Notre figure 2 trace l'admirable claire-voie qui, au sud, termine la salle. Du côté de la place, des contre-forts sont couronnés par des pinacles très-riches, variés, surmontant des statues, parmi lesquelles on distingue celle du roi saint Louis, la seule peut-être qu'il y ait encore en France, de son temps 38.
La sculpture de la salle synodale de Sens peut être comptée parmi les meilleures de cette époque. Les profils, les détails, sont traités évidemment par un maître, et aucun édifice ne présente un fenestrage mieux conçu et d'un aspect plus grandiose.
Le château de Blois conserve encore la grand'salle dans laquelle furent tenus les États sous Henri III. Elle date du commencement du XIIIe siècle, et se compose de deux vaisseaux séparés par une épine de colonnes. Cette salle fait exception; elle est située à rez-de-chaussée et n'a pas d'étage inférieur conformément à l'usage général; elle est couverte par deux berceaux de bois lambrissés. C'est d'ailleurs une assez pauvre construction 39. Il est vrai de dire qu'au XIIIe siècle, le château de Blois n'était qu'une résidence sans grande valeur. Autrement importante était la grand'salle du château de Montargis, dont du Cerceau, dans Les plus excellens bâtimens de France, nous a conservé des plans et détails très-précieux. La grand'salle du château de Montargis remplissait exactement le programme admis dès le XIIe siècle: salle basse, salle du premier étage avec grand perron; communications avec l'habitation seigneuriale, le donjon (voy. CHÂTEAU, fig. 15).
Voici (fig. 3) le plan de ce bâtiment au premier étage. Le rez-de-chaussée était voûté sur une épine de colonnes. Un escalier monumental à trois rampes, A 40, partait de la cour du château, et s'élevait, en passant sur des arches, jusqu'au niveau de la salle du premier étage. Ce vaisseau, l'un des plus grands qui fussent en France, avait 50 mètres de longueur sur 16 mètres, dans oeuvre. La grand'salle était couverte par une charpente lambrissée en berceau, avec entraits et poinçons apparents, le tout richement décoré de peintures. Quatre cheminées C chauffaient l'intérieur à chaque étage, et six tourelles flanquaient le bâtiment, qui datait de la seconde moitié du XIIIe siècle. Le seigneur se rendait à la grand'salle de plain-pied par la galerie G passant sur une arche, en H. De plus, des appartements on pouvait entrer dans la salle par la petite porte I. Du côté B, le bâtiment dominait un escarpement planté en jardins que l'on pouvait voir en se plaçant sur une sorte de balcon 41 placé en D.
Une coupe transversale faite sur ab (fig. 4), explique la disposition de ces deux salles superposées. En A, était un crénelage couvert sur les deux murs goutterots du bâtiment, découvert devant les pignons. Entre les contre-forts des murs goutterots s'ouvraient de belles fenêtres à meneaux, plus larges que celles qui étaient percées dans les pignons. Cinq contre-forts extérieurs maintenaient ceux-ci dans leur aplomb (voy. le plan).
Dans les palais épiscopaux, les deux salles superposées avaient une destination bien connue. La salle basse était l'officialité; la salle haute, le lieu propre aux grandes réunions diocésaines, synodes, assemblées du clergé, au besoin salles de banquets. D'ailleurs les évêques étaient seigneurs féodaux, et, comme tels, ils devaient, dans maintes circonstances, réunir leurs vassaux. On a peut-être moins éclairci la destination des deux salles superposées dans les châteaux des seigneurs laïques. Cependant cette disposition est trop générale pour qu'elle n'ait pas été imposée par des usages uniformes sur tout le territoire féodal de la France. C'est en examinant soigneusement les voisinages de ces grandes salles, la manière dont leurs ouvertures sont placées, leurs issues, que nous pouvons nous rendre compte des usages auxquels étaient destinées les oeuvres basses, car, pour l'étage supérieur, sa destination est parfaitement définie.
Quand on voit les ensembles des plans de nos grands châteaux féodaux, on remarque qu'il n'y avait pour la garnison que des locaux peu étendus. Ceci s'explique par la composition même de ces garnisons. Bien peu de seigneurs féodaux pouvaient, comme le châtelain de Coucy, au XIIIe siècle, entretenir toute l'année cinquante chevaliers, c'est-à-dire cinq cents hommes d'armes. La plupart de ces seigneurs, vivant des redevances de leurs colons, ne pouvaient, en temps ordinaire, conserver près d'eux qu'un nombre d'hommes d'armes très-limité. Étaient-ils en guerre, leurs vassaux devaient l'estage, la garde du château seigneurial, pendant quarante jours par an (temps moyen). Mais il y avait deux sortes de vassaux, les hommes liges, qui devaient personnellement le service militaire, et les vassaux simples, qui pouvaient se faire remplacer. De cette coutume féodale il résultait que le seigneur était souvent dans l'obligation d'accepter le service militaire de gens qu'il ne connaissait pas, et qui, faisant métier de se battre pour qui les payait, étaient accessibles à la corruption. Dans bien des cas d'ailleurs, les hommes liges, les vassaux simples ou leurs remplaçants, ne pouvaient suffire à défendre un château seigneurial; on avait recours à des troupes de mercenaires, gens se battant bien pour qui les payait largement, mais au total peu sûrs. C'était donc dans des cas exceptionnels que les garnisons des châteaux étaient nombreuses; mais il faut reconnaître que du XIIe au XVe siècle, la défense était tellement supérieure à l'attaque, qu'une garnison de cinquante hommes, par exemple, suffisait pour défendre un château d'une étendue médiocre, contre un nombreux corps d'armée. Quand un seigneur faisait appel à ses vassaux et que ceux-ci s'enfermaient dans le château, on logeait les hommes les plus sûrs dans les tours, parce que chacune d'elles formait un poste séparé, commandé par un capitaine. Pour les mercenaires ou les remplaçants, on les logeait