Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 8 - (Q suite - R - S). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
Издательство: Public Domain
Серия:
Жанр произведения: Техническая литература
Год издания: 0
isbn:
Скачать книгу
sur la cour et la grand'salle au niveau des appartements du premier étage.

      En A (fig. 7), est tracé le plan du rez-de-chaussée sur la cour. C est l'entrée charretière du château, avec son pont-levis en E. D est l'entrée de la poterne, avec son pont-levis en F. En entrant dans la cour G, on trouve à rez-de-chaussée une première salle H qui est le corps de garde, séparé de la porte et de la poterne par le herse tombant en a. De ce corps de garde on communique directement au portique b, lequel est séparé de la cour par un bahut. De la cour G on peut entrer sous le portique par les portes c et d. En face de la porte c, la plus rapprochée de l'entrée, est un banc e destiné à la sentinelle (car alors des bancs étaient toujours réservés là où une sentinelle devait être postée). Il faut donc que chaque personne qui veut pénétrer dans les salles basses soit reconnue. En g, est une porte qui donne entrée dans un premier vestibule I; de ce premier vestibule on pénètre dans une salle K, puis dans la grand'salle L, qui n'a d'issue sur le portique que par le tambour h. L'escalier l permet de pénétrer dans la tour M, de descendre dans les caves, et de monter au portique entresolé en passant par-dessus l'arcade n. L'escalier O, à double vis, monte au portique entresolé, à la grand'salle du premier et aux défenses. En p, sont des cheminées; en R, des latrines auxquelles on arrive, soit par le corps de garde H, soit par le vestibule I. Le tracé B donne le plan de la grand'salle au premier étage. On ne peut y monter que par les escaliers du corps de garde ou par l'escalier à double vis O, situé à l'extrémité du portique. Le seigneur pénétrait dans cette salle par la porte s communiquant au donjon par une suite de galeries. Entrant par cette porte s, le seigneur était sur l'estrade, élevée de trois marches au-dessus du pavé de la grand'salle. C'était le parquet, le tribunal du haut justicier; c'était aussi la place d'honneur dans les cérémonies, telles qu'hommages, investitures; pendant les banquets, les assemblées, bals, etc. C'est sur cette estrade que s'élève la cheminée, comme dans la grand'salle du palais de Poitiers (voy. CHEMINÉE, fig. 9 et 10).

      On pouvait aussi, du donjon, pénétrer dans la grand'salle en passant sur la porte du château, dans la pièce située au-dessus du corps de garde et le vestibule V. La grand'salle du premier étage était en communication directe avec les défenses par les issues X, très-nombreuses. En cas d'attaque, la garnison pouvait être convoquée dans cette salle seigneuriale, recevoir des instructions, et, se répandre instantanément sur les chemins de ronde des mâchicoulis et dans les tours.

      La coupe (fig. 8) sur tu, en regardant vers l'entrée, explique plus complétement ces dispositions. Au-dessous de l'étage A est un étage de caves dont le sol est au niveau du chemin de ronde extérieur, B étant le niveau du sol de la cour. On voit, dans cette coupe, comment est construit le portique de plain-pied avec la salle basse et entresolé de façon à donner une vue et, au besoin, une surveillance sur cette salle basse, car le portique inférieur est vitré en a, tandis que le portique d'entresol est vitré en b. Au niveau du plancher de la grand'salle du premier étage, ce portique forme une terrasse ou promenoir extérieur sur la cour. On voit en d le chemin de ronde des mâchicoulis, qui est également de plain-pied avec la grand'salle.

      Sur le vestibule V (voyez le plan) de cette grand'salle, est une tribune qui servait à placer des musiciens lors des banquets ou fêtes que donnait le seigneur. De ces dispositions il résulte clairement que les salles basses étaient isolées des défenses, tandis que la grand'salle haute, située au premier étage, était au contraire en communication directe et fréquente avec elles; que la salle haute, ou grand'salle, était de plain-pied avec les appartements du seigneur, et qu'on séparait au besoin les hommes se tenant habituellement dans la salle basse, des fonctions auxquelles était réservée la plus haute. Ce programme, si bien écrit à Pierrefonds, jette un jour nouveau sur les habitudes des seigneurs féodaux, obligés de recevoir dans leurs châteaux des garnisons d'aventuriers.

