Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 7 - (P). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Техническая литература
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souvent très-minces. Ce n'était alors que par des gorges d'un ton très-chaud et très-sombre, comme le brun rouge glacé de laque, ou le pourpre très-puissant, ou le noir brun, que l'on pouvait combattre le grisonnement que répandait le rayonnement des verrières sur ces surfaces voisines. Il fallait même, pour donner à certaines couleurs, comme le vermillon, tout leur éclat, les semer de touches opposées. Ainsi sur la colonnette couchée en vermillon, on semait des touches bleu clair cernées toujours de noir; ou sur la colonnette couchée en bleu clair, des touches d'un pourpre vif; sur celle couchée en bleu intense, des touches pourpre rose. L'or venait aussi, bien entendu, prêter son éclat à ces faisceaux de colonnettes dévorées par la juxtaposition des couleurs translucides, lorsque le bleu entrait pour une grande part dans l'harmonie générale. Les arcatures ou tapisseries disposées au-dessous des fenêtres, moins dévorées par les vitraux et plus près de l'oeil, pouvaient reprendre des tons plus doux et plus clairs, et alors les faisceaux de colonnettes passant devant elles se détachaient en vigueur et en éclat. Ce parti était parfaitement compris dans la peinture de la sainte Chapelle haute du palais 82. En effet, dans le système de peinture adopté pour cet intérieur, toutes les parties qui portent, qui forment l'ossature et les nerfs de l'édifice, se détachent en vigueur et en éclat. Les fonds sont au contraire doux et tenus au second plan.

      Les peintres décorateurs du moyen âge, pour circonscrire le rayonnement des vitraux colorés, employaient certains moyens d'un effet sûr. Si les fenêtres possédaient des ébrasements, comme au commencement du XIIIe siècle, par exemple, ceux-ci étaient décorés d'ornements très-vivement accusés par la différence des tons. Ces dessins étaient noirs et blancs, comme celui présenté en A dans la figure 19, ou brun rouge noir et blanc, comme celui tracé en B. Ces couleurs tranchées, atténuées par l'effet de la lumière décomposée passant à travers des vitraux colorés, conservaient assez de vigueur et de netteté pour border les peintures translucides, et prenaient des tons harmonieux par le rayonnement de ces peintures. Si les fenêtres, comme la plupart de celles qui se voient dans les édifices du milieu des XIIIe siècle, se composaient de meneaux formant de légers faisceaux de colonnettes, celles-ci se couvraient de tons très-voisins du noir, ainsi que le brun rouge foncé, le vert bleu très-intense, l'ardoise sombre, le pourpre brun. Ces lignes obscures faisaient un encadrement à la verrière; mais cependant les vitraux colorés étant toujours bordés d'un mince filet de verre blanc, comme pour les mettre en marge et empêcher la bavure des tons translucides sur l'architecture, le long de ce filet blanc transparent on peignait le solin en vermillon, afin de mieux faire ressortir l'éclat de la ligne lumineuse (voy. VITRAIL).

      Indépendamment de la coloration et du système harmonique des tons de la peinture décorative, les artistes des XIIe et XIIIe siècles notamment donnaient aux dessins des ornements peints des formes qui convenaient à la place qu'ils occupaient dans l'architecture. En effet, le dessin d'un ornement appliqué sur une surface modifie sensiblement celle-ci, comme nous l'avons indiqué sommairement dans la figure 6. Les litres, les bandeaux, se couvrent d'ornements courant horizontalement. Les piliers, les colonnes, les surfaces verticales, qui portent et doivent paraître rigides, ont leur surface occupée par des ornements ascendants.

      Voici quelques exemples (fig. 20) d'ornements empruntés à des peintures couvrant des colonnes des XIIe et XIIIe siècles. L'exemple A provient de colonnes des chapelles absidales de Saint-Denis. Il présente une torsade vert clair sur fond blanc jaune, bordée d'un filet brun rouge, avec perlé blanc à cheval sur le rouge et le vert 83. Les exemples B proviennent de colonnes de l'église de Romans (Drôme). Celui B donne un treillis de feuillages rouges sur fond vert bleu; celui Ba, un losangé vert bleu, avec dessins brun rouge sur fond blanc; celui Bb, un vairé brun sombre et vert sur blanc; celui Bc, un chevronné vert et rouge sur fond blanc, avec filet brun interposé. Le dessin C, qui est tracé sur un fût d'une colonne de l'église Saint-Georges de Boscherville, est un chevronné rouge laqueux et vert vif sur fond blanc, avec filet brun rouge vif interposé 84. L'exemple D, très-fréquent au XIIIe siècle, donne aux colonnes de la finesse et de la rigidité. Les ressauts des lignes verticales ont l'avantage de faire sentir la surface cylindrique de la colonne, toujours détruite par les cannelures, surtout si ces colonnes sont grêles. C'est ce besoin de conformer l'ornement peint à la structure, et d'appuyer même celle-ci par le genre de peinture, qui a fait adopter ces appareils si fréquents dans la décoration colorée des XIIe et XIIIe siècles particulièrement.

