Œuvres de Napoléon Bonaparte (Tome I-V). Napoleon Bonaparte. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Napoleon Bonaparte
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Документальная литература
Год издания: 0
isbn: 4064066388782
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Nous nous joignons à Vicence avec la division Masséna, et nous marchons, le 15, au-devant de l'ennemi, qui avait passé la Brenta. Il fallait étonner comme la foudre, et balayer, dès son premier pas, l'ennemi. La journée fut vive, chaude et sanglante: l'avantage fut à nous, l'ennemi repassa la Brenta, et le champ de bataille nous resta. Nous fîmes cinq cent dix-huit prisonniers, et tuâmes considérablement de monde; nous enlevâmes une pièce de canon. Le général Lanusse a été blessé d'un coup de sabre. Toutes les troupes se sont couvertes de gloire.

      Cependant le 13, l'ennemi avait attaqué le général Vaubois sur plusieurs points et menaçait de le tourner, ce qui obligea ce général à faire sa retraite sur la Pietra, sa droite adossée à des montagnes, sa gauche à Mori. Le 16, l'ennemi ne se présenta point; mais, le 17, le combat fut des plus opiniâtres. Déjà nous avions enlevé deux pièces de canon et fait treize cents prisonniers, lorsque, à l'entrée de la nuit, une terreur panique s'empara de nos troupes; la déroute devint complète: nous abandonnâmes six pièces de canon.

      La division prit, le 18, sa position à Rivoli et à la Corona par un pont que j'avais fait jeter exprès. Nous avons perdu, dans cette retraite, outre six pièces de canon, trois mille hommes tués, blessés ou prisonniers. La perte de l'ennemi doit avoir été considérable.

      Ayant appris une partie de ce qui se passait dans le Tyrol, je m'empressai de partir le 17, à la pointe du jour, et nous arrivâmes le 18, à la pointe du jour, à Verone.

      Le 21, à trois heures après midi, ayant appris que l'ennemi était parti de Montebello et avait campé à Villa-Nova, nous partîmes de Verone. Nous rencontrâmes son avant-garde à Saint-Martin. Augereau l'attaqua, la mit en déroute, et la poursuivit trois milles: la nuit la sauva.

      Le 22, à la pointe du jour, nous nous trouvâmes en présence. Il fallait battre l'ennemi de suite; nous l'attaquâmes avec intelligence et bravoure. La division Masséna attaqua la gauche, le général Augereau la droite. Le succès était complet; le général Augereau s'était emparé du village de Caldero, et avait fait deux cents prisonniers; Masséna s'était emparé de la hauteur qui tournait l'ennemi, et avait pris cinq pièces de canon; mais la pluie, qui tombait à seaux, se change brusquement en une petite grelasse froide, qu'un vent violent portait au visage de nos soldats, et favorise l'ennemi; ce qui, joint à un corps de réserve qui ne s'était pas encore battu, lui fait reprendre la hauteur. J'envoie la soixante-quinzième demi-brigade, qui était restée en réserve, et tout se maintint jusqu'à la nuit; mais l'ennemi reste maître de la position. Nous avons eu six cents blessés, deux cents morts et cent cinquante prisonniers, parmi lesquels le général de brigade Launai, le chef de brigade Dupuis, qui a été blessé pour la seconde fois. L'ennemi doit avoir perdu davantage.

      Le temps continue à être mauvais. Toute l'armée est excédée de fatigue et sans souliers: je l'ai reconduite à Verone, où elle vient d'arriver.

      Une colonne ennemie, commandée par Laudon, s'avance sur Brescia, une autre sur Chiuza, pour faire sa jonction avec le corps d'armée. Pour résister à tout cela, je n'ai que dix-huit mille hommes.

      L'ennemi a au moins cinquante mille hommes, composés: 1°. d'un corps autrichien venant du Rhin; 2°. de toutes les garnisons de la Pologne et des frontières de la Turquie; 3°. du reste de son armée d'Italie, recrutée de dix mille hommes.

      Aujourd'hui, 24 brumaire, repos aux troupes; demain, selon les mouvemens de l'ennemi, nous agirons. Je désespère d'empêcher la levée du blocus de Mantoue, qui dans huit jours était à nous. Si ce malheur arrive, nous serons bientôt derrière l'Adda, et plus loin s'il n'arrive pas de troupes.

