La plupart des églises rhénanes possèdent deux sanctuaires, l'un à l'orient, l'autre à l'occident, et le plan de l'église de l'abbaye de Saint-Gall, attribué à l'abbé Eginhard, vivant du temps de Charlemagne 58, présente la même disposition. Toutefois, dans ce plan d'église, le sanctuaire oriental est seul pourvu de stalles, d'ambons, qui manquent au sanctuaire de l'ouest.
L'adoption des doubles sanctuaires se retrouve dans quelques églises françaises, dans les cathédrales de Besançon, de Verdun, de Nevers même (voy. CATHÉDRALE).
Dans les églises abbatiales, le sanctuaire est au-dessus du choeur, lequel est le plus souvent installé, soit dans le transsept, soit dans les dernières travées de la nef. Tel était disposé le sanctuaire de l'abbaye de Saint-Denis (voy. CHOEUR) 59. Le sanctuaire des églises abbatiales se trouvait habituellement élevé au-dessus d'une crypte dans laquelle étaient enfermées les châsses des corps saints (voy. ARCHITECTURE MONASTIQUE). Ces cryptes ou confessions, avec les sanctuaires qui les surmontent, sont conservées encore dans les églises abbatiales de Saint-Germain d'Auxerre, de Vézelay, de Sainte-Radegonde à Poitiers, de Saint-Denis en France, de Saint-Benoît-sur-Loire, de Montmajour près d'Arles, de Saint-Sernin de Toulouse, etc. Alors le sanctuaire proprement dit est relevé de quelques marches au-dessus du pavé de la nef, et formait un lieu réservé possédant un autel particulier, dit autel des reliques, tandis que le maître autel était placé au-dessous de ce sanctuaire, devant le choeur des religieux, et s'appelait autel matutinal, c'est-à-dire devant lequel on chantait les matines.
Nos cathédrales françaises, rebâties pendant la seconde moitié du XIIe siècle ou au commencement du XIIIe, ne possédaient pas, à proprement parler, de sanctuaire, mais seulement un choeur au milieu duquel s'élevait l'autel. La cathedra, le siége épiscopal, était posée au fond du choeur, derrière l'autel. Il faut se reporter au temps où furent élevés ces grands monuments, pour apprécier les motifs qui avaient fait adopter cette disposition qui appartient aux provinces dépendant du domaine royal. Nous avons indiqué ces motifs dans notre article CATHÉDRALE, et nous ne croyons pas nécessaire d'insister. Il nous suffira de dire que ces grandes églises étaient si peu pourvues de ce qu'on appelle sanctuaire dans les églises abbatiales, que le choeur était généralement établi de plain-pied avec le collatéral.
Cette disposition existait primitivement à Notre-Dame de Paris, dans les cathédrales de Senlis, de Meaux, de Chartres, de Sens. Le choeur n'était pas même séparé des bas côtés par des clôtures, celles-ci ayant été établies plus tard, vers le milieu du XIIIe siècle, au moment où ces grands monuments perdirent leur double destination civile et religieuse pour ne conserver que la dernière. Même alors le choeur était clos, mais il n'était pas établi une séparation distincte entre celui-ci et le sanctuaire, ou plutôt l'autel était placé à l'extrémité orientale du choeur, au centre du rond-point. Tout sanctuaire implique la présence d'une confession, d'une crypte contenant un ou plusieurs corps saints; or, les grandes cathédrales, rebâties aux XIIe et XIIIe siècles, sauf de rares exceptions 60, ne possédaient pas de cryptes, partant pas de sanctuaires.
