Physiologie du goût. Brillat-Savarin. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Brillat-Savarin
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066084646
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laissez-m'en au moins manger un morceau.»

      Je cite avec plaisir cet échantillon du patois du Bugey, où l'on trouve le th des Grecs et des Anglais, et, dans le mot praou et autres semblables, une diphtongue qui n'existe en aucune langue, et dont on ne peut peindre le sou par aucun caractère connu. (Voyez le 3e volume des Mémoires de la Société royale des Antiquaires de France).

      Prosper était aussi bon garçon qu'il fut depuis bon militaire; il consentit à la demande de son anti-partenaire, qui eut, pour sa part, la carcasse encore assez opime, de l'oiseau en consommation, et paya ensuite de fort bonne grâce et le principal et les accessoires obligés.

      Le général Sibuet se plaisait beaucoup à raconter cette prouesse de son jeune âge; il disait que ce qu'il avait fait, en associant le fermier, était de pure courtoisie; il assurait que, sans cette assistance, il se sentait toute la puissance nécessaire pour gagner la gageure; et ce qui, à quarante ans, lui restait d'appétit, ne permettait pas de douter de son assertion.

      SECTION PREMIÈRE.

       Définitions.

       26.

      U'ENTEND-ON par aliments?

      Réponse populaire: L'aliment est tout ce qui nous nourrit.

      Réponse scientifique: On entend par aliment les substances qui, soumises à l'estomac, peuvent s'animaliser par la digestion, et réparer les pertes que fait le corps humain par l'usage de la vie.

      Ainsi, la qualité distinctive de l'aliment consiste dans la propriété de subir l'assimilation animale.

       Travaux analytiques.

      27.--Le règne animal et le règne végétal sont ceux qui, jusqu'à présent, ont fourni des aliments au genre humain. On n'a encore tiré des minéraux que des remèdes ou des poisons.

      Depuis que la chimie analytique est devenue une science certaine, on a pénétré très avant dans la double nature des éléments dont notre corps est composé, et des substances que la nature semble avoir destinées à en réparer les pertes.

      Ces études avaient entre elles une grande analogie, puisque l'homme est composé en grande partie des mêmes substances que les animaux dont il se nourrit, et qu'il a bien fallu chercher aussi dans les végétaux les affinités par suite desquelles ils deviennent eux-mêmes animalisables.

      On a fait dans ces deux voies les travaux les plus louables et en même temps les plus minutieux, et on a suivi, soit le corps humain, soit les aliments par lesquels il se répare, d'abord dans leurs particules secondaires, et ensuite dans leurs éléments, au-delà desquels il ne nous a point encore été permis de pénétrer.

      Ici j'avais l'intention de placer un petit traité de chimie alimentaire, et d'apprendre à mes lecteurs en combien de millièmes de carbone, d'hydrogène, etc., on pourrait réduire eux et les mets qui les nourrissent; mais j'ai été arrêté par le réflexion que je ne pouvais guère remplir cette tâche qu'en copiant les excellents traités de chimie qui sont entre les mains de tout le monde. J'ai craint encore de tomber dans des détails stériles, et me suis réduit à une nomenclature raisonnée, sauf à faire passer par-ci par-là quelques résultats chimiques, en termes moins hérissés et plus intelligibles.

       Osmazôme.

       28.

      E plus grand service rendu par la chimie à la science alimentaire est la découverte ou plutôt la précision de l'osmazôme.

      L'osmazôme est cette partie éminemment sapide des viandes, qui est soluble à l'eau froide, et qui se distingue de la partie extractive en ce que cette dernière n'est soluble que dans l'eau bouillante.

      C'est l'osmazôme qui fait le mérite des bons potages; c'est lui qui, en se caramélisant, forme le roux des viandes; c'est par lui que se forme le rissolé des rôtis, enfin c'est de lui que sort le fumet de la venaison et du gibier.

      L'osmazôme se retire surtout des animaux adultes à chairs rouges, noires, et qu'on est convenu d'appeler chairs faites; on n'en trouve point ou presque point dans l'agneau, le cochon de lait, le poulet, et même dans le blanc des plus grosses volailles: c'est par cette raison que les vrais connaisseurs ont toujours préféré l'entre-cuisse; chez eux l'instinct du goût avait prévenu la science.

      G. de CONET, Éditeur

      C'est aussi la prescience de l'osmazôme qui a fait chasser tant de cuisiniers, convaincus de distraire le premier bouillon: c'est elle qui fit la réputation des soupes de primes, qui a fait adopter les croûtes au pot comme confortatives dans le bain, et qui fit inventer au chanoine Chevrier des marmites fermantes à clef; c'est le même à qui l'on ne servait jamais des épinards le vendredi qu'autant qu'ils avaient été cuits dès le dimanche, et remis chaque jour sur le feu avec une nouvelle addition de beurre frais.

      Enfin c'est pour ménager cette substance, quoique encore inconnue, que s'est introduite la maxime que, pour faire de bon bouillon, la marmite ne devait que sourire, expression fort distinguée pour le pays d'où elle est venue.

      L'osmazôme, découvert après avoir fait si longtemps les délices de nos pères, peut se comparer à l'alcool, qui a grisé bien des générations avant qu'on ait su qu'on pouvait le mettre à nu par la distillation.

      À l'osmazôme succède, par le traitement à l'eau bouillante, ce qu'on entend plus spécialement par matière extractive: ce dernier produit, réuni à l'osmazôme, compose le jus de la viande.

       Principe des aliments.

      La fibre est ce qui compose le tissu de la chair et ce qui se présente à l'oeil après la cuisson. La fibre résiste à l'eau bouillante, et conserve sa forme, quoique dépouillée d'une partie de ses enveloppes. Pour bien dépecer les viandes, il faut avoir soin que la fibre fasse un angle droit, ou à peu près, avec la lame du couteau: la viande ainsi coupée a un aspect plus agréable, se goûte mieux, et se mâche plus facilement.

      Les os sont principalement composés de gélatine et de phosphate de chaux.

      La quantité de gélatine diminue à mesure qu'on avance en âge À soixante-dix ans, les os ne sont plus qu'un marbre imparfait; c'est ce qui les rend si cassants, et fait une loi de prudence aux vieillards d'éviter toute occasion de chute.

      L'albumine se trouve également dans la chair et dans le sang; elle se coagule à une chaleur au dessous de 40 degrés: c'est elle qui forme l'écume du pot-au-feu.

      La gélatine se rencontre également dans les os, les parties molles et cartilagineuses; sa qualité distinctive est de se coaguler à la température ordinaire de l'atmosphère; deux parties et demie sur cent d'eau chaude suffisent pour cela.

      La gélatine est la base de toute les gelées grasses et maigres, blancs-mangers, et autres préparations analogues.

      La graisse est une huile concrète qui se forme dans les interstices du tissu cellulaire, et s'agglomère quelquefois en masse dans les animaux que l'art ou la nature y prédispose, comme les cochons, les volailles, les ortolans et les becs-figues; dans quelques-uns de ces animaux, elle perd son insipidité, et prend un léger arôme qui la rend fort agréable.

      Le sang se compose d'un sérum albumineux, de fibrine, d'un peu de gélatine et d'un peu d'osmazôme; il se coagule à l'eau chaude, et devient un aliment très nourrissant (v. g. le boudin).

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