les formules de politesse comprenant celles destinées au respect des conventions (toutes mes condoléances, félicitations, je suis désolé, pardon, bon appétit, nous avons l’immense tristesse de vous annoncer…) ; les formules d’adresse (monsieur le proviseur, chère x, madame/monsieur…) ; des formules d’atténuation (si je puis dire, on va dire, sans vouloir être offensant…) ; les cadres d’actes de parole indirects (pourriez-vous… ?, serait-il possible… ?, puis-je me présenter, auriez-vous l’amabilité… ?) ;
les formules métadiscursives de commentaire (comme dirait l’autre, le soi-disant, pour le dire franchement…), de correction (ou plutôt…, pardon…) et celles qui assurent la compréhension (pardon ? c’est clair ? tu peux répéter ? ok ?) ;
les formules signalant l’émotion ou l’état d’esprit du locuteur regroupant les formules d’évaluation positive du thème traité (c’est super, etc. ! génial ! j’adore !) ou encore les formules négatives (je suis dans le regret de te dire, ce n’est pas vrai ! c’est nul, etc. !) ;
les formules d’hésitation se divisant en trois types : les locutions adverbiales interrogatives, les « tag questions » (hein ? n’est-ce pas ? non ?) ; les signaux de réception (absolument ! tout à fait ! je suis d’accord avec toi ! pas du tout !…) ; les formules « bouche-trous » pour combler une éventuelle pause (euh, n’est-ce pas, comment dirais-je, bon ben…).
Il va de soi que ces pragmatèmes, appartenant majoritairement au registre oral, mais pas exclusivement, ne sont pas indistinctement destinés à l’AP-LE. D’une part, il convient de déterminer les phrasèmes communicatifs nécessaires en fonction des activités ou situations communicatives à réaliser, d’autre part, ces dernières sont à décrire sur la base d’études de corpus ciblés afin d’en saisir toutes les conditions d’utilisation. Il s’avère en effet que les dialogues des manuels sont encore trop souvent fondés sur les intuitions des auteurs, et non pas sur une étude de corpus de conversations en contexte naturel (cf. p. ex. Schmale 2004) ce qui permettrait le développement de situations correspondant à la réalité communicative.
Un dialogue du manuel Atelier A1 (Cocton et al. 2019) et quelques pragmatèmes permettant la réalisation de la fonction saluer quelqu’un doivent suffire pour démontrer que les formules de routine ont leur place dès les premières étapes de l’apprentissage. Au sein de l’unité « S’exprimer poliment », les auteurs présentent, sous forme audio, le mini-dialogue suivant, que nous avons transcrit, qui comprend les formules bonjour, excusez-moi, s’il vous plaît, voilà, merci, je vous en prie, et qui est presqu’intégralement composé d’EP :25
Au Café (C = cliente; S = serveur)
C Un café
S Bonjour
C Euh, excusez-moi, un café s’il vous plaît
S Et voilà !
C Merci
S Je vous en prie
(Cocton et al. 2019, 26)
Ou encore dans l’unité « Souhaiter quelque chose à quelqu’un » (id., 40) où les pragmatèmes Bonne journée/soirée/nuit ; Bonne chance/courage ; Bonne année/santé/fête ; Bon voyage/vacances ; Joyeux anniversaire/Noël ; Bon appétit sont introduits.
Étant donné le fait que ces formules ne peuvent en aucun cas être remplacées par des structures non phraséologiques, construites librement selon un « open choice principle », elles se situent au cœur de l’apprentissage d’une LE dès le début.
5.2 Les collocations
Le constat dressé pour les formules de routine vaut également pour les collocations, les combinaisons lexicales usuelles et conventionnalisées, indispensables pour s’exprimer adéquatement dans une langue.26
Une collocation est un phrasème lexical semi-contraint : une de ses composantes est sélectionnée par le locuteur librement, juste pour son sens ; c’est l’autre qui doit être choisi en fonction du sens à exprimer et de la première composante. La première composante s’appelle la base de la collocation […], et l’autre est le collocatif […] (Mel‘čuk 2013, 7).
Tout comme Burger (2010), Mel‘čuk (2013, 7)27 considère les collocations, dont le nombre est d’après lui « astronomique […] : quelques millions » (id., 9), comme phrasèmes lexicalement compositionnels dont la base est en règle générale un groupe nominal et le collocatif un verbe, moins souvent un adjectif (gravement malade) ou un autre substantif (salve d’applaudissements). Cependant, Hausmann (1997, titre), qui postule que « [T]out est idiomatique dans les langues » pour l’AP-LE, différencie décodage, a priori transparent pour le non-natif, et encodage d’une collocation28 qui ne l’est pas du fait que le collocatif relève d’un choix arbitraire le plus souvent différent de la langue maternelle de l’apprenant. Si un apprenant sélectionne donc le verbe de la collocation de la langue cible en traduisant celui de sa propre langue, il est souvent induit en erreur.29 S’il est (très) rare que le français, l’allemand et l’anglais disposent du verbe correspondant dans l’autre langue, il existe cependant des exceptions p. ex. avoir l’impression/den Eindruck haben/have the impression ou encore perdre (le) contrôle/die Kontrolle verlieren/lose control. Plus fréquemment, les trois langues recourent à trois verbes différents ou encore deux des langues emploient un verbe similaire, la troisième un lexème autre (cf. tableau 1).30
Françaises | Allemandes | Anglaises |
Trois verbes différents | ||
se laver les dents | sich die Zähne putzen | brush one’s teeth |
prendre une décision | eine Entscheidung treffen | make a decision |
prendre contact | sich in Verbindung setzen | get in touch |
toucher à sa fin | zu Ende gehen | come to an end |
taper sur les nerfs | auf die Nerven gehen | get on one’s nerves |
donner l’alerte | Alarm schlagen | raise the alarm |
suivre les conseils de quelqu’un | einen Rat befolgen | take someone’s advice |
Verbe similaire dans deux langues, différent dans la 3e | ||
faire sa valise |
die Koffer packen
|