      Les blessés sont l'élite de l'armée: tous nos officiers sapeurs, tous nos généraux d'élite sont hors de combat; tout ce qui m'arrive est si inepte! et ils n'ont pas la confiance du soldat. L'armée d'Italie, réduite à une poignée de monde, est épuisée. Les héros de Lodi, de Millesimo, de Castiglione et de Bassano sont morts pour leur patrie ou sont à l'hôpital; il ne reste plus aux corps que leur réputation et leur orgueil. Joubert, Lannes, Lanusse, Victor, Murat, Charlot, Dupuis, Rampon, Pigeon, Menard, Chabran, sont blessés; nous sommes abandonnés au fond de l'Italie. La présomption de mes forces nous était utile; on publie à Paris, dans des discours officiels, que nous ne sommes que trente mille hommes.

      J'ai perdu dans cette guerre peu de monde, mais tous des hommes d'élite qu'il est impossible de remplacer. Ce qui me reste de braves voit la mort infaillible, au milieu de chances si continuelles et avec des forces si inférieures. Peut-être l'heure du brave Augereau, de l'intrépide Masséna, de Berthier, de..... est près de sonner: alors! alors! que deviendront ces braves gens? Cette idée me rend réservé; je n'ose plus affronter la mort, qui serait un sujet de découragement et de malheur pour qui est l'objet de mes sollicitudes.

      Sous peu de jours, nous essaierons un dernier effort: si la fortune nous sourit, Mantoue sera pris, et avec lui l'Italie. Renforcé par mon armée de siège, il n'est rien que je ne puisse tenter. Si j'avais reçu la quatre-vingt-troisième, forte de trois mille cinq cents hommes connus à l'armée, j'eusse répondu de tout! Peut-être, sous peu de jours, ne sera-ce pas assez de quarante mille hommes.

      BONAPARTE.

      Au quartier-général à Modène, le 25 brumaire an 5 (15 novembre 1796).

       Au commissaire du gouvernement.

      La compagnie Flachat n'a fait encore aucune vente; cependant elle a des soies et autres marchandises assez importantes dans la Lombardie et à Tortone. Les rentes qu'elle fait à Livourne se font par devant elle, il est indispensable d'y faire intervenir le consul de la république. Cette compagnie, qui a reçu quatorze à quinze millions, ne paye pas les mandats, sous le prétexte qu'elle n'a pas d'argent, mais effectivement pour les faire négocier par main tierce, à quinze ou vingt pour cent de perte. Faites-vous remettre l'état des mandats qu'elle a aujourd'hui acquittés; ordonnez-lui: 1°. d'afficher, sous vingt-quatre heures, la vente de toutes les marchandises qu'elle a, pour être faite ensuite conformément à votre arrêté; 2°. que tout l'argent provenant des marchandises soit, vingt-quatre heures après, versé dans la caisse centrale, sans que, sous quelque prétexte que ce soit, cette compagnie puisse retenir cet argent; 3°. qu'elle vous remette l'état des versemens en grains qu'elle a faits à l'armée depuis le commencement de la campagne; car elle est fortement prévenue d'avoir fait des versemens factices pour quatre-vingt mille quintaux.

      Je vous engage à porter sur cette compagnie un oeil sévère. De tous côtés, on réclame contre elle; tous ses agens sont d'un incivisme si marqué, que je suis fondé à croire qu'une grande partie sert d'espions à l'ennemi. Je vous prie de prévenir cette compagnie que, si M. Paragallo, Français assez indigne pour avoir désavoué le caractère national, vient en Lombardie, je le ferai mettre en prison. J'ai de fortes raisons pour croire que cet homme a des liaisons avec le ministre de Russie à Gênes, et je suis instruit d'ailleurs que je suis environné d'espions; les employés qu'elle a à Livourne sont en grande partie des émigrés.

      BONAPARTE.

      Au quartier-général à Verone, le 29 brumaire an 5 (19 novembre 1796).

      Au commissaire du gouvernement.

      L'armée est sans souliers, sans prêt, sans habits; les hôpitaux manquent de tout; nos blessés sont sur le carreau et dans le dénûment le plus horrible; tout cela provient du défaut d'argent, et c'est au moment où nous venons d'acquérir 4,000,000 à Livourne, et où les marchandises que nous avons à Tortone et à Milan nous offrent encore une ressource réelle. Modène devait aussi nous donner 1,800,000 fr., et Ferrare des contributions assez fortes; mais il n'y a ni ordre ni ensemble dans la partie des contributions dont vous êtes spécialement chargé. Le mal est si grand, qu'il faut un remède. Je vous prie de me répondre dans la journée si vous pouvez pourvoir aux besoins de l'armée; dans le cas contraire, je vous prie d'ordonner au citoyen Haller, fripon qui n'est venu dans ce pays-ci que pour voler, et qui s'est érigé intendant des finances des pays conquis, qu'il rende ses comptes à l'ordonnateur en chef qui est à Milan, et en même temps de leur laisser prendre les mesures pour procurer à l'armée ce qui lui manque. L'intention du gouvernement est que ses commissaires