Œuvres de Napoléon Bonaparte (Tome I-V). Napoleon Bonaparte. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Napoleon Bonaparte
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Документальная литература
Год издания: 0
isbn: 4064066388782
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ont fait feu sur le peuple et dissipé l'attroupement. Je crois que le plus court de tout ceci serait de déclarer l'armistice rompu, vu qu'il est encore dû cinq à six cent mille liv., et de mettre cette place à l'instar de Bologne et de Reggio. Ce seraient des ennemis de moins que nous aurions, car la régence ne dissimule pas la crainte que nous lui inspirons, et la joie qu'elle ressent des succès des ennemis. Je vous prie de vouloir bien me prescrire vos ordres là-dessus.

      Je crois qu'il ne faut pas laisser cet état dans la situation de déchirement où il se trouve, mais déclarer au plénipotentiaire que vous avez à Paris les négociations rompues. Au lieu d'avoir un nouvel ennemi, nous aurions au contraire des secours et des alliés, les peuples de Modène et de Reggio réunis. Cependant, comme la face des affaires change tous les quinze jours dans ce pays, puisque cela suit les opérations militaires, et qu'il ne faudrait pas que votre rupture avec Modène arrivât dans un instant où je ne pourrais pas disposer de quinze cents hommes pendant quelques jours, pour établir un nouvel ordre de chose dans ce pays, vous pourriez déclarer à l'envoyé de Modène que vous m'avez fait connaître vos intentions, et que vous me chargez de la conclusion de la paix avec son prince. Il viendrait alors au quartier-général, ayant soin de lui signifier qu'il y soit rendu avant douze jours. Je lui déclarerais alors que toutes négociations sont rompues, dans le même instant que nos troupes entreront dans Modène, feront poser les armes à la garnison, prendront pour otages les plus enragés aristocrates, et mettront en place les amis de la liberté de Modène.

      Vous aurez alors Modène, Reggio, Bologne et Ferrare, où la masse du peuple se forme tous les jours pour la liberté, et où la majorité nous regarde comme libérateurs, et notre cause comme la leur.

      Les états de Modène arrivent jusqu'au Mantouan: vous sentez combien il nous est intéressant d'y avoir, au lieu d'un gouvernement ennemi, un gouvernement dans le genre de celui de Bologne, qui nous serait entièrement dévoué. Nous pourrions, à la paix générale, donner le Mantouan au duc de Parme, ce qui serait politique sous tous les rapports; mais il serait utile que vous fissiez connaître cela à l'ambassadeur d'Espagne, pour que cela revienne au duc de Parme; ce qui l'engagerait à nous rendre beaucoup de services. Puisque nous sommes alliés avec l'Espagne, il ne serait point indifférent que le duc de Parme réunît à notre armée un de ses régimens de sept à huit cents hommes: cela me rendrait disponible un pareil nombre de nos troupes, et ferait que tous les habitans du duché de Parme regarderaient notre cause comme la leur; ce qui est toujours beaucoup. J'emploierai ce corps devant Mantoue, ou pour l'escorte des prisonniers et des convois, ce que nos gens font très-mal: sur quatre mille prisonniers, il s'en sauve ordinairement mille; ce qui est produit par le petit nombre d'escortes que je peux y mettre. J'ai essayé, pour les escortes, de quatre cents hommes Milanais, ce qui m'a parfaitement réussi; il faudrait aussi que le duc fût obligé de nous fournir un bataillon de pionniers fort de huit cents hommes, avec les outils.

      Éloignés, comme nous sommes de la France, ce sera pour nous un bon secours que l'alliance de ce prince, puisque ses états sont sur le théâtre de la guerre.

      Les barbets désolent nos communications: ce ne sont plus des voleurs isolés, ce sont des corps organisés de quatre à cinq cents hommes. Le général Garnier, à la tête d'une colonne mobile que j'ai organisée, occupe dans ce moment-ci Tende; il en a arrêté et fait fusiller une douzaine.

      L'administration du département du Var s'est refusée à fournir deux cents hommes que j'ai mis en réquisition pour la formation de cette colonne mobile. Le général Willot non-seulement a refusé d'obéir à un ordre que j'ai donné pour le départ du dixième bataillon de l'Ain, mais encore il a retenu la onzième demi-brigade, que le général Châteauneuf-Randon envoyait à l'armée, et un escadron du dix-huitième régiment de dragons. Ce général a cependant huit mille hommes dans sa division, troupes suffisantes pour conquérir le midi de la France, s'il était en révolte.

