Œuvres de Napoléon Bonaparte (Tome I-V). Napoleon Bonaparte. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Napoleon Bonaparte
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Документальная литература
Год издания: 0
isbn: 4064066388782
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denrées; enfin nous vivons souvent avec les magasins de l'ennemi.

      Je vous prie de nous envoyer le commissaire ordonnateur Naudin; il est un peu vieux, mais je le connais pour un homme probe et sévère, il pourra être chargé utilement pour la république d'un des services de cette armée; je crois même que vous feriez bien de le faire ordonnateur des contributions, chargé de correspondre avec le ministre des finances et la trésorerie: vos commissaires pourraient alors en avoir simplement la surveillance comme des autres parties, ce qui les rendrait au rôle passif qu'ils doivent avoir par vos instructions, et remédierait aux abus sans nombre qui existent.

      Je ne puis pas d'ailleurs vous dissimuler qu'il n'y a presque aucun ordre dans les contributions. Vos commissaires ne sont pas assez habitués aux détails de la comptabilité; il faut de plus un esprit de suite, que leurs occupations ou le grand caractère dont ils sont revêtus ne leur permet pas d'avoir.

      Je crois donc qu'un commissaire ordonnateur, chargé en chef des contributions, indépendant du commissaire ordonnateur en chef, qui aurait un payeur nommé par la trésorerie, surveillerait d'une manière efficace la compagnie Flachat, en ce qu'il aurait un détail exact, une comptabilité sûre de tout ce qu'il aurait remis et des lettres de change qui sont tirées.

      Enfin, vos commissaires font de beaux tableaux, qui ne s'accordent ni avec ceux du payeur, ni avec ceux de la compagnie Flachat: pourquoi? C'est que la comptabilité est une science à part; elle exige un travail à part et une attention réfléchie: d'ailleurs, peut-être penserez-vous qu'il convient de ne pas donner une comptabilité de détails à des hommes qui ont une responsabilité morale et politique. Si, suivant l'esprit de vos instructions, vos commissaires ne doivent que surveiller, il faut que jamais ils n'agissent; et il y a, en général, une présomption défavorable contre ceux qui manient de l'argent.

      BONAPARTE.

      Au quartier-général à Milan, le 21 vendémiaire an 5 (12 octobre 1796).

       Au directoire exécutif.

      Depuis que je suis à Milan, citoyens directeurs, je m'occupe à faire la guerre aux fripons; j'en ai fait juger et punir plusieurs: je dois vous en dénoncer d'autres. En leur faisant une guerre ouverte, il est clair que j'intéresse contre moi mille voix, qui vont chercher à pervertir l'opinion. Je comprends que, s'il y a deux mois, je voulais être duc de Milan, aujourd'hui je voudrai être roi d'Italie; mais, tant que mes forces et votre confiance dureront, je ferai une guerre impitoyable aux fripons et aux Autrichiens.

      La compagnie Flachat n'est qu'un ramassis de fripons sans crédit réel, sans argent et sans moralité: je ne serai pas suspect pour eux, car je les croyais actifs, honnêtes et bien intentionnés; mais il faut se rendre à l'évidence.

      1°. Ils ont reçu quatorze millions, ils n'en ont payé que six, et ils refusent d'acquitter les mandats donnés par la trésorerie, à moins de quinze ou vingt pour cent. Ces honteuses négociations se font publiquement à Gênes. La compagnie prétend qu'elle n'a pas de fonds; mais, moyennant cet honnête profit, elle consent à solder le mandat.

      2°. Ils ne fournissent aucune bonne marchandise à l'armée; les plaintes me viennent de tous côtés; ils sont même fortement soupçonnés d'avoir fait pour plus de quatre-vingt mille quintaux de blé en versemens factices, en corrompant les garde-magasins.

      3°. Leur marché est onéreux à la république, puisqu'un million, qui pèse, en argent, dix mille livres, serait transporté par cinq ou six voitures, et en poste, pour cinq à six mille francs, tandis qu'il en coûte près de cinquante mille, la trésorerie leur ayant accordé dans son marché cinq pour cent. Flachat et Laporte ont peu de fortune et aucun crédit; Peregaldo et Payen sont des maisons ruinées et sans crédit; cependant, c'est à la réunion de ces quatre noms que l'on a confié tous les intérêts de la république en Italie. Ce ne sont pas des négocians, mais des agioteurs, comme ceux du Palais-Royal.

