Que, d'un point de départ si vrai, si logique, si conforme aux principes invariables de tout art; que, de ce sentiment exquis de l'artiste se soumettant à une loi rigoureuse sans affaiblir l'expression de son génie personnel, on en soit venu à dresser dans une ville, centre de ces écoles délicates et sensées, un monument comme l'arc de triomphe de l'Étoile, c'est-à-dire hors d'échelle avec tout ce qui l'entoure, une porte sous laquelle passerait une frégate mâtée; un monument dont le mérite principal est de faire paraître la plus grande promenade de l'Europe un bosquet d'arbrisseaux; il faut que le sens de la vue ait été parmi nous singulièrement faussé et que, par une longue suite d'abus en matière d'art, nous ayons perdu tout sentiment du vrai. Il y a plus d'un siècle déjà, le président De Brosses 59, parlant de sa première visite à la basilique de Saint-Pierre de Rome, dit que, à l'intérieur, ce vaste édifice ne lui sembla «ni grand, ni petit, ni haut, ni bas, ni large, ni étroit.» Il ajoute: «On ne s'aperçoit de son énorme étendue que par relation, lorsqu'en considérant une chapelle, on la trouve grande comme une cathédrale; lorsqu'en mesurant un marmouset qui est là au pied d'une colonne, on lui trouve «un pouce gros comme le poignet. Tout cet édifice, par l'admirable justesse de ses proportions, a la propriété de réduire les choses démesurées à leur juste valeur.» Voilà une propriété bien heureuse! Faire un édifice colossal pour qu'il ne paraisse que de dimension ordinaire, faire des statues d'enfants de trois mètres de hauteur pour qu'elles paraissent être des marmots de grandeur naturelle! Le président De Brosses est cependant un homme d'esprit, très-éclairé, aimant les arts; ses lettres sont pleines d'appréciations très-justes. C'est à qui, depuis lui, a répété ce jugement d'amateur terrible, a fait à Saint-Pierre de Rome ce mauvais compliment. On pourrait en dire autant de notre arc de triomphe de l'Étoile et de quelques autres de nos monuments modernes: «L'arc de l'Étoile, par l'admirable justesse de ses proportions, ne paraît qu'une porte ordinaire; il a la propriété de réduire tout ce qui l'entoure à des dimensions tellement exiguës, que l'avenue des Champs-Élysées paraît un sentier bordé de haies et les voitures qui la parcourent des fourmis qui vont à leurs affaires sur une traînée de sable.» Si c'est là le but de l'art, le mont Blanc est fait pour désespérer tous les architectes, car jamais ils n'arriveront à faire un édifice qui ait à ce degré le mérite de réduire à néant tout ce qui l'entoure. Dans la ville où nous nous évertuons à élever des édifices publics qui ne rappellent en rien l'échelle humaine, percés de fenêtres tellement hors de proportion avec les services qu'elles sont destinées à éclairer, qu'il faut les couper en deux et en quatre par des planchers et des cloisons, si bien que des pièces prennent leurs jours ainsi que l'indique la figure ci-contre (2), ce qui n'est ni beau ni commode; que nous couronnons les corniches de ces édifices de lucarnes avec lesquelles on ferait une façade raisonnable pour une habitation; dans cette même ville, disons-nous, on nous impose (et l'édilité en soit louée!) des dimensions pour les hauteurs de nos maisons et de leurs étages. La raison publique veut qu'on se tienne, quand il s'agit d'édifices privés, dans les limites qu'imposent le bon sens et la salubrité.
Voilà qui n'est plus du tout conforme à la logique, car les édifices publics (ou nous nous abusons étrangement) sont faits pour les hommes aussi bien que les maisons, et nous ne grandissons pas du double ou du triple quand nous y entrons. Pourquoi donc ces édifices sont-ils hors d'échelle avec nous, avec nos besoins et nos habitudes?... Cela est plus majestueux, dit-on. Mais la façade de Notre-Dame de Paris est suffisamment majestueuse, et elle est à l'échelle de notre faiblesse humaine; elle est grande, elle paraît telle, mais les maisons qui l'entourent sont toujours des maisons et ne ressemblent pas à des boîtes à souris, parce que, sur cette façade de Notre-Dame, si grande qu'elle soit, les architectes ont eu le soin de rappeler, du haut en bas, cette échelle humaine, échelle infime, nous le voulons bien, mais dont nous ne sommes pas les auteurs.
