Nous avons besoin ici d'un renfort de cavalerie, le quinzième régiment de chasseurs ne suffit pas. On dit qu'aux autres armées l'on ne se sert pas de la grosse cavalerie, moi je l'estime et m'en sers beaucoup; je désirerais que vous pussiez m'en envoyer un millier d'hommes, ce qui, joint à un autre régiment de dragons, ferait à peu près deux à trois mille hommes de cavalerie de renfort, qui nous suffiraient.
Nous n'avons que deux bataillons de pionniers réduits à rien, je vous prie de nous en envoyer deux autres.
Je vous prie surtout d'ordonner que tous les régimens de cavalerie que l'on m'enverra aient leurs armes, sabres et mousquetons, et les dragons leurs fusils.
Il nous faudrait encore trois ou quatre compagnies d'artillerie légère, et cinq à six cents hommes d'artillerie à pied, et quelques bons officiers de cette arme; car, excepté les citoyens Chasseloup et Samson, les autres ne sont pas en état de tracer une flèche, et ne font que des bêtises. Tous ceux que vous annoncez ne viennent pas: il ne manque cependant pas d'officiers de génie et d'artillerie; mais ce sont des officiers de paix et de bureau, qui ne voient jamais le feu, de sorte qu'excepté les deux que je vous ai nommés, le reste est sans expérience: aussi se plaint-on généralement dans l'armée des ouvrages que fait le génie.
Le commissaire ordonnateur Denniée a peu de santé; Villemansy ne vient pas, ni Naudin, ni Eyssautier: tous ces messieurs font ce qui leur convient; cependant, il est de plus en plus urgent que la partie administrative soit organisée.
Je vous enverrai la liste des officiers-généraux qui, par leur peu de talens, sont incapables de commander, et que je vous prie de retirer de l'armée.
Si vous m'envoyez des généraux, ou des adjudans-généraux, je vous prie de ne pas m'envoyer de ceux qui ont servi dans la Vendée, parce qu'ils n'entendent rien à la guerre. Si Chasset n'était plus utile à Paris, ainsi que les adjudans-généraux Sherlock, Doulcet et Beauvais, je vous prie de me les envoyer. Je désirerais aussi avoir l'adjudant-général Espagne et Camin: je crois que ce dernier n'est plus employé; mais c'est un officier de la plus grande distinction.
Quant à des généraux de division, à moins que ce ne soient des officiers distingués, je vous prie de ne m'en pas envoyer; car notre manière de faire la guerre ici est si différente des autres, que je ne peux pas confier une division sans avoir éprouvé, par deux ou trois affaires, le général qui doit la commander.
Je vous prie d'envoyer ici l'adjudant-général Saint-Martin, le chef de brigade d'artillerie Gueriau, actuellement directeur du parc de l'armée des Alpes, le chef de bataillon d'artillerie Allix, le chef de bataillon du génie Laroche. Il est très-essentiel pour l'armée et pour la république de m'envoyer ici des jeunes gens qui apprennent à faire la guerre de mouvement et de manoeuvres; c'est celle qui nous a fait obtenir de grands succès dans cette armée.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Verone, le 3 pluviose an 5 (22 janvier 1797).
Au citoyen Cacault.
Vous aurez la complaisance, citoyen ministre, de partir de Rome six heures après la réception de cette lettre, et vous viendrez à Bologne. On vous a abreuvé d'humiliations à Rome, et on a mis tout en usage pour vous en faire sortir; aujourd'hui, résistez à toutes les instances, partez.
Je serai charmé de vous voir et de vous assurer des sentimens d'estime et de considération avec lesquels je suis.
BONAPARTE.
Lettre au cardinal Mathei incluse dans la précédente.
Les étrangers qui influencent la cour de Rome ont voulu et veulent encore perdre ce beau pays; les paroles de paix que je vous avais chargé de porter au Saint-Père, ont été étouffées par ces hommes pour qui la gloire de Rome n'est rien, mais qui sont entièrement vendus aux cours qui les emploient; nous touchons au dénouement de cette ridicule comédie. Vous êtes témoin du prix que j'attachais à la paix, et du désir que j'avais de vous épargner les horreurs de la guerre. Les lettres que je vous fais passer, et dont j'ai les originaux entre les mains, vous convaincront de la perfidie, de l'aveuglement et de l'étourderie de ceux qui dirigent actuellement la cour de Rome. Quelque chose qui puisse arriver, je vous prie, monsieur le cardinal, d'assurer Sa Sainteté qu'elle peut rester à Rome sans aucune espèce d'inquiétude. Premier ministre de la religion, il trouvera, à ce titre, protection pour lui et pour l'église. Assurez également tous les habitans de Rome qu'ils trouveront dans l'armée française des amis qui ne se féliciteront de la victoire, qu'autant qu'elle pourra améliorer le sort du peuple, et affranchir l'Italie de la domination des étrangers; mon soin particulier sera de ne point souffrir qu'on apporte aucun changement à la religion de nos pères.
Je vous prie, monsieur le cardinal, d'être assuré que, dans mon particulier, je me ferai un devoir de vous donner, dans toutes les circonstances, la marque de l'estime et de l'attachement avec lesquels je suis.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Verone, le 9 pluviose an 5 (28 janvier 1797).
Au directoire exécutif.
La division du général Augereau s'est rendue à Padoue, de là elle a passé la Brenta, et s'est rendue à Citadella, où elle a rencontré l'ennemi, qui a fui à son approche.
Le général Masséna s'est rendu a Vicence, de là à Bassano, et a poursuivi l'ennemi qui s'est retiré au-delà de la Piave et dans les gorges de la Brenta: il a envoyé le brave général Mesnard à sa poursuite, celui-ci l'a atteint à Carpenedolo, et lui a fait huit cents prisonniers après un combat assez vif. Les grenadiers de la vingt-cinquième demi-brigade ont passé le pont de la Brenta à la baïonnette, et ont fait une boucherie horrible de ce qui s'est opposé à leur passage.
La division du général Joubert est en marche pour suivre l'ennemi dans les gorges du Tyrol, que la mauvaise saison rend difficiles; il a rencontré hier à Avio l'arrière-garde de l'ennemi, et lui a fait trois cents prisonniers après un léger combat.
La division Rey a accompagné les prisonniers. Rien de nouveau au blocus de Mantoue.
J'ai écrit au citoyen Cacault de sortir de Rome trois heures après la réception du courrier que je lui ai expédié à cet effet.
Le temps est horrible, il pleut à seaux depuis quarante-huit heures.
Je donne ordre au citoyen Leroux de prendre les fonctions d'ordonnateur en chef; j'engage le citoyen Denniée à rester à l'armée comme ordonnateur de division, nous n'en avons pas trop. Le commissaire Naudin est arrivé.
Si le citoyen Villemansy doit venir en Italie, qu'il se dépêche, parce qu'une fois la campagne commencée, il ne pourra plus reprendre le fil de nos opérations.
Il n'est encore arrivé aucune des troupes des dix mille hommes de l'Océan, que les dix-huit cents hommes de la soixante-quatrième demi-brigade.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Verone, le 9 pluviose an 5 (28 janvier 1797).
Au citoyen Carnot, membre du directoire exécutif.
J'ai reçu votre lettre, mon cher directeur, sur le champ de bataille de Rivoli. J'ai vu dans le temps avec pitié tout ce que l'on débite sur mon compte. L'on me fait parler chacun suivant sa passion. Je crois que vous me connaissez trop pour imaginer que je puisse être influencé par qui que ce soit. J'ai toujours eu à me louer des marques d'amitié que vous m'avez données à moi