Œuvres de Napoléon Bonaparte (Tome I-V). Napoleon Bonaparte. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Napoleon Bonaparte
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Документальная литература
Год издания: 0
isbn: 4064066388782
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Venise à Brescia.

      Je reçois à l'instant, monsieur, la lettre que vous vous êtes donné la peine de m'écrire. Les troupes françaises ont occupé Bergame pour prévenir l'ennemi, qui avait l'intention d'occuper ce poste essentiel. Je vous avouerai franchement que j'ai été bien aise de saisir cette circonstance pour chasser de cette ville la grande quantité d'émigrés qui s'y étaient réfugiés, et châtier un peu les libellistes, qui y sont en grand nombre, et qui, depuis le commencement de la campagne, ne cessent de prêcher l'assassinat contre les troupes françaises, et qui ont, jusqu'à un certain point, produit cet effet, puisqu'il est constant que les Bergamasques ont plus assassiné de Français, que le reste de l'Italie ensemble.

      La conduite de M. le provéditeur de Bergame a toujours été très partiale en faveur des Autrichiens, et il ne s'est jamais donné la peine de dissimuler, tant par sa correspondance que par ses propos et par ses actions, la haine qui l'anime contre l'armée française. Je ne suis point son juge, ni celui d'aucun sujet de la sérénissime république de Venise; cependant, lorsque, contre les intentions bien connues de leur gouvernement, il est des personnes qui transgressent les principes de la neutralité et se conduisent en ennemis, le droit naturel m'autoriserait aussi à me servir de représailles.

      Engagez, je vous prie, M. le provéditeur de Bergame, qui est votre subordonné, à être un peu plus modeste, plus réservé et un peu moins fanfaron lorsque les troupes françaises sont éloignées de lui. Engagez-le à être un peu moins pusillanime, à se laisser moins dominer par la peur à la vue des premiers pelotons français. Si ce sentiment, qui est celui peut-être d'un châtiment qu'il savait avoir mérité par sa conduite passée à l'égard des Français, ne l'avait prédominé, le château de Bergame n'aurait point été évacué par les troupes vénitiennes, mais on s'y serait conduit comme à Brescia et à Verone.

      Immédiatement après le reçu de votre lettre, j'ai pris en considération la position de la ville de Bergame, que j'ai fait évacuer par une partie des troupes qui y étaient. J'ai donné l'ordre au général Baraguay d'Hilliers de restituer le château à la garnison vénitienne et de faire le service ensemble. Quant à la tranquillité de Bergame, vos intentions, celle du gouvernement de Venise et la bonté de ce peuple m'en sont un sûr garant. Je connais le petit nombre d'hommes mal intentionnés, qui, depuis six mois, ne cessent de prêcher la croisade contre les Français. Malheur à eux, s'ils s'écartent des sentimens de modération et d'amitié qui unissent les deux gouvernemens!

      C'est avec plaisir que je saisis cette occasion, monsieur, pour rendre justice au désir de la tranquillité publique que montrent M. l'évêque de Bergame et son respectable clergé. Je me convaincs tous les jours d'une vérité bien démontrée à mes yeux, c'est que si le clergé de France eût été aussi sage, aussi modéré, aussi attaché aux principes de l'Évangile, la religion romaine n'aurait subi aucun changement en France; mais la corruption de la monarchie avait infecté jusqu'à la classe des ministres de la religion: l'on n'y voyait plus des hommes d'une vie exemplaire et d'une morale pure, tels que le cardinal Mattei, le cardinal archevêque de Bologne, l'évêque de Modène, l'évêque de Pavie, l'archevêque de Pise; il m'a paru quelquefois, discourant avec ces personnages respectables, me retrouver aux premiers siècles de l'Église.

      Je vous prie de croire, monsieur, aux sentimens d'estime, etc.

      BONAPARTE.

      Au quartier-général à Milan, le 17 nivose an 5 (6 janvier 1797).

       Au directoire exécutif.

      Plus j'approfondis, dans mes momens de loisir, les plaies incurables des administrations de l'armée d'Italie, plus je me convaincs de la nécessité d'y porter un remède prompt et infaillible.

      La comptabilité de l'armée est, chez le payeur, dans un désordre frappant; on ne peut avoir compte de rien, et à la réputation de friponner bien constatée du contrôleur se joint l'ineptie des autres employés. Tout se vend. L'armée consomme cinq fois ce qui lui est nécessaire, parce que les gardes-magasins font de faux bons, et sont de moitié avec les commissaires des guerres.