ÉCHIFFRE (Mur d'). C'est le mur sur lequel s'appuient les marches d'un escalier, quand ce mur ne dépasse pas les niveaux ressautants du degré (voy. ESCALIER).
ÉCOLE, s. f. Pendant le moyen âge, il y a eu, sur le territoire de la France de nos jours, plusieurs écoles, soit pendant l'époque romane, soit pendant la période gothique. Les écoles romanes sont sorties, la plupart, des établissements monastiques; quelques-unes, comme l'école romane de l'Île-de-France et de Normandie, tiennent à l'organisation politique de ces contrées; d'autres, comme les écoles de la Provence et d'une partie du Languedoc, ne sont que l'expression du système des municipalités romaines qui, dans ces contrées, se conserva jusqu'à l'époque de la guerre des Albigeois; ces dernières écoles suivent, plus que toute autre, les traditions de l'architecture antique. D'autres encore, comme les écoles du Périgord, de la Saintonge, de l'Angoumois et d'une partie du Poitou, ont subi, vers le XIe siècle, les influences de l'art byzantin. On ne compte, dans nos provinces, que quatre écoles pendant la période gothique: l'école de l'Île-de-France, du Soissonnais, du Beauvoisis; l'école bourguignonne; l'école champenoise, et l'école normande (voy., pour les développements, les articles ARCHITECTURE religieuse, monastique, CATHÉDRALE, CLOCHER, CONSTRUCTION, ÉGLISE, PEINTURE, SCULPTURE, STATUAIRE).
ÉCU, s. m. (voy. ARMOIRIES).
ÉGLISE PERSONNIFIÉE, SYNAGOGUE PERSONNIFIÉE. Vers le commencement du XIIIe siècle, les constructeurs de nos cathédrales, se conformant à l'esprit du temps, voulurent retracer sur les portails de ces grands édifices à la fois religieux et civils, non-seulement l'histoire du monde, mais tout ce qui se rattache à la création et aux connaissances de l'homme, à ses penchants bons ou mauvais (voy. CATHÉDRALE). En sculptant sous les voussures de ces portails et les vastes ébrasements des portes les scènes de l'Ancien Testament et celles du Nouveau, ils prétendirent cependant indiquer à la foule des fidèles la distinction qu'il faut établir entre la loi Nouvelle et l'Ancienne; c'est pourquoi, à une place apparente, sur ces façades, ils posèrent deux statues de femme, l'une tenant un étendard qui se brise dans ses mains, ayant une couronne renversée à ses pieds, laissant échapper des tablettes, baissant la tête, les yeux voilés par un bandeau ou par un dragon qui s'enroule autour de son front: c'est l'Ancienne loi, la Synagogue, reine déchue dont la gloire est passée, aveuglée par l'esprit du mal, ou incapable au moins de connaître les vérités éternelles de la Nouvelle loi. L'autre statue de femme porte la couronne en tête, le front levé; son expression est fière; elle tient d'une main l'étendard de la foi, de l'autre un calice; elle triomphe et se tourne du côté de l'assemblée des apôtres, au milieu de laquelle se dresse le Christ enseignant: c'est la loi Nouvelle, l'Église. Ce beau programme était rempli de la façon la plus complète sur le portail de la cathédrale de Paris. Les statues de l'Église et de la Synagogue se voyaient encore des deux côtés de la porte principale, à la fin du dernier siècle, dans de larges niches pratiquées sur la face des contre-forts: l'Église à la droite du Christ entouré des apôtres, la Synagogue à la gauche 60.
Nous ne possédons plus en France qu'un très-petit nombre de ces statues. L'église de Saint-Seurin de Bordeaux a conservé les siennes, ainsi que la cathédrale de Strasbourg. L'Église et la Synagogue manquent parmi les statues de nos grandes cathédrales vraiment françaises, comme Chartres, Amiens, Reims, Bourges; elles n'existent qu'à Paris. On doit observer à ce propos que les statues de l'Église et de la Synagogue, mises en parallèle et occupant des places très-apparentes, ne se trouvent que dans des villes où il existait, au moyen âge, des populations juives nombreuses. Il n'y avait que peu ou point de juifs à Chartres, à Reims, à Bourges, à Amiens; tandis qu'à Paris, à Bordeaux, dans les villes du Rhin, en Allemagne, les familles juives étaient considérables, et furent souvent l'objet de persécutions. La partie inférieure de la façade de Notre-Dame de Paris ayant été bâtie sous Philippe-Auguste, ennemi des juifs, il n'est pas surprenant qu'on ait, à cette époque, voulu faire voir à la