifier les places et particulièrement les donjons. Tous deux sentirent l'inutilité et le danger même, au point de vue de la défense, de ces détours prodigués dans les dernières forteresses romanes. Nous avons essayé de faire ressortir l'importance de la citadelle des Andelys, le Château-Gaillard, bâti sous la direction et sous les yeux de Richard 26; le donjon de cette forteresse est, pour le temps, une oeuvre tout à fait remarquable. Le premier, Richard remplaça les hourds de bois des crénelages par des mâchicoulis de pierre, conçus de manière à enfiler entièrement le pied de la fortification du côté attaquable.
La vue perspective (30) du donjon du Château-Gaillard, prise du côté de la poterne, explique la disposition savante de ces mâchicoulis, composés d'arcs portés sur des contre-forts plus larges au sommet qu'à la base et naissant sur un talus prononcé très-propre à faire ricocher les projectiles lancés par les larges rainures laissées entre ces arcs et le nu du mur.
Le plan (31) de ce donjon, pris au niveau de la poterne qui s'ouvre au premier étage, fait voir la disposition de cette poterne P, avec sa meurtrière enfilant la rampe très-roide qui y conduit et le large mâchicoulis qui la surmonte; les fenêtres ouvertes du côté de l'escarpement; l'éperon saillant A renforçant la tour du côté attaquable et contraignant l'assaillant à se démasquer; le front B développé en face la porte du château. Le degré C aboutissait à une poterne d'un accès très-difficile ménagée sur le précipice et s'ouvrant dans l'enceinte bien flanquée décrite dans l'article CHÂTEAU, fig. 11. Le donjon, dont le pied est entièrement plein et par conséquent à l'abri de la sape, se composait d'une salle ronde à rez-de-chaussée à laquelle il fallait descendre, d'un premier étage au niveau de la poterne P, d'un second étage au niveau des mâchicoulis avec chemin de ronde crénelé, d'un troisième étage en retraite, fermé, propre aux approvisionnements de projectiles, et d'un quatrième étage crénelé et couvert, commandant le chemin de ronde et les dehors au loin (fig. 30). Du côté de l'escarpement abrupt D, qui domine le cours de la Seine (fig. 31), les mâchicoulis étaient inutiles, car il n'était pas possible à des assaillants de se présenter sur ce point; aussi Richard n'en fit point établir. À l'intérieur, les divers étages n'étaient en communication entre eux qu'au moyen d'escaliers de bois traversant les planchers. Ainsi, dans ce donjon, rien de trop, rien d'inutile, rien que ce qui est absolument nécessaire à la défense. Cet ouvrage, à notre avis, dévoile, chez le roi Richard, un génie militaire vraiment remarquable, une étude approfondie des moyens d'attaque employés de son temps, un esprit pratique fort éloigné de la fougue inconsidérée que les historiens modernes prêtent à ce prince. Aujourd'hui les constructions sont dérasées à la hauteur de la naissance des mâchicoulis en O (fig. 30).
Cependant ce donjon fut pris par Philippe-Auguste, sans que les défenseurs, réduits à un petit nombre d'hommes, eussent le temps de s'y réfugier; ces défenses étaient encore trop étroites, l'espace manquait; il faut dire que cette tour ne doit être considérée que comme le réduit d'un ouvrage très-fort qui lui servait de chemise. Les portes relevées des donjons romans, auxquelles on ne pouvait arriver qu'au moyen d'échelles ou de rampes d'un accès difficile, étaient, en cas d'attaque vive, une difficulté pour les défenseurs aussi bien que pour les assiégeants, si ces défenseurs, à cause de la faiblesse de la garnison, se trouvaient forcés de descendre tous pour garder les dehors. Mais alors, comme aujourd'hui, toute garnison qui n'était pas en rapport de nombre avec l'importance de la forteresse était compromise, et ces réduits devaient conserver leur garnison propre, quitte à sacrifier les défenseurs des ouvrages extérieurs, si ces ouvrages étaient pris. À la prise du Château-Gaillard, Roger de Lascy, qui commandait pour le roi Jean sans Terre, ne possédant plus que les débris d'une garnison réduite par un siége de huit mois, avait dû se porter avec tout son monde sur la brèche de la chemise extérieure du donjon pour la défendre; ses hommes et lui, entourés par les nombreux soldats de Philippe-Auguste se précipitant à l'assaut, ne purent se faire jour jusqu'à cette rampe étroite du donjon: Roger de