le
palenqueropalenquero, déclencha un mouvement ethno-éducatif de reconquête des origines africaines qui fut couronné, en 2005, par la promotion du Palenque de San Basilio au rang de Patrimoine Oraloralité et Immatériel de l’Humanité par l’UNESCO. Suppressionsuppression d’une langue, d’une culture, d’un peuple… De nos jours, le paradigme de toute étude sur les traumatismestraumatisme collectifs et leurs séquelles individuelles et sociétales est la ShoahShoah. Plusieurs contributions en témoignent. Peter Kuon propose une vue d’ensemble de la parole empêchée dans la littérature des campslittérature des camps et de la Shoah, en explorant l’espace entre le silence total des rescapés et la parole
parrèsiastiqueparrêsia, au sens foucaldien. Cette parole qui dit vrai, ou plutôt qui réussit à révéler la véritévérité, à la fois singulière et collective, de l’expérience concentrationnairecamps de concentration et à la transmettre aux autres, se présente comme un effort interminable, toujours recommencé. C’est un autre chemin que Christina Seewald-Juhász emprunte pour réfléchir sur les vérités d’AuschwitzAuschwitz : elle confronte les dépositions de deux survivantssurvivant français au premier procès de Francfort avec les témoignages que ceux-ci ont librement écrits, en dehors d’une quelconque procédure juridique, afin de saisir, dans les deux types de discours, juridique et mémoriel, les contraintes qui pèsent sur la parole, ainsi que les différents régimes de vérité qui en résultent. L’impossibilitéimpossibilité à venir à bout de l’expérience des camps est au cœur de la contribution de Tanja Weinberger qui analyse l’œuvre poétique peu connue de Violette MauriceMaurice (Violette), rescapée de Ravensbrück et de Mauthausen. De recueil en recueil, cette auteure revient sur ses hantises, notamment sur la hontehonte d’avoir survécu à ses meilleures amies disparues dans les camps, sans parvenir à s’en libérer. L’étude de Nicole Pelletier sur W.G. SebaldSebald (Winfried G.) abandonne « l’ère du témointémoignage ». Sebald, qui n’a pas vécu la déportationdéportation et les camps, s’interroge dans ses essais critiques sur les possibilités d’une
juste représentation de la violenceviolence et de la souffrancesouffrance extrêmes et plaide, comme le faisait en son temps Jean CayrolCayrol (Jean), pour une approche
tangentielle ou
oblique qu’il met en œuvre dans
Les Émigrants et
Austerlitz. Au lieu de recréer l’horreurhorreur, il la met à distance, par l’intermédiaire de protagonistes qui sont marqués par elle, au moyen d’effets de contrastes et de motifs récurrents qui suggèrent la Shoah. Cette poétique de l’oblique réapparaît, au début du XXI
e siècle, sous la plume d’auteurs qui se saisissent de la matière des camps et de la Shoah, sans avoir davantage de liens de filiation avec les victimesvictime du génocide. Dans
Le Non de Klara de Soazig AaronAaron (Soazig) et
Le Rapport de Brodeck de Philippe ClaudelClaudel (Philippe), Barbara Wodarz constate une réflexion constante sur les limites du langage qui s’exprime, au niveau diégétique, dans la quête de mots poursuivie par des protagonistes taciturnestaciturnité et, au niveau métadiégétique, dans la mise en scène de la difficulté à dire les événements : chez Aaron, la fragmentationfragmentation, les blancs, les points de suspension ; chez Claudel, l’invention d’un dialecte faisant écho à la langue des bourreaux et la déréalisation du récit par des éléments allégoriquesallégorie et féeriques. Les deux dernières contributions étudient la mise en récit des mutismesmutisme dont souffrent les appelés français de la guerre d’Algérie et les réfugiés de la guerreguerre du Viêt-Nam. Birgit Mertz-Baumgartner, en analysant
Des Hommes de Laurent MauvignierMauvignier (Laurent),
Entendez-vous dans la montagne de Maïssa BeyBey (Maïssa) et
Hôtel Saint-Georges de Rachid BoudjedraBoudjedra (Rachid), s’intéresse notamment aux tours rhétoriques utilisés pour représenter la difficulté des personnages à parler des fantômes de la guerreguerre qui les habitent, mais dont ni leur entourage ni la sociétésociété ne veulent rien savoir. Julia R. Pröll montre, en revanche, comment la perte de la parole, c’est-à-dire l’abandon de la langue maternellelangue maternelle et le passage à l’écriture en français, fait découvrir aux auteures d’origine vietnamienne qu’elle étudie, Anna MoïMoï (Anna), Kim ThúyThúy (Kim) et Sabine HuynhHuynh (Sabine), toutes les trois marquées par la guerre, la fuite et l’exil, une poétique elliptiqueellipse qui revalorise le silence, un silence riche de poésie, de création et de subversion.