      4°. Peregaldo, né à Marseille, s'est désavoué d'être Français; il a renié sa patrie et s'est fait Génois: il ne porte pas la cocarde, il est sorti de Gênes avec sa famille, répandant l'alarme en disant que nous allions bombarder Gênes. Je l'ai fait arrêter et chasser de la Lombardie. Devons-nous souffrir que de pareilles gens, plus mal intentionnées et plus aristocrates que les émigrés mêmes, viennent nous servir d'espions, soient toujours avec le ministre de Russie à Gênes, et s'enrichissent encore avec nous?

      Le citoyen Lacheze, consul à Gênes, est un fripon: sa conduite à Livourne, en faisant vendre des blés à Gênes à vil prix, en est la preuve.

      Les marchandises ne se vendent pas à Livourne. Je viens de donner des ordres à Flachat de les faire vendre; mais je parie que, grâce à tous ces fripons réunis, cela ne rendra pas deux millions: ce qui devrait en rendre sept au moins.

      Quant aux commissaires des guerres, hormis Denniée, ordonnateur en chef, Boinod, Mazad et deux ou trois autres, le reste n'est que des fripons: il y en a trois en jugement; ils doivent surveiller, et ils donnent les moyens de voler, en signant tout. Il faut nous en purger, et nous en renvoyer de probes, s'il y en a; il faudrait en trouver qui eussent déjà de quoi vivre.

      Le commissaire ordonnateur Gosselin est un fripon: il a fait des marchés de bottes à trente-six livres, qui ont été renouvelés depuis à dix-huit livres.

      Enfin, vous dirai-je qu'un commissaire des guerres, Flack, est accusé d'avoir vendu une caisse de quinquina que le roi d'Espagne nous envoyait? D'autres ont vendu des matelas; mais je m'arrête, tant d'horreurs font rougir d'être Français. La ville de Crémone a fourni plus de cinquante mille aunes de toile fine pour les hôpitaux, que ces fripons ont vendue: ils vendent tout.

      Vous avez calculé sans doute que vos administrateurs voleraient, mais qu'ils feraient le service et auraient un peu de pudeur: ils volent d'une manière si ridicule et si impudente, que, si j'avais un mois de temps, il n'y en a pas un qui ne pût être fusillé. Je ne cesse d'en faire arrêter et d'en faire mettre au conseil de guerre; mais on achète les juges: c'est ici une foire, tout se vend. Un employé accusé d'avoir mis une contribution de 18,000 fr. sur Salo, n'a été condamné qu'à deux mois de fers. Et puis comment voulez-vous prouver? ils s'étayent tous.

      Destituez ou faites arrêter le commissaire ordonnateur Gosselin; destituez les commissaires dont je vous envoie la note. Il est vrai qu'ils ne demandent peut-être pas mieux.

      Venons aux agens de l'administration.

      Thevenin est un voleur, il affecte un luxe insultant: il m'a fait présent de plusieurs très-beaux chevaux dont j'ai besoin, que j'ai pris, et dont il n'y a pas eu moyen de lui faire accepter le prix. Faites-le arrêter et retenir six mois en prison; il peut payer 500,000 fr. de taxe de guerre en argent: cet homme ne fait pas son service. Les charrois sont pleins d'émigrés, ils s'appellent royal charrois, et portent le collet vert sous mes yeux; vous pensez bien que j'en fais arrêter souvent, mais ils ne sont pas ordinairement où je me trouve.

      Sonolet, agent des vivres jusqu'aujourd'hui, est un fripon: l'agence des vivres avait raison.

      Ozou est un fripon et ne fait jamais son service.

      Collot fait son service avec exactitude, il a du zèle et plus d'honneur que ces coquins-là.

      Le nouvel agent qui a été envoyé par Cerf-Beer paraît meilleur que Thevenin. Je ne vous parle ici que des grands voleurs. Diriez-vous que l'on cherche à séduire mes secrétaires jusque dans mon antichambre? Les agens militaires sont tous des fripons. Un nommé Valeri est en jugement à Milan, les autres se sont sauvés.

      Le citoyen Faypoult, votre ministre; Poussielgue, secrétaire; et Sucy, commissaire ordonnateur, honnêtes hommes, sont témoins des friponneries que commet la compagnie Flachat à Gênes; mais je suis obligé de partir demain pour l'armée; grande joie pour tous les fripons qu'un coup d'oeil sur l'administration m'a fait connaître.

      Le payeur de l'armée est un honnête homme, un peu borné; le contrôleur est un fripon, témoin sa conduite à Bologne.

      Les dénonciations que je fais, sont des dénonciations en âme et conscience comme jury.