Qui busuin éust ù castel.
Li Sire out fair dedenz le meur,
Pur sa femme metre à seur.
Chaumbre souz ciel n'ont plus bele;
À l'entrée fu la capele:
La caumbre est painte tut entur;
Vénus la dieuesse d'amur,
Fu très bien mis en la peinture,
Les traiz mustrez è la nature,
Cument hum deit amur tenir,
E léalment é bien servir,
Le livre Ovide ù il enseigne,
Coment cascuns s'amour tesmegne,
En un fu ardent les jettout;
E tuz iceux escumengout,
Ki jamais cel livre lireient,
Et sun enseignement fereient 30.»
Ici les sujets de peinture sont empruntés à l'antiquité païenne. Souvent, dans ces peintures, les artistes interprétaient, de la façon la plus singulière, les traits de l'histoire grecque et romaine, les soumettant aux moeurs chevaleresques de l'époque. Hector, Josué, Scipion, Judas-Macchabée, César, se trouvaient compris parmi les preux, avec Charlemagne, Roland et Godefroy de Bouillon. Les héros de l'histoire sacrée et profane avaient leurs armoiries tout comme les chevaliers du moyen âge.
Des hommes qui se piquaient de sentiments chevaleresques, qui considéraient la courtoisie comme la plus belle des qualités et la société des femmes comme la seule qui pût former la jeunesse, devaient nécessairement abandonner les tristes donjons du temps de Philippe-Auguste. Cependant il fallait toujours songer à la défense. Au XIVe siècle, la féodalité renonce aux gros donjons cylindriques; elle adopte de préférence la tour carrée flanquée de tourelles aux angles, comme plus propre à l'habitation. C'est sur ce programme que Charles V fit rebâtir le célèbre donjon de Vincennes, qui existe encore, sauf quelques mutilations qui ont modifié les détails de la défense 31. Ce donjon, commandant les dehors et placé sur un des grands côtés de l'enceinte du château, est protégé par un fossé revêtu et par une chemise carrée, avec porte bien défendue du côté de la cour du château. Il se compose, comme chacun sait, d'une tour carrée de quarante mètres de haut environ avec quatre tourelles d'angle montant de fond. Sa partie supérieure se défend par deux étages de créneaux. Il fut toujours couvert par une plate-forme posée sur voûte. À l'intérieur, chaque étage était divisé en plusieurs pièces, une grande, oblongue, une de dimension moyenne et un cabinet, sans compter les tourelles; ces pièces possédaient, la plupart, des cheminées, un four, et sont éclairées par de belles fenêtres terminées par des archivoltes brisées. Déjà le donjon du Temple à Paris, achevé en 1306 32, avait été bâti sur ce plan; sa partie supérieure, au lieu d'être terminée par une plate-forme, était couverte par un comble en pavillon, avec quatre toits coniques sur les tourelles d'angle; mais le donjon du Temple était plutôt un trésor, un dépôt de chartes, de finances, qu'une défense.
Nous croyons inutile de multiplier les exemples de donjons des XIIIe et XIVe siècles, car ils ne se font pas remarquer par des dispositions particulières; ils sont carrés ou cylindriques: s'ils sont carrés, ils ressemblent fort aux tours bâties à cette époque et n'en diffèrent que par les dimensions (voy. TOUR); s'ils sont cylindriques, à partir de la fin du XIIIe siècle, ils contiennent des étages voûtés, et ne sauraient être comparés au donjon de Coucy que nous venons de donner. Ce n'est qu'au moment où les moeurs féodales se transforment, où les seigneurs châtelains prétendent avoir des demeures moins fermées et moins tristes, que le donjon abandonne la forme d'une tour qu'il avait adoptée vers la fin du XIIe siècle, pour revêtir celle d'un logis défendu, mais contenant tout ce qui peut rendre l'habitation facile.