Si la parole est impossibleimpossibilité à prendre – pleinement, totalement, le dire peut néanmoins se faire entendre grâce à l’exploitation concertée par l’écrivain des multiples ressources de la rhétoriquerhétorique : tel est l’objet de la quatrième partie de cet ouvrage, « Rhétorique et stratégies de contournement ». La lyrique médiévale, qui est hantée par la peurpeur du silence, fournit un premier terrain d’investigation. Guillaume Oriol montre que, dans la poésie occitane du trobar clus, grâce au jeu subtil de l’entrebescar des mots et des rimes, « la parole empêchée est une parole excédée ». Parce que la passion est de l’ordre de l’ineffableineffable, le discours amoureux est chanté de manière déstabilisante sur le mode du troubletrouble et du non-sensnon-sens : ne pouvant dire ce qu’est l’amour, les troubadours disent ce qu’il n’est pas et le chant,chant loin d’être réduit au silence, résonnerésonance avec une puissance décuplée. Manfred Kern s’attache à l’expression scénique et poétique des topoï du mutismemutisme dans les chansons du Minnesang et la lyriquelyrisme d’oc : puisqu’il est une nécessité absolue pour celui qui aime, le chant va prendre la tournure d’un don naturel et s’inscrire dans une temporalité et un espace où les distances s’abolissent. L’art du poète est alors de lutter contre l’évanouissement en affirmant de façon sonore la force d’un chant appelé à se répéterrépétition, à se moduler dans la durée et à persister, encore et encore, dans une sorte de permanence essentielle. Les chansons courtoisescourtoisie des troubadours et les pastourelles, genre lyrico-narratif, auxquelles s’intéresse Lucilla Spetia, sont, les unes comme les autres, habitées par une réflexion omniprésente sur le langage poétique. Divers motifs tel le chant des oiseaux ou la mention du latin, la langue des lettrés à l’ombre de laquelle se construit la langue vernaculaire nouvellement littéraire, dessinent des lignes de force et opposent diverses facettes de la parole : tantôt pleine, efficace et pleine de sagesse ; tantôt, revêtue des masques les plus divers, jusqu’à y perdre son identitéidentité dans le jeu poétique.
Les cinq articles suivants présentent ensuite, à travers les âges, divers exemples où les défaillances de la parole trouvent également toujours une parade dans l’écriture. Deux cas de mutismemutisme prolongé dans le roman-fleuve de PerceforestPerceforest retiennent l’attention de Christine Ferlampin-Acher : bien que l’un soit subi et l’autre choisi, tous deux signalent un troubletrouble de l’identitéidentité, devenue momentanément instable, s’inscrivent dans une problématique historique typique de la visée d’une chronique et affirment une dimension métapoétique où une parole nouvelle s’épanche justement en prenant sa source dans les silences inventés. Dans les Diaboliques de Barbey d’AurevillyBarbey d’Aurevilly (Jules Amédée) étudiées par Gérard Peylet, la parole se fige quand on bascule de l’avouable à l’inavouableinavouable : le silence absolu devient le rempart des héroïnes et le traumatismetraumatisme des héros ; l’écriture spécifique des nouvelles se nourrit de ces non-ditnon-dits qui accumulent le mystère et de polysémies qui feignent de combler sans cesse les abîmes ouverts des récits pour mieux les creuser. L’imaginationimagination du lecteur, confronté à la violenceviolence qui habite le langage déficientdéficience autant qu’à celle des personnages, est ainsi constamment attisée. Charles PéguyPéguy (Charles), de son côté, illustre une tout autre voie où la parole poétique empreinte de mysticisme résout le paradoxe essentiel d’une parole chrétienne, lourde de l’héritage du passé, désormais impossible à transmettre dans la modernité, étouffée qu’elle est par la parole politique, mais par ailleurs impérissable, parce que guidée par la justicejustice et la véritévérité et ancrée profondément dans l’intériorité collective. Comme le montre l’étude de Christophe Pérez, l’écrivain nous amène à réfléchir sur la différence existant entre une parole qui est de l’ordre de l’avoir et peut être manipulée ou confisquée et une parole qui relève de l’être et qui, comme tel, est éternelle. Dans Palomar,