Œuvres de Napoléon Bonaparte (Tome I-V). Napoleon Bonaparte. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Napoleon Bonaparte
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Документальная литература
Год издания: 0
isbn: 4064066388782
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le directoire; elle a rompu l'armistice; et en suspendant l'exécution des conditions, elle arme: elle veut la guerre, elle l'aura; mais, avant de pouvoir de sang-froid prévoir la ruine et la mort des insensés qui voudront faire obstacle aux phalanges républicaines, je dois à ma nation, à l'humanité, à moi-même, de tenter un dernier effort pour ramener le pape à des sentimens plus modérés, conformes à ses vrais intérêts, à son caractère et à la raison. Vous connaissez, monsieur le cardinal, les forces et la puissance de l'armée que je commande: pour détruire la puissance temporelle du pape, il ne me faudrait que le vouloir. Allez à Rome; voyez le Saint-Père, éclairez-le sur ses vrais intérêts; arrachez-le aux intrigans qui l'environnent, qui veulent sa perte et celle de la cour de Rome. Le gouvernement français permet encore que j'écoute des négociations de paix; tout pourrait s'arranger. La guerre, si cruelle pour les peuples, a des résultats terribles pour les vaincus; évitez de grands malheurs au pape: vous savez combien je désire finir par la paix une lutte que la guerre terminerait pour moi sans gloire comme sans périls.

      Je vous souhaite, monsieur le cardinal, dans votre mission, le succès que la pureté de vos intentions mérite.

      BONAPARTE.

      Vérone, le 3 brumaire an 5 (24 octobre 1796).

       Au citoyen Cacault.

      Je vous ferai passer une lettre du ministre Delacroix. Le directoire me prévient que vous êtes chargé de continuer les négociations avec Rome. Vous me tiendrez exactement instruit de ce que vous ferez, afin que je saisisse le moment favorable pour exécuter les intentions du directoire exécutif. Vous sentez bien qu'après la paix avec Naples et avec Gênes, la bonne harmonie qui règne avec le roi de Sardaigne, la reprise de la Corse et notre supériorité décidée dans la Méditerranée, je n'attendrai que le moment pour m'élancer sur Rome et y venger l'honneur national: la grande affaire actuellement est de gagner du temps. Mon intention est, lorsque j'entrerai sur les terres du pape, ce qui encore est éloigné, de le faire, en conséquence de l'armistice, pour prendre possession d'Ancône; de là, je serai plus à même d'aller plus loin, après avoir mis en ordre mes derrières.

      Enfin, le grand art actuellement est de jeter réciproquement la balle pour tromper le vieux renard. Si vous pouviez obtenir un commencement d'exécution de l'armistice, je crois que cela serait bon, mais difficile, à ce que je crois.

      Nos affaires reprennent aujourd'hui, et la victoire paraît revenir sous nos drapeaux.

      BONAPARTE.

      Au quartier-général à Vérone, le 5 brumaire an 5 (24 octobre 1796).

       Au directoire exécutif.

      Je suis fâché, citoyens directeurs, que votre lettre du 20 vendémiaire me soit arrivée trop tard. Je vous prie de vous reporter aux circonstances où je me trouvais: Rome imprimant des manifestes fanatiques; Naples faisant marcher des forces; la régence de Modène manifestant ses mauvaises intentions et rompant l'armistice en faisant passer des convois à Mantoue. La république française se trouvait avilie, menacée: ce coup de vigueur, de rompre l'armistice de Modène, a rétabli l'opinion et a réuni Bologne, Ferrare, Modène et Reggio sous un même bonnet. Le fanatisme s'est trouvé déjoué, et les peuples, accoutumés à trembler, ont senti que nous étions encore là: la république avait le droit de casser un armistice qui n'était pas exécuté. La régence même ne désavoue pas d'avoir envoyé des secours dans Mantoue.

      Modène, Reggio, Ferrare et Bologne, réunis en congrès, ont arrêté une levée de deux mille huit cents hommes, sous le titre de Première légion italienne: l'enthousiasme est très-grand; les paysans qui portaient des vivres dans Mantoue sont venus eux-mêmes nous apprendre les routes cachées qu'ils tenaient. La plus parfaite harmonie règne entre nous et les peuples.

      A Bologne, ville de soixante-quinze mille âmes, l'enthousiasme est extrême: déjà même la dernière classe du peuple s'est portée à des excès; ils ne voulaient pas reconnaître le sénat: il a fallu les laisser organiser leur constitution et me prononcer fortement pour le sénat, afin de rétablir l'ordre.