Louis de France, duc d'Orléans, second fils de Charles V, né en 1371 et assassiné à Paris en novembre 1407, dans la rue Barbette, était grand amateur des arts. Ce prince rebâtit les châteaux de Pierrefonds, de la Ferté-Milon, de Villers-Cotterets; fit exécuter des travaux considérables dans le château de Coucy, qu'il avait acquis de la dernière héritière des sires de Coucy. Louis d'Orléans fut le premier qui sut allier les dispositions défensives adoptées, à la fin du XIVe siècle, dans les demeures féodales, aux agréments d'une habitation seigneuriale. Les châteaux qu'il nous a laissés, et dont nous trouvons le spécimen le plus complet à Pierrefonds, sont non-seulement de magnifiques demeures qui seraient encore très-habitables de nos jours, mais des places fortes de premier ordre, que l'artillerie déjà perfectionnée du XVIIe siècle put seule réduire.
Il est étrange que l'influence des princes de la branche cadette issue de Charles V sur les arts en France n'ait pas encore été constatée comme elle mérite de l'être. Les monuments laissés par Louis d'Orléans et par son fils Charles sont en avance de près d'un demi-siècle sur le mouvement des arts dans notre pays. Le château de Pierrefonds, commencé en 1400 et terminé avant la mort du premier des Valois, est encore une place forte du XIVe siècle, mais décorée avec le goût délicat des habitations du temps de Charles VIII.
Le donjon de ce château contient les logis du seigneur, non plus renfermés dans une tour cylindrique ou carrée, mais distribués de manière à présenter une demeure vaste, commode, pourvue des accessoires exigés par une existence élégante et recherchée, en même temps qu'elle est une défense puissante parfaitement entendue, impossible à attaquer autrement que par des batteries de siége; or, au commencement du XVe siècle, on ne savait pas encore ce que c'était que l'artillerie de siége. Les bouches à feu étaient de petite dimension, portées en campagne sur des chevaux ou des chariots, et n'étaient guère employées que contre la formidable gendarmerie de l'époque. Examinons les dispositions du donjon de Pierrefonds, que nous avons déjà données dans le plan d'ensemble de ce château (voy. CHÂTEAU, fig. 24).
Le donjon de Pierrefonds (41) 33 est voisin de l'entrée principale A du château, et flanque cette entrée de façon à en interdire complétement l'approche. Il possède, en outre, une poterne B, très-relevée au-dessus du sol extérieur. Ainsi remplit-il les conditions ordinaires qui voulaient que tout donjon eût deux issues, l'une apparente, l'autre dérobée. La porte A du château, défendue par un pont-levis, des vantaux, un corps-de-garde a, une herse et une seconde porte barrée, avait, comme annexe obligée à cette époque, une poterne pour les piétons, avec son pont-levis particulier b et entrée détournée le long du corps-de-garde; de plus, le couloir de la porte était enfilé par une échauguette posée sur le contre-fort C. Pour entrer dans le logis, on trouvait un beau perron D avec deux montoirs (voy. MONTOIR, PERRON), puis un large escalier à vis E montant aux étages supérieurs. Une porte bâtarde F donnait entrée dans le rez-de-chaussée voûté servant de magasin pour les approvisionnements. Par un degré assez large G, de ce rez-de-chaussée on descend dans une cave peu spacieuse, mais disposée avec des niches comme pour recevoir des vins de diverses sortes. Les murs de ce rez-de-chaussée, épais de trois à quatre mètres, sont percés de rares ouvertures, particulièrement du côté extérieur. Une petite porte H, masquée dans l'angle rentrant de la tour carrée, permet de pénétrer dans la salle voûtée I formant le rez-de-chaussée de cette tour, et de prendre un escalier à rampes droites montant seulement au premier étage. Nous allons y revenir tout à l'heure. La poterne B, munie d'une herse et de vantaux, surmontée de mâchicoulis qui règnent tout le long de la courtine, a son seuil posé à sept mètres environ au-dessus du sol extérieur qui, à cet endroit, ne présente qu'un chemin de six mètres de largeur; puis, au-dessous de ce chemin, est un escarpement prononcé, inaccessible, au bas duquel passe une des rampes qui montaient au château, rampe défendue par une