Am Rande des Sturms: Das Schweizer Militär im Ersten Weltkrieg / En marche de la tempête : les forces armées suisse pendant la Première Guerre mondiale. Группа авторов. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

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Издательство: Bookwire
Серия: ARES
Жанр произведения: Документальная литература
Год издания: 0
isbn: 9783039199457
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Théophile Sprecher von Bernegg à devoir négocier avec l’attaché militaire français à Berne une éventuelle collaboration militaire en respect du Plan dit H, conçu par Joffre.20 Une coopération qui, si elle avait été connue par Berlin ou Vienne, aurait constitué pour les Puissances centrales, pour reprendre les mots de Jean-Jacques Langendorf, une intolérable atteinte à la neutralité helvétique autrement plus grave que les informations transmises par les colonels.21

      Stratégie globale ?

      Il n’y eut certainement pas de stratégie globale visant au maintien de la neutralité helvétique au cours des premières années de la guerre. Les divergences de points de vue entre le Conseil fédéral et l’État-major nous le démontrent. La réponse semble toutefois devoir être nuancée à partir de 1916, après le scandale de l’affaire des colonels. Non seulement, le commandement de l’armée se plia alors à la diplomatie en acceptant de collaborer avec la France à un éventuel scénario d’intervention conjointe, mais les mesures de coercition développées dans des affaires de renseignement impliquant des pays belligérants – des affaires qui défrayaient quotidiennement la chronique helvétique – restèrent systématiquement très sobres. Cette modération des mesures punitives à l’encontre des actes d’espionnage commis par des agents étrangers, avait été voulue par l’autorité fédérale.22 Celle-ci s’en était assurée. La Cour pénale fédérale était devenue compétente en février 1916 pour juger les affaires de renseignement, sauf lorsque les inculpés étaient soumis à la juridiction militaire. Dans ces cas, les tribunaux militaires étaient seuls compétents pour instruire les dossiers et rendre les jugements. La direction de la police judiciaire fut par ailleurs transférée au Parquet fédéral, soutenue au besoin par la Police militaire selon les instructions du commandement de l’armée. Le Conseil fédéral allait en outre désigner un procureur général extraordinaire en mars 1916 dans les procès en matière de renseignements, en l’occurrence un parfait fonctionnaire sans grande envergure, un juge d’appel bernois du nom de Hans Bäschlin qui, après avoir pourtant occupé un poste particulièrement délicat, allait retomber dans les rôles des juges suppléants. Démonstration flagrante de cette stratégie de tempérance, la note que le Conseil fédéral allait adresser aux consulats en avril 1918. Une note dans laquelle il attirait l’attention sur le fait que les enquêtes pénales menées pour service illicite de renseignement avaient révélé que le personnel de consulats étrangers avait participé à cette activité. Il rappelait que les consuls et leur personnel ne jouissait pas du privilège d’exterritorialité. L’autorité helvétique annonçait qu’elle ne pourrait plus avoir d’égards vis-à-vis du personnel des consulats commettant des délits relevant de la justice suisse. Le Département politique fédéral priait les légations de ne voir dans cette communication que le sincère désir du Conseil fédéral de maintenir la neutralité de la Suisse et de mettre fin à une incertitude qui avait donné lieu à de fâcheuses controverses.23