      A Ferrare, un évêque cardinal, prince romain qui jouit de 150,000 liv., donne tout au peuple et est toujours dans l'église. Je l'ai envoyé à Rome sous le prétexte de négocier, mais dans la réalité pour m'en débarrasser: il a été content de sa mission.

      La folie du pape est sans égale; mais la nouvelle de Naples et de la Méditerranée le fera changer. Mon projet, lorsque je le pourrai, est de me rendre à Ancône au moyen de l'armistice, et de n'être ennemi que là.

      Je vous ferai passer une proclamation que j'ai faite à Bologne, et la lettre que j'ai écrite au cardinal archevêque de Ferrare.

      Je vous fais mon compliment du traité souscrit avec Gênes: il est utile sous tous les rapports.

      La vente de Livourne se fait actuellement. J'occupe, avec une petite garnison, Ferrare. Les barbets sont battus, défaits et fusillés. Vos ordres pour mettre les licenciés à la solde du congrès de la Lombardie sont exécutés.

      BONAPARTE.

      Au quartier-général à Vérone, le 4 brumaire an 5 (25 octobre 1796).

       Au directoire exécutif.

      Nous sommes en mouvement: l'ennemi paraît vouloir passer la Piave pour s'établir sur la Brenta; je le laisse s'engager: les pluies, les mauvais chemins, les torrens m'en rendront bon compte.

      Nous verrons comme cela s'engagera. Je vous prie de me dire la conduite que je dois tenir à Trieste, si jamais, après la saison des pluies et une bonne victoire, j'étais obligé de porter la guerre dans le Frioul. Si vous pouviez envoyer trois frégates dans l'Adriatique, elles seraient utiles dans toutes les hypothèses.

      La paix avec Naples et Gênes, notre situation avec les peuples, et les troupes que vous annoncez, vous assurent l'Italie, si elles arrivent. La vingt-neuvième demi-brigade, partie de Paris, forte de 4,000 hommes, est arrivée ici à 1100. Si Willot ne retient que 2,000 hommes, la quatre-vingt-troisième devrait déjà être en marche. Cette très-bonne demi-brigade est forte de 2,500 hommes: elle se repose depuis un an; elle devrait, selon mes ordres, être déjà à Nice. Si je l'ai avant les grands coups, comme il paraît que j'aurai la quarantième, j'espère non-seulement battre les Autrichiens, prendre Mantoue, mais encore prendre Trieste, obliger Venise à faire ce que l'on voudra, et planter nos drapeaux au Capitole.

      Il sera nécessaire d'envoyer en Corse au moins 1200 hommes; il serait bon que quelques frégates se rendissent à Ajaccio et à Saint-Florent, pour se faire voir.

      Si vous envoyez quelques frégates dans l'Adriatique, il serait bon qu'un officier de l'équipage vînt se concerter avec moi pour choisir un point pour les protéger et de correspondance. Il serait bon qu'une grosse gabarre vînt à l'embouchure du Pô, je la chargerais de chanvre et de bois de construction: elle pourrait en place nous apporter trois mille fusils, dix mille baïonnettes, deux mille sabres de chasseurs et de hussards, quatre mille obus de six pouces, mille boulets de 12, et six mille boulets de 18: ce sont des choses dont nous avons toujours besoin. Je ne vois que ce moyen pour que la marine ait bientôt des approvisionnemens, qui sont abondans dans le Ferrarais et la Romagne. Si l'on craint de manquer de blé au printemps, l'on peut envoyer des bateaux à l'embouchure du Pô, je ferai filer tout le blé que l'on voudra.

      Les neiges tombent, cela n'empêche pas de se battre dans le Tyrol. Il ne sera pas impossible que j'évacue Trente: j'en serais fâché, les habitans nous sont très-affectionnés; je ne le ferai qu'au moment où cela sera utile: je n'y pense pas encore.

      Wurmser est à la dernière extrémité; il manque de vin, de viande et de fourrage; il mange ses chevaux et a quinze mille malades. Il a trouvé le moyen de faire passer à Vienne la proposition que je lui ai faite. Je crois que nous serons bientôt aux mains ici: dans cinq décades, Mantoue sera pris ou délivré. S'il m'arrive seulement la quatre-vingt-troisième et la quarantième, c'est-à-dire, cinq mille hommes, je réponds de tout; mais, une heure trop tard, ces forces ne seront plus à temps. Si j'étais forcé de me replier, Mantoue serait