      Je tiens en respect et je fais la police dans un pays ennemi plus étendu que toute sa division, avec huit ou neuf cents hommes. Ce général a des idées trop exagérées, et embrasse trop les différentes opinions des partis qui déchirent la France, pour pouvoir maintenir l'ordre dans le Midi sans une armée puissante.

      Le général Willot a servi, au commencement de la révolution, à l'armée d'Italie; il jouit de la réputation d'un brave homme et d'un bon militaire, mais d'un royaliste enragé. Ne le connaissant pas, et n'ayant pas eu le temps de peser ses opérations, je suis bien loin de confirmer ce jugement; mais, ce qui me paraît bien avéré, c'est qu'il agit dans le Midi comme dans la Vendée, ce qui est un bon moyen pour la faire naître.

      Quand on n'a égard à aucune autorité constituée, que l'on déclare en masse tous les habitans de plusieurs départemens indignes du nom de citoyen, on veut ou se former une armée considérable, ou faire naître la guerre civile: je ne vois pas de parti mitoyen. Si vous laissez le général Willot à Marseille, il faut lui donner une armée de vingt mille hommes, ou vous attendre aux scènes les plus affligeantes.

      Quand une ville est en état de siège, il me semble qu'un militaire devient une espèce de magistrat, et doit se conduire avec la modération et la décence qu'exigent les circonstances, et il ne doit pas être un instrument de factions, un officier d'avant-garde. Je vous soumets toutes ces réflexions, spécialement par la nécessité que j'ai d'avoir des troupes.

      Je vous prie aussi d'ôter de dessous mes ordres la huitième division, parce que les principes et la conduite du général Willot ne sont pas ceux qu'il doit avoir dans sa place, et que je me croirais déshonoré de voir, dans un endroit où je commande, se former un ferment de trouble, et de souffrir qu'un général sous mes ordres ne soit qu'un instrument de factions.

      Par sa désobéissance et par son insubordination, il est la cause des horreurs qui se commettent dans ce moment dans le département des Alpes-Maritimes. Le convoi des tableaux chefs-d'oeuvre d'Italie a été obligé de rentrer à Coni; il eût été pris par les barbets. Si le général Willot n'obéit pas sur-le-champ à l'ordre que je lui ai donné de faire partir la quatre-vingt-troisième demi-brigade, mon projet est de le suspendre de ses fonctions. Nice même, dans ce moment-ci, n'est pas en sûreté.

      Les barbets tirent leurs forces du régiment provincial de Nice, que le roi de Sardaigne a licencié; peut-être serait-il utile de faire un corps particulier de tous les habitans des Alpes maritimes qui se sont trouvés engagés dans le régiment provincial et le corps franc au moment de la guerre. On pourrait, dans ce cas, déclarer qu'ils ne reprendront leurs droits de citoyens qu'après avoir servi deux ans sous les drapeaux de la république.

      J'ai écrit au ministre des affaires étrangères et au roi de Sardaigne lui-même des lettres très-fortes. J'espère que tous les jours le nombre de ces brigands sera moins redoutable.

      J'ai envoyé à Turin le citoyen Poussielgue, secrétaire de la légation à Gênes, sonder les dispositions de ce cabinet pour un traité d'alliance; il nous faut ce prince ou la république de Gênes. J'avais même désiré une entrevue avec le ministre des affaires étrangères du roi de Sardaigne, mais cela n'a pu s'arranger.

      BONAPARTE.

      Au quartier-général à Milan, le 11 vendémiaire an 5 (2 octobre 1796).

       Au directoire exécutif.

      La république de Venise a peur: elle trame avec le roi de Naples et le pape; elle se fortifie et se retranche dans Venise. De tous les peuples de l'Italie, le Vénitien est celui qui nous hait le plus: ils sont tous armés, et il est des cantons dont les habitans sont braves. Leur ministre à Paris leur écrit que l'on s'arme, sans quoi tout est perdu: on ne fera rien de tous ces gens-là si Mantoue n'est pas pris.

      Le roi de Naples a soixante mille hommes sur pied, il ne peut être attaqué et détrôné que par dix-huit mille hommes d'infanterie et trois mille de cavalerie. Il serait possible que, de concert avec l'Autriche et Rome, il portât un corps sur Rome et ensuite sur Bologne et Livourne: ce corps pourrait être de quinze mille hommes, et inquiéterait beaucoup l'armée française.

      Le grand-duc de Toscane est absolument nul sous tous les rapports.

      Le