      Une neutralité effective

      On peut admettre une évolution de la politique de neutralité de la Suisse au cours du conflit, qui passe d’une neutralité ouverte en 1914/15, sujette à des prises de position paradoxales en raison de sa politique de conciliation, des affinités germaniques régnant sous la coupole fédérale, et des limites de compétences mal définies entre les autorités civiles et militaires, à une neutralité contrainte au cours de l’année 1915 entraînant la lente mise sur pied d’une stratégie de neutralité effective. Celle-ci allait faire l’objet d’une démonstration spectaculaire, véritable coup marketing, avec le développement de l’aide aux militaires blessés internés en Suisse. Des accords humanitaires avaient déjà prévus le transport des blessés à travers la Suisse sous l’égide de la Croix Rouge au début du conflit. Mais l’arrivée des premiers convois de soldats blessés venant se soigner en Suisse le 26 janvier 1916 allait indéniablement consolider non seulement l’image de neutralité du pays, mais également sa neutralité effective, ce que le troisième rapport du colonel Hauser, le médecin-chef de l’armée suisse, en charge des internements pendant la guerre indique clairement: « l’internement constitue une sérieuse garantie de notre neutralité ».24 Si ce rôle humanitaire de la Suisse dans le maintien de sa posture diplomatique a déjà été relevé à différentes reprises, notamment par Antoine Fleury,25 il convient de mettre en lumière les liens individuels et officieux qui jouèrent une fonction éminemment importante. Le colonel Hauser présidait ainsi un comité d’internement nommé par le Conseil fédéral qui en avait choisi les membres non seulement en raison de leurs aptitudes, mais également en fonction de leur implication dans le monde hôtelier et de leur affiliation politique. Le docteur Tondury de Coire, le directeur Mader de l’hôtel saint-gallois Walhalla-Terminus, le directeur Hafen du Grand Hôtel de Baden, le directeur Spillmann de l’hôtel du lac de Lucerne, M. Hartmann de l’association des hôteliers d’Interlaken, le docteur Seiler de Brigue, Charles-Frédéric Butticaz, propriétaire de l’ancienne pension Victoria et de l’Alexandra Grand Hôtel à Lausanne et président de la Société des hôteliers de Lausanne-Ouchy, M. Delachaux de Neuchâtel, le directeur Lombardi de l’hôtel éponyme à Airolo, et le secrétaire de l’association suisse des hôteliers, M. Stiegeler, composaient ce comité.26 L’on sait par ailleurs la place qu’occupa Gustave Ador au sein de la Croix Rouge et son action en faveur des internés puis sa nomination au Conseil fédéral en remplacement d’Arthur Hoffmann qui avait démissionné après sa désastreuse affaire russe. Et il semble paradoxal de penser que celle-ci, si elle avait largement remis en question la neutralité du pays, allait générer une évolution décisive du positionnement diplomatique helvétique. La Suisse devait en l’occurrence transformer une affaire catastrophique pour son image de marque en mettant en place dans le Conseil fédéral le Romand Gustave Ador, la cheville ouvrière des accords humanitaires de 1915 et 1916, un homme oint d’une aura politiquement correcte à l’étranger, et jugé providentiel en Suisse. Le naufrage de la neutralité suisse, pour reprendre les mots de François Bugnion, allait donc déboucher sur sa restauration,27 mais également sur l’expression physique d’une diplomatie de neutralité devenue active ne laissant plus de champs aux initiatives intempestives pouvant éclater tant au niveau de l’armée que des départements fédéraux. On allait en effet mettre en place une délégation du Conseil fédéral aux affaires étrangères composée de trois membres chargés d’épauler le chef du département politique fédéral, de manière à garantir le strict respect de la neutralité. Deux ans plus tard, le 28 avril 1919, la Suisse et Genève étaient choisis comme siège de la SDN, en raison du rayonnement international de la cité et de la neutralité helvétique, preuve que celle-ci avait été préservée au-delà des attentes que l’on aurait pu nourrir en 1917.

      Favorable à l’Entente: Le Conseiller fédéral Gustave Ador après son élection en 1917 accompagné d’une escorte militaire (Image: Keystone).

      En conclusion

      Le rôle joué par l’armée dans l’établissement d’une politique de neutralité fut évidemment fondamental puisqu’elle lui donna le crédit d’une force militaire pour la défendre au besoin, ainsi que le personnel pour la servir comme le colonel Hauser ou le colonel Adolf Oberst. La dimension conservatrice de l’armée obligea en outre la Suisse à adopter une position plus tranchée sur sa position d’état neutre au milieu d’une Europe des empires. L’armée devait ainsi jouer un rôle de révélateur! Une réaction qui ne disparut pas avec l’armistice en 1918 puisque dans les années suivantes l’activité du Département politique centrée sur la question de l’adhésion de la Suisse à la SDN susciterait une levée de boucliers parmi les officiers, Théophile Sprecher von Bernegg en tête, lequel allait s’engager contre l’adhésion de la Suisse à la Société des Nations et pour le maintien de la neutralité armée intégrale. Une neutralité qui, si elle devait faire l’objet d’un recueil de mesures, déclinerait une succession de dispositions arrêtées au gré des événements