Un interlocuteur constant et attentif
Jean n’a pas été impliqué dans la recherche qui a suivi Le Sénégal sous Abdou Diouf. Mais cet ouvrage prolongeant la problématique de base du Sénégal sous Abdou Diouf, indirectement, il a été impliqué. Il a contribué à la vulgarisation des travaux menés sous ma direction en en faisant une analyse sans complaisance et en montrant surtout leur originalité en ce qui concerne les recherches menées sur des sujets similaires en Afrique (Copans, 1991). Dans la chronique bibliographique parue dans les Cahiers d’Études africaines (Copans, 2019), il s’est d’ailleurs étonné de l’impasse que certains auteurs font sur les travaux que j’ai conduits29. Jean Copans a présenté les travaux que j’ai dirigés dans les mêmes termes élogieux, dans le livre qu’il achève sur Paul Mercier30.
Jean a été présent dans une autre recherche prenant appui sur les résultats de Le Sénégal sous Abdou Diouf ainsi que je l’ai indiqué dans l’introduction du livre Les Figures du Politique en Afrique (Diop & Diouf 1999). Notre objectif était, tout d’abord, de produire des données permettant une mise en perspective théorique du cas sénégalais, mais aussi d’identifier les « récits » par lesquels les premiers chefs d’État africains ont organisé, ou brouillé, les conditions de leur succession. Nous avions alors clairement mentionné que notre perspective analytique avait été influencée par des collègues comme Jean Copans, Christian Coulon, Donal Cruise O’Brien, Martin Klein, Sheldon Gellar, Guy Rocheteau, et Robert Fatton Jr.
Au début des années 1990, nos chemins se sont, à nouveau, provisoirement séparés en raison de l’investissement de Jean dans d’autres territoires théoriques, notamment l’Afrique du Sud et de nouvelles responsabilités administratives (Nairobi 1985-198931) et Amiens (1990-2000). C’est durant cette phase qu’avec le soutien de Richard Stren, nous avons mis sur pied la revue Sociétés-Espaces-Temps qui a ensuite changé de statut en publiant des livres. Le livre Le Sénégal et ses voisins (Diop, 1994) fut le premier de cette série. Vers la fin des années 1990, je me suis occupé avec Fred Hendricks et Jeff Lever du lancement de la Revue africaine de sociologie/African Sociological Review32. Jean n’a pas pris part à ces travaux et ceux faits sur la pauvreté, les politiques sociales ou les migrations internationales. Mais il n’a pas ignoré leur existence et les signale dans ses travaux. D’ailleurs, il m’a redit récemment son appréciation très positive de ces travaux sur la pauvreté au Sénégal.
À la fin des années 1990 quand j’ai conçu et lancé le programme Sénégal 200033, Jean a fait partie du groupe restreint de conseillers scientifiques du projet avec Mamadou Diouf, Gaye Daffé, Paul Ndiaye, Philippe Antoine et des amis dévoués ayant participé à l’évaluation et à la révision des papiers. Il m’a ensuite proposé la version révisée du Géer, un papier devenu un classique de la sociologie de la connaissance du Sénégal. C’est avec le même sérieux qu’il a répondu à mes demandes relatives à l’édition des trois volumes issus de cette recherche. À la fin du projet Sénégal 2000, lorsque j’ai mis sur pied à Dakar, avec quelques collègues et amis, le Centre de recherches sur les politiques sociales (CREPOS), Jean Copans a été l’un des premiers chercheurs ayant animé les séminaires destinés aux doctorants. Il a ainsi organisé deux sessions en mai et juin 200634. Certains de ses anciens étudiants en ont d’ailleurs bénéficié. C’est dans le cadre du CREPOS que Tarik Dahou (2009) a publié un ouvrage collectif remarqué sur l’agriculture sénégalaise.
J’ai ensuite dirigé un ouvrage consacré aux technologies de l’information et de la communication (Diop, 2003). Jean a participé activement à la dernière réunion de mise au point collective du manuscrit à l’été 2001. J’ai dirigé des recherches sur les politiques sociales35, le « développement36 » et les migrations37 sénégalaises. Même s’il n’a pas été membre de ces équipes, Jean Copans les cite dans ses synthèses relatives à la sociologie de la connaissance du Sénégal.
En 2012, quand j’ai mis sur pied l’équipe qui devait produire deux ouvrages collectifs sur le Sénégal sous Wade, Jean Copans s’est également impliqué dans ce travail. Lorsque je l’ai sollicité pour préfacer l’un des volumes, il m’a répondu en ces termes : « Je ne sais pas si je suis le mieux placé pour la faire, mais si tu me le demandes, je vais la faire ». Il a par la suite produit une préface remarquée, au titre très original, repris d’ailleurs par certains amis dans leurs papiers. Il a participé à l’évaluation des articles et donné des conseils concernant leur distribution dans les deux volumes, le choix des titres et la quatrième de couverture. Ses anciennes étudiantes Sophie Lewandowski et Aminata Sall avaient fait des contributions remarquées dans les deux volumes. Après la publication de ces deux volumes, Jean en a immédiatement proposé une présentation dans la presse sénégalaise38. Il m’a soutenu à l’occasion des demandes de séjour de recherche en France ou ailleurs en complément de l’aide apportée par Jean-Pierre Dozon à la FMSH. Mais il ne s’est pas contenté de cet appui administratif. Dans différentes publications il a continué à donner son avis, à commenter mes travaux et à les appuyer. Il fait partie de mes lecteurs les plus appliqués et assidus. Il est sans doute, sur ce plan, plus attentif que la plupart de mes collègues universitaires sénégalais.
Au total, parmi les figures ayant joué un rôle central dans ma carrière universitaire, figure en premier rang Mamadou Diouf avec lequel j’ai entretenu une collaboration longue et fructueuse. Boubacar Barry, Abdoulaye Bathily, Thandika Mkandawire ont joué leur rôle de grand frère. Mais celui de Jean Copans et d’Amady Aly Dieng a été déterminant dans ma trajectoire propre. Une partie de mes connaissances sur le Sénégal vient de mes échanges avec Amady Aly Dieng. Plusieurs années avant son décès, il m’a demandé avec insistance de mettre un terme à mon long investissement dans la recherche collective. Après la publication des deux volumes du Sénégal sous Wade, en 2013, Amady m’a conseillé de me consacrer à la synthèse de mes propres connaissances sur le Sénégal ou l’Afrique. Ses conseils ont été à l’origine du livre que je prépare depuis quelques années et dont l’ambition est centrée sur l’évolution politique, sociale et culturelle du Sénégal depuis 1960. Et s’agissant de Jean, je dois ajouter qu’il n’a jamais essayé de tirer un quelconque profit du soutien éditorial qu’il m’a apporté depuis le début des années 1980.
À propos de l’engagement politique
Jean est connu pour son engagement politique. En ce qui me concerne, depuis la fin de mes études supérieures, progressivement, je me suis désengagé du champ politique. Les évolutions notées au Sénégal depuis le milieu des années 199039 m’ont renforcé dans cette décision. Tout le monde sait que je suis un proche d’Abdoulaye Bathily. Quand il dirigeait la Ligue démocratique, je ne me suis pas engagé politiquement à ses côtés. Il ne me l’a jamais demandé. À l’université de Dakar, c’est notre génération qui a mis sur pied le Syndicat autonome de l’enseignement supérieur dont j’ai été membre jusqu’à la retraite, mais je ne me suis jamais impliqué dans ses instances de direction. J’ai connu les fondateurs de la Rencontre africaine des droits de l’Homme et assisté à la réunion de démarrage de l’association. Ensuite,