SCULPTURE. s. f. Nous comprendrons dans cet article la statuaire et la sculpture d'ornement. Il serait difficile, en effet, de séparer, dans l'architecture du moyen âge aussi bien que dans celle de l'antiquité, ces deux branches du même tronc; et si, dans les temps modernes, les sculpteurs statuaires se sont isolés, ont le plus souvent pratiqué leur art dans l'atelier, en ne tenant plus compte, ni de l'ornementation, ni de l'architecture, c'est une habitude qui ne date guère que du XVIIe siècle, née au sein des académies. Jadis les sculpteurs statuaires n'étaient que des imagiers. Ce titre ayant paru maigre, on l'a changé. Ces imagiers travaillaient pour un monument, dans les chantiers de ce monument, concouraient directement à l'oeuvre, sous la direction du maître; mais aussi leurs ouvrages (qu'on veuille bien nous passer l'expression) étaient immeubles par destination. L'institution des académies ne pouvait tolérer une pareille servitude: les imagiers, devenus statuaires, ont prétendu travailler chez eux et n'écouter que leur inspiration; ils ont ainsi pu faire des chefs-d'oeuvre à leur aise, mais des chefs-d'oeuvre meubles meublants, qu'on achète, qu'on place un peu au hasard, comme on achète et l'on place dans un appartement un objet précieux. Depuis quelques années cependant, on a cherché à rendre à la statuaire une destination fixe, on a tenté de revenir aux anciens errements; quelques statuaires ont été appelés à travailler sur le tas, c'est-à-dire à exécuter sur le monument même des parties de sculpture, suivant une donnée générale définie, arrêtée. Mais, malgré ces tentatives dont nous apprécions la valeur, l'habitude du travail de l'atelier était si bien enracinée, que ces sculptures semblent, le plus souvent, des hors-d'oeuvre, des accessoires décoratifs apportés après coup, et n'ayant avec l'architecture aucuns rapports d'échelle, de style et de caractère. Nous n'avons pas à apprécier ici le plus ou moins de valeur de la sculpture moderne. Nous avons seulement tout d'abord à établir cette distinction entre les oeuvres de l'antiquité, du moyen âge et des temps modernes, savoir: que, dans l'art du moyen âge, la sculpture ne se sépare pas de l'architecture; que la sculpture statuaire et la sculpture d'ornement sont si intimement liées, qu'on ne saurait faire l'histoire de l'une sans faire l'histoire de l'autre.
Cette histoire de la sculpture du moyen âge exige, pour être comprise, que nous jetions un regard rapide sur les oeuvres de l'antiquité, lesquelles ont influé sur l'art occidental à dater du XIe siècle, tantôt directement, tantôt par des voies détournées, très-étranges et généralement peu connues.
La sculpture, dans l'antiquité, procède de deux principes différents, qui forment deux divisions principales. Il y a la sculpture hiératique et la sculpture qui, prenant pour point de départ l'imitation de la nature, tend à se perfectionner dans cette voie, et sans s'arrêter un jour, après être montée à l'apogée, descend peu à peu vers le réalisme pour arriver à la décadence. Les peuples orientaux, l'Inde, l'Asie Mineure, l'Égypte même, n'ont pratiqué la sculpture qu'au point de vue de la conservation de certains types consacrés. La Grèce seule s'est soustraite à ce principe énervant, est partie des types admis chez des civilisations antérieures, pour les amener, par l'observation plus sûre et plus exacte de la nature, par une suite de progrès, soit dans le choix, soit dans l'exécution, au beau absolu. Mais, par cela même qu'ils marchaient toujours en avant, les Grecs n'ont pu établir ni l'hiératisme du beau selon la nature, ni l'hiératisme du convenu, d'où ils étaient partis. Après être montés, ils sont descendus. Toutefois, en descendant, ils ont semé sur la route des germes qui devaient devenir féconds. C'est là, en effet, ce qui établit la supériorité du progrès sur le respect absolu à la tradition, sur l'hiératisme. S'il n'en était pas ainsi, on pourrait soutenir que l'hiératisme, en le supposant arrivé dès l'abord à un point très-élevé, comme en Égypte, est supérieur au progrès, puisqu'il maintient l'art le plus longtemps possible sur ce sommet, tandis que la voie progressive atteint la perfection un jour, pour descendre aussitôt une pente opposée à celle de l'ascension. L'art hiératique est stérile. Ses produits pâlissent chaque jour, à partir du point de départ, pour se perdre peu à peu dans le métier vulgaire, d'où les civilisations postérieures ne peuvent rien tirer. Il est impossible de ne pas être frappé d'étonnement et d'admiration devant les sculptures des premières dynasties égyptiennes. Il semble que cet art si complet, si élevé, dont l'exécution est si merveilleuse, doive fournir aux artistes de tous les temps un point d'appui solide. Il n'en est rien cependant; cette admiration peut conduire à des pastiches, non à de nouvelles créations. Cet art, si beau qu'il soit, est immédiatement formulé comme un dogme; on ne peut rien en retrancher, rien y ajouter: c'est un bloc de porphyre. L'art grec, progressiste (qu'on nous passe le mot), est au contraire un métal ductile, dont on peut sans cesse tirer des produits nouveaux. Pourquoi certaines civilisations ont-elles produit des arts fixés, pour ainsi dire, dans un hiératisme étroit? Pourquoi d'autres ont-elles fait intervenir dans les productions d'art la raison humaine, les passions mobiles, les sentiments, la philosophie, le besoin de la recherche du mieux?
Cela serait difficile