Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, Volume 2. Charles Athanase Walckenaer. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Charles Athanase Walckenaer
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Биографии и Мемуары
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le 12 mars pour Amiens, où le maréchal de Turenne avait assigné le rendez-vous de tous les officiers généraux qui dans la campagne prochaine devaient servir sous ses ordres107.

      CHAPITRE VI.

      1656

      Madame de Sévigné est recherchée par les femmes âgées comme par les jeunes.—Sa jeunesse s'est passée sous le ministère de Mazarin.—Ses souvenirs embrassent l'époque qui l'a précédé, une partie du siècle de Louis XIII, puis la régence d'Anne d'Autriche et presque tout le siècle de Louis XIV, et les personnes qui brillèrent sous la régence du duc d'Orléans et qui moururent sous Louis XV.—Elle était liée avec madame de Chevreuse, avec la maréchale de Schomberg, née Marie de Hautefort.—Portrait de mademoiselle de Hautefort: elle est placée près d'Anne d'Autriche pour la surveiller.—Elle s'attache à elle.—S'attire, en la servant, les persécutions de Richelieu.—A la mort de ce ministre, elle est rappelée de son exil par la reine, qui reçoit mal ses observations relativement au cardinal Mazarin.—Brouillerie et raccommodement entre elle et la reine.—Mademoiselle de Hautefort reçoit l'ordre de quitter le Palais-Royal.—Elle se retire dans un couvent.—Épouse le maréchal de Schomberg.—S'efforce de se réconcilier avec Anne d'Autriche.—Est de nouveau repoussée.—Ses torts envers la reine.—Différence de la conduite d'Anne d'Autriche envers elle et envers la duchesse de Chevreuse.—Réflexions à ce sujet.—Le maréchal de Schomberg et sa femme se retirent dans leur gouvernement de Metz.—Ils sont les protecteurs des gens de lettres.—La mort de sa grand'mère force la maréchale de Schomberg de revenir à Paris.—Nombre de personnes vont à sa rencontre.—Madame de Sévigné, qui ignorait ce retour, n'est pas de ce nombre.—Regret qu'elle en éprouve.—Citation de la Gazette de Loret à ce sujet.—Mort de la maréchale de Schomberg.

      La jeunesse de madame de Sévigné s'est écoulée tout entière pendant la durée du ministère du cardinal de Mazarin; mais les femmes qui avaient passé la leur sous le règne de Richelieu, attirées par la précoce maturité du jugement de notre jeune veuve, par son discernement, par sa discrétion, sa franchise, ne cultivaient pas son amitié avec moins d'empressement que celles dont l'âge se rapprochait du sien. Dans sa vieillesse, son indulgente gaieté, la réputation qu'elle s'était acquise par son esprit, l'égalité de son humeur et les agréments de son commerce, la firent rechercher par celles qui commençaient à briller comme des astres nouveaux levés sur l'horizon, vers la fin du siècle de Louis XIV. Celles-ci se montrèrent dans tout leur éclat sous la régence du duc d'Orléans, et terminèrent leur existence sous Louis XV. Jamais madame de Sévigné ne se retira du monde, et jamais le monde aussi ne se retira d'elle. Toujours elle aima à se répandre dans la société: elle lui appartint toujours. Sa vie et ses écrits sont donc propres à nous éclairer sur les mœurs, les habitudes de plusieurs générations successives et de trois règnes différents.

      Nous avons déjà vu la liaison qu'elle avait contractée avec la duchesse de Chevreuse, qui sous le règne de Louis XIII s'était illustrée par sa résistance au despotisme de Richelieu. Madame de Sévigné avait conquis l'amitié d'une autre femme, qui, sans posséder l'avantage d'une aussi grande naissance, n'avait pas donné à la reine de moindres preuves de dévouement et de courage que madame de Chevreuse: c'était Marie de Hautefort, femme du maréchal duc de Schomberg.

      On se souvenait encore à l'époque dont nous nous occupons, de l'impression qu'avait faite à la cour de Louis XIII cette blonde aux yeux grands et pleins de feu, aux traits si réguliers, aux dents si blanches, au teint d'une si ravissante fraîcheur. On se ressouvenait encore de cette gorge parfaitement belle, dont la seule vue protégea, contre la main scrupuleuse d'un monarque dévot, le billet dépositaire du secret de la reine108. Placée comme dame d'atour auprès d'Anne d'Autriche par un ministre soupçonneux et un mari jaloux, mademoiselle de Hautefort s'indigna du vil rôle auquel on l'avait crue propre. Au lieu d'être, comme on le voulait, la surveillante et la délatrice d'une reine dont elle ressentait vivement le malheur, elle en devint l'amie la plus sincère, la confidente la plus intime109. Pour lui procurer plus de liberté, pour diminuer l'oppression que Richelieu faisait peser sur elle et sur tout ce qui l'entourait, mademoiselle de Hautefort se prévalut des sentiments de préférence qu'elle inspira à un roi si froid, si faible, si scrupuleux. Pour capter sa confiance, elle supporta l'ennui d'un amour qui ne se laissait deviner que par des traits d'une jalousie bizarre ou ne se manifestait que par d'insipides entretiens. Marie de Hautefort montra pour Anne d'Autriche plus de courage et de dévouement encore, en bravant la colère et les persécutions de Richelieu, qui, ne la voyant pas répondre à ses desseins, la fit exiler. Il eut l'air d'envelopper dans la même disgrâce Chemerault, autre dame de la reine; mais c'était pour être instruit par elle de toutes les démarches, de tous les secrets de mademoiselle de Hautefort, qui la croyait son amie110.