      Les principales actrices de l'Italie sont entretenues par les employés de l'armée française; le luxe, la dépravation et la malversation sont à leur comble. Les lois sont insuffisantes: il n'y a qu'un seul remède; il est à la fois analogue à l'expérience, à l'histoire et à la nature du gouvernement républicain: c'est une syndicature, magistrature qui serait composée d'une ou de trois personnes, dont l'autorité durerait seulement trois ou cinq jours, et qui, pendant ce court espace, aurait le droit de faire fusiller un administrateur quelconque de l'armée. Cette magistrature, envoyée tous les ans aux armées, ferait que tout le monde ménagerait l'opinion publique, et garderait une certaine décence, non-seulement dans les moeurs et dans la dépense, mais encore dans le service journalier.

      Le maréchal de Herwick fit pendre l'intendant de l'armée, parce qu'il manqua de vivres; et nous, au milieu de l'Italie, ayant tout en abondance, dépensant dans un mois cinq fois ce qu'il nous faudrait, nous manquons souvent. Ne croyez pas cependant que je sois mou, et que je trahisse la patrie dans cette portion essentielle de mes fonctions. Je fais arrêter tous les jours des employés, je fais examiner leurs papiers, visiter les caisses; mais je ne suis secondé par personne, et les lois n'accordent pas une assez grande autorité au général pour pouvoir imprimer une terreur salutaire à cette nuée de fripons. Cependant le mal diminue, et, à force de gronder, de punir et de me fâcher, les choses, je l'espère, se feront avec un peu plus de décence; mais songez, je vous le répète, à l'idée que je vous donne d'une syndicature.

      Je vous ferai passer incessamment le procès-verbal qu'on m'apporte de l'interrogatoire d'un fournisseur arrêté par mes ordres: par ce procès-verbal, vous verrez combien le mal est porté à son comble et a besoin d'un remède puissant.

      La compagnie Flachat a donné à l'Italie l'exemple des rachats. Le commissaire ordonnateur Sucy, qui avait connaissance de tous ces tripotages, m'en a parlé avec quelques détails lors de son dernier voyage à Milan.

      Ces gens-là ont peut-être gagné trois millions par des versemens factices. Cette compagnie doit cinq millions à l'armée, provenant des contributions; le payeur de l'armée a tiré, sur sa maison à Gênes, pour six cent mille livres de traites pour le prêt, elle a eu l'impudeur de les laisser protester. J'ai regardé la compagnie comme banqueroutière, et j'ai fait mettre les scellés sur ses maisons de Livourne et de Gênes. Je vous prie de donner des ordres pour faire arrêter à Paris les agens de cette compagnie: ce sont les plus grands escrocs de l'Europe; ils nous ont mis ici dans une situation bien embarrassante. J'ai voulu faire arrêter Flachat et son beau-frère, agent de la compagnie à Milan, jusqu'à ce qu'ils eussent payé; mais ces fripons s'étaient sauvés.

      En vous parlant des friponneries qui se commettent, je ne dois pas manquer de rendre justice aux employés qui se conduisent bien et avec décence.

      Je suis très-content du citoyen Pesillicot, agent de la compagnie Cerfbeer. Si cette compagnie nous avait envoyé un homme comme celui-là au commencement de la campagne, elle eût gagné plusieurs millions, et l'armée encore davantage.

      Je suis également content de l'agent des vivres-viandes, Collot: c'est un administrateur, il soutient son service.

      Parmi les commissaires des guerres, la probité du citoyen Boinot est particulièrement distinguée et reconnue par toute l'armée. S'il y avait à l'armée une quinzaine de commissaires des guerres comme celui-là, vous pourriez leur faire présent de cent mille écus à chaque, et nous aurions encore gagné une quinzaine de millions. Je vous prie de donner à ces différens administrateurs des marques de votre satisfaction.

      Je vous enverrai une dénonciation du commissaire des guerres Boinot contre l'ancien agent de la compagnie Cerfbeer, Thévenin.

      BONAPARTE.

      Au quartier-général à Ancône, le 24 nivose an 5 (12 février 1797)

       À M. le prince Belmonte Pignatelli, ministre de S-M. le roi des Deux-Siciles.

      Le directoire exécutif m'a envoyé dans le temps, monsieur,