Si, par une mauvaise foi inconcevable, vous aviez l'imprudence d'éluder l'escompte de ladite lettre de change, vous seriez responsable des événemens qui pourraient survenir, du tort que cela ferait à l'armée, et je requiers le citoyen Faypoult de vous considérer comme des banqueroutiers et de vous traiter comme tels.
BONAPARTE.
Au quartier général à Milan, le 24 frimaire an 5 (14 décembre 1796).
Au citoyen Faypoult.
Le citoyen Regnier vous communiquera un arrêté des commissaires du gouvernement, qui tire 600,000 liv. sur la maison Flachat et Peregallo, sur les 5,000,000 qu'ils ont, provenant des contributions de l'armée, et qu'ils auraient dû verser dans la caisse du payeur. Cette somme est destinée à solder le prêt, qui manque à l'armée depuis deux décades. S'ils n'acceptent pas les lettres de change, je vous requiers de faire mettre le scellé sur la maison Flachat, Castelli, Peregallo et compagnie, et de chercher à procurer cet argent au payeur de l'armée. Des opérations de la plus grande conséquence peuvent tenir à l'exécution de cette mesure.
J'ai ordonné au général Baraguay d'Hilliers de faire mettre les scellés sur les papiers du correspondant de cette maison à Milan.
L'armée manque de tout, le prêt est arriéré de deux décades; nous n'avons plus de ressources que dans les 5,000,000 et les 2,000,000 qui doivent nous rentrer d'après la convention, les ratifications ayant été échangées à Paris. Le payeur va tirer pour 2,000,000 pour ce dernier objet.
Vous devez avoir, outre les sept caisses venant de Bologne, quatre ou cinq caisses venant de Milan, qui ont été estimées, je crois, 8 à 9,000,000 fr. Gardez-les bien précieusement, car il viendra un temps où nous pourrons avoir besoin de nous en servir pour nourrir l'armée, en empruntant dessus.
BONAPARTE.
Au quartier général à Milan, le 24 frimaire an 5 (14 décembre 1796).
Au général Baraguay d'Hilliers.
Vous voudrez bien, citoyen général, faire venir chez vous le citoyen Rouillet, agent en chef de la compagnie Flachat, le sommer de verser dans la caisse du payeur les 4 ou 5,000,000 qu'il a, provenant des contributions, et, sur son refus, le faire mettre en état d'arrestation et les scellés sur ses papiers.
BONAPARTE.
Au quartier général à Verone, le 1er nivose an 5 (20 décembre 1796).
Au directoire exécutif.
Je vous envoie onze drapeaux pris sur l'ennemi aux batailles de Rivoli et de la Favorite. Le citoyen Bessières, commandant des guides, qui les porte, est un officier distingué par sa valeur et sa bravoure, et par l'honneur mérité qu'il a de commander une compagnie de braves gens qui ont toujours vu fuir l'ennemi devant eux, et qui, par leur intrépidité, nous ont rendu, dans la campagne, des services très essentiels.
BONAPARTE.
Au quartier général à Milan, le 6 nivose an 5 (28 décembre 1796).
Au directoire exécutif.
Il y a dans ce moment-ci en Lombardie trois partis: 1°. celui qui se laisse conduire par les Français; 2°. celui qui voudrait la liberté, et montre même son désir avec quelque impatience; 3°. le parti ami des Autrichiens, et ennemi des Français. Je soutiens et j'encourage le premier, je contiens le second, et je réprime le troisième.
Il est faux que j'aie augmenté la contribution de la Lombardie de huit millions, et le parti qui vous a remis un mémoire basé sur ce fait, ferait beaucoup mieux de payer les cinq millions que lui et ses associés doivent à la république, et ont volé à l'armée, que de parler d'un pays où sa compagnie s'est fait universellement mépriser par les coquineries de toutes espèces qu'elle a commises.
Les républiques cispadanes sont divisées en trois partis: 1°. les amis de leur ancien gouvernement; 2°. les partisans d'une constitution indépendante, mais un peu aristocratique; 3°. les partisans de la constitution française ou de la pure démocratie. Je comprime le premier, je soutiens le second et je modère le troisième.
Je soutiens le second et je modère le troisième, parce que le parti des seconds est celui des riches propriétaires et des prêtres, qui en dernière analyse finiraient par gagner la masse du peuple, qu'il est essentiel de rallier autour du parti français.
Le dernier parti est composé de jeunes gens, d'écrivains, et d'hommes qui, comme en France et dans tous les pays, ne changent de gouvernement, n'aiment la liberté que pour faire une révolution.
Les Allemands et le pape réunissent leur crédit pour insurger les Apennins; leurs efforts sont inutiles: une partie de la Grafagniana s'était cependant révoltée, ainsi que la petite ville de Carrara. J'ai envoyé une petite colonne mobile pour mettre ces gens-là à la raison, et faire des exemples terribles, qui apprennent à ces montagnards à ne pas jouer avec nous. La révolte des Apennins, si elle se faisait au moment où nous aurions affaire à l'ennemi, nous donnerait beaucoup d'embarras. Ces montagnes arrivant jusqu'à Tortone, leurs habitans pourraient gêner les communications: aussi j'y ai perpétuellement les yeux.
Dans ce moment-ci, les républiques cispadanes sont réunies dans un congrès qu'elles tiennent à Reggio.
BONAPARTE.
Au quartier général à Milan, le 8 nivose an 5 (28 décembre 1796).
Au directoire exécutif.
Je vous enverrai la lettre écrite par le général Alvinzi et la réponse du général Berthier: en conséquence le baron Vincent et le général Clarke se réunissent à Vicence, le 13 de ce mois. Mon opinion est que, quelque chose que l'on puisse stipuler pour le statu quo de Mantoue, l'exécution en sera toujours impossible. Si l'empereur consent à conclure l'armistice sans le pape, l'avantage de pouvoir retirer trente millions, cet hiver, d'Italie, et de pouvoir en donner quinze aux armées de Sambre-et-Meuse et du Rhin, est une considération telle, qu'elle nous permet d'ouvrir la campagne prochaine avec avantage.
Mais si l'empereur veut y comprendre le pape, l'armistice nous fera perdre Mantoue, l'argent de Rome, et donnera le le temps au pape d'organiser une force militaire avec des officiers autrichiens: cela mettrait toutes les chances contre nous pour la campagne prochaine.
BONAPARTE.
Au quartier-général à Milan, le 8 nivose an 5 (28 décembre 1796).
Au directoire exécutif.
Les Vénitiens ayant accablé de soins l'armée du général Alvinzi, j'ai cru devoir prendre une nouvelle précaution, en m'emparant du château de Bergame, qui domine la ville de ce nom et empêcherait les partisans ennemis de venir gêner notre communication entre l'Adda et l'Adige.
De toutes les provinces de l'État de Venise, celle de Bergame est la plus mal intentionnée à notre égard. Il y avait dans la ville de ce nom un comité chargé de répandre les nouvelles les plus ridicules sur le compte de l'armée; c'est sur le territoire de cette province que l'on a le plus assassiné de nos soldats, et c'est de là que l'on favorisait la désertion des prisonniers autrichiens. Quoique la prise de la citadelle de Bergame ne soit pas une opération militaire, il n'en a pas moins fallu de la dextérité et de la fermeté: le général Baraguay d'Hilliers, que j'en avais chargé, s'est dans cette occasion parfaitement conduit; je vais lui donner le commandement d'une brigade, et j'espère qu'aux premières affaires il méritera sur le champ de bataille le grade de général de division.
Je