      Lorsque Anne d'Autriche devint régente, elle s'empressa de rappeler, par une mesure générale, toutes les personnes qui avaient été exilées sous Richelieu; mais elle écrivit de sa propre main à mademoiselle de Hautefort de revenir près d'elle, lui disant qu'elle mourait d'impatience de la voir111. Mademoiselle de Hautefort revint; mais elle ignorait que la nature des relations doive changer avec les situations: elle crut que tout devait être inaltérable comme ses sentiments, et elle éprouva combien sont différentes les affections de cœur dans l'infortune ou dans la prospérité, dans l'abaissement ou dans la puissance. Elle avait fait naître des passions très-vives; mais toutes les tentatives qu'on avait faites pour la séduire n'avaient servi qu'à donner un nouveau lustre à sa vertu112. Cette vertu s'appuyait sur une piété fervente113, qui avait trouvé un nouvel aliment dans le malheur et dans les persécutions. Revenue à la cour après une si longue absence, elle fut singulièrement frappée des changements qui s'y étaient opérés. Elle vit avec peine l'ascendant que Mazarin avait pris sur la reine: cet ascendant ne lui paraissait pas suffisamment justifié par les talents de ce ministre et le besoin qu'Anne d'Autriche avait de lui. L'espèce d'intimité et de familiarité qui régnaient entre la reine et son ministre, en écartant même toute pensée de liaison illicite, choquaient ses scrupules religieux, et étaient contraires aux idées qu'elle s'était faites de la dignité de son sexe et de la majesté royale. Elle savait combien la malignité publique aimait à s'exercer sur ce chapitre; elle connaissait une partie des chansons, des satires, des épigrammes qui avaient cours: son amitié vive et sincère lui fit désirer ardemment d'ôter à cet égard tout prétexte à la calomnie. Naturellement franche, elle s'expliqua sans réticence et sans détour sur ce sujet délicat. La reine, blessée, ne lui répondit que par des paroles dures et des reproches sévères114. Il y eut des larmes répandues, des explications vives, des réconciliations, des promesses, des pardons donnés et reçus115, puis de nouveaux accès d'humeur et d'une brusque franchise. Enfin, au moment où on s'y attendait le moins, un ordre fut donné à mademoiselle de Hautefort de quitter le Palais-Royal116. La sensible confidente, qui n'avait jamais prévu que son amitié, toujours la même, que son dévouement, toujours entier, pussent avoir ce résultat, sentit son cœur se briser par tant d'ingratitude117. Elle partit, aimée, vénérée de toute la cour; l'admiration qu'avaient inspirée sa loyauté, sa générosité, sa vertu, s'augmenta encore de toute la haine amassée contre le cardinal, auquel elle était sacrifiée. La reine, quoiqu'elle en témoignât son mécontentement, ne put empêcher que les personnes qui lui étaient le plus attachées, le plus dans sa dépendance, n'allassent consoler mademoiselle de Hautefort et ne plaignissent hautement son malheur.

      Elle se retira dans un couvent, et on craignit pendant quelque temps qu'elle ne se fît religieuse. Heureusement pour le monde, dont elle devait être le modèle, qu'un homme instruit, spirituel, joignant aux talents du guerrier tous ceux qui font briller en société Скачать книгу


<p>107</p>

BUSSY, Mém., t. II, p. 54 et 57 de l'édit. in-12.—Ibid., t. II, p. 65 et 68 de l'édit. in-4o.

<p>108</p>

SAUVAL, Galanteries des Rois de France, 1738, in-12, t. II, p. 18 et 277.—DREUX DU RADIER, Mémoires et Anecdotes des Reines et Régentes de France; Amsterdam, 1782, t. VI, p. 294.—MOTTEVILLE, Mém., t. XXXVI, p. 370 et 379.—MONGLAT, t. XLIII, p. 63.

<p>109</p>

MOTTEVILLE, Mém., t. XXXVI, p. 378 et 379.—MONGLAT, Mém., t. XLIII, p. 251.—LA PORTE, Mém., t. LIX, p. 394.—SCARRON, Œuvres, t. VIII, p. 399.

<p>110</p>

MOTTEVILLE, Mém., loc. cit.—MONGLAT, Mém., t. XLIII, p. 241.—LA PORTE, Mém., t. LIX, p. 394.

<p>111</p>

MOTTEVILLE, Mém., t. XXXVII, p. 71.

<p>112</p>

LA PORTE, Mém., t. LIX, p. 391 et 392.—SCARRON, Œuvres, t. VIII, p. 190.

<p>113</p>

MOTTEVILLE, Mém., t. XXXVII, p. 63.—LA PORTE, t. LIX, p. 407.—SCARRON, t. VIII, p. 160, 162, 168.

<p>114</p>

MOTTEVILLE, t. XXXVII, p. 32.

<p>115</p>

Ibid., p. 36.

<p>116</p>

Ibid., p. 63.—LA PORTE, t. LIX, p. 407.

<p>117</p>

Ibid., p. 65.—LA PORTE, loc. cit.