      Ces appareils sont très-simples ou riches, ainsi que le fait voir la figure 21, blancs sur fond jaune ocre, ou, plus fréquemment, brun rouge sur fond blanc ou sur fond jaune pâle; les lignes ainsi filées au pinceau sur de grandes surfaces, simples, doublées, triplées ou accompagnées de certains ornements, présentent une décoration très-économique, faisant parfaitement valoir les litres, les bandeaux, les faisceaux de colonnes, les bordures couvertes d'une ornementation plus compliquée et de couleurs brillantes.

      Dans les intérieurs, lorsque les parois et les piles sont peintes, la sculpture, naturellement, se couvre de couleurs; car il est à observer que les artistes du moyen âge, comme ceux de l'antiquité, n'ont pas admis la coloration partielle; ou bien ils n'ont pas peint les intérieurs, ou ils les ont peints entièrement. S'ils ne disposaient que de ressources minimes, quelquefois cette peinture n'était, sur une grande partie des surfaces, qu'un badigeon; mais ils pensaient que la peinture appelait la peinture, et qu'une litre colorée ne pouvait se poser toute seule sur un mur conservant son ton de pierre. C'est là un sentiment d'harmonie très-juste. S'il est parfois des exceptions à cette règle, c'est quand la peinture n'est considérée que comme un redessiné de la forme. On voit certaines sculptures de chapiteaux, par exemple, et des bas-reliefs, dont les ornements ou les figures sont redessinés en noir ou en brun rouge; certaines gorges de nervures ou de faisceaux de colonnettes remplies d'un ton brun, pour tracer la forme: mais cela n'est plus de la peinture, c'est du dessin, un moyen d'insister sur des formes que l'on veut faire mieux saisir. Parfois aussi, comme dans les voûtes du choeur de la cathédrale de Meaux, par exemple, on a eu l'idée de distinguer les claveaux des arcs ogives ou des arcs-doubleaux au moyen de deux tons différents. Ce sont là des exceptions. À l'article STATUAIRE, nous parlerons du mode de coloration des imageries et des statues, car les artistes du moyen âge ont le plus souvent admis, comme les Grecs de l'antiquité, que la statuaire devait être colorée. Quant à la sculpture d'ornement des intérieurs, tenue dans des tons clairs sur fonds sombres pendant l'époque romane et le XIIe siècle, vert clair ou jaune ocre sur fonds brun, pourpre et même noir, elle se colore plus vivement pendant le XIIIe siècle, et surtout pendant le XIVe, afin de se détacher en vigueur sur les parties simples, conformément au parti que nous avons signalé plus haut. Si l'or apparaît dans la décoration, les feuillages des chapiteaux sont dorés en tout ou partie sur fonds pourpre, bleu, ou vermillon. Si l'or est exclu, les ornements se couvrent de tons jaune, vert vif, sur fonds très-vigoureux, et le jaune est redessiné de traits noirs comme l'or; car jamais la dorure n'est posée sans être accompagnée d'épaisseurs et de dessous rouges, avec redessinés noirs, afin de nettoyer et d'éclaircir les formes de la sculpture. Ces traits noirs sont brillants, posés au moyen d'une substance assez semblable à notre vernis, et ont toujours un oeil brun. De cette manière la dorure prend un éclat et un relief merveilleux, elle n'est jamais molle et indécise. Si la dorure est posée en grandes surfaces, comme sur des fonds ou sur des draperies de statues, des gaufrures ou un glacis donnent un aspect précieux et léger à son éclat; on évite ainsi ces reflets écrasants pour la coloration voisine, les lumières trop larges et trop uniformément brillantes.

      Terminons cet aperçu de la décoration peinte des intérieurs par une remarque générale sur le système adopté par les artistes du moyen âge. Tout le monde a vu des tapis dits de Perse, des châles de l'Inde, chacun est frappé de l'éclat doux et solide de ces étoffes et de leur harmonie incomparable. Eh bien! que l'on examine


<p>82</p>

Lorsque l'on commença la restauration des peintures de la sainte Chapelle, on n'avait pas découvert le parti de coloration du fond des arcatures sous les fenêtres. On fit de nombreux essais, tous sur une gamme sombre, mais l'harmonie générale était dérangée par celle de ces fonds obscurs. En lavant un mur, du côté de l'entrée, on trouva, un jour, un fragment de la tapisserie claire qui forme le fond de cette arcature; reproduit immédiatement, l'harmonie générale fut rétablie.

<p>83</p>

Ces ornements de colonnes sont présentés développés.

<p>84</p>

Ces exemples de colonnes peintes appartiennent au XIIe siècle.