      On nous objectera peut-être que ces dispositions à Pierrefonds étaient tellement ruinées, que la restauration peut être hypothétique. À cette objection nous répondrons: 1º Que le mur extérieur était complétement conservé, par conséquent les hauteurs des étages; 2º que le portique était écrit par l'épaisseur du mur intérieur et par les fragments de cette structure trouvés dans les fouilles; 3º que l'escalier l du plan, conservé, ne montant qu'à une hauteur d'entresol, indiquait clairement le niveau de cet entresol; 4º que la position de l'escalier à double degré était donnée par le plan conservé; 5º que les cheminées étaient encore en place, ainsi que les murs de refend; 6º que les dispositions du corps de garde et de ses issues sont anciennes, ainsi que celles de la salle des latrines; 7º que le tambour h (voy. les plans) était indiqué par des arrachements; 8º que les pieds-droits des fenêtres hautes ont été retrouvés dans les déblais et replacés; 9º que les pentes des combles sont données par les filets existant le long des tours. Si donc quelque chose est hypothétique dans cette restauration, ce ne pourrait être que des détails qui n'ont aucune importance et dont nous faisons bon marché, car ce n'est pas de cela qu'il s'agit.

      Les grand'salles avaient des destinations distinctes, suivant le temps où elles furent construites. Jusqu'au milieu du XIIIe siècle, il ne semble pas que le bâtiment contenant la grand'salle fût nécessairement divisé en salle haute et salle basse. Le seigneur féodal vivait alors avec son monde. Quelques-unes de ces grand'salles étaient à rez-de-chaussée. Ainsi, par exemple, dans le roman de la Vengeance de Raguidel par le trouvère Raoul, nous voyons qu'un chevalier entre à cheval dans la salle où mangent le roi et ses hommes:

      «Quant del mangier furent levé,

      Atant es vos tuit abrievé

      Parmi la sale, .I. chevalier,

      Qui tu armés sor .I. destrier

      L'écu au col, la lance au puing.

      ...

      Le roi salue et salua

      Tos les haus hommes qui là sont;

      Et li roi Artus li respont:

      Amis, Dius vos saut, bien vigniés,

      Descendès, lavès, si mangiès 47

      Dans le Roman de la Violette, Gérard monte à cheval devant la salle:

      «Atant demande son cheval

      Gérars, car il voloit monter;

      S'espée si court à porter

      Uns dansiaus cui il l'ot baillie,

      Par devant la salle entaillie (sculptée)

      Monte Gérars, congié a pris,

      Comme sages et bien apris 48».

      Bien que déjà au commencement du XIVe siècle, les grand'salles soient situées au premier étage, de vastes perrons permettent d'y monter directement 49. Elles sont en communication directe avec la cour comme à Paris, à Troyes, à Poitiers. Mais vers la fin du XIVe siècle, la grand'salle du château prend un caractère plus privé, et, tout en conservant son caractère de tribunal, de lieu d'assemblée, de salle de banquets, elle s'isole, ne communique plus guère avec le dehors que par des escaliers détournés ou des galeries. Il y a enfin la salle basse et la salle haute.

      Cependant en France, dès l'époque carlovingienne, on trouve la trace de la salle haute, appelée alors solarium, mais elle n'a pas le caractère de la grand'salle des châteaux. C'est la salle du seigneur, comme nous dirions aujourd'hui le salon de son appartement.

      Ces salles, pendant


<p>47</p>

Messire Gauvain, ou la Vengeance de Raguidel, par le trouvère Raoul, publié par C. Hippeau, vers 4199 et suiv.

<p>48</p>

Le Roman de la Violette ou de Gérard de Nevers, XIIIe siècle, publié par Fr. Michel, vers 2252 et suiv.

<p>49</p>

Voyez PERRON.