ÉCOLE CHAMPENOISE. C'est une des plus brillantes; elle se développe rapidement, et ses premiers essais sont considérables. Les églises champenoises des Xe et XIe siècles possédaient, comme celles de l'Île-de-France, des nefs couvertes en charpente; alors les sanctuaires seuls étaient voûtés. La grande église abbatiale de Saint-Remy de Reims, d'une étendue peu commune, se composait d'une nef lambrissée avec doubles bas-côtés voûtés à deux étages. Un choeur vaste, avec bas-côtés et chapelles, remplaça, au XIIe siècle, les absides en cul-de-four 72. L'église de Notre-Dame de Châlons-sur-Marne ne portait, sur la nef centrale, que des charpentes. Lorsqu'au XIIe siècle on reconstruisit le choeur de cette église, on éleva des voûtes sur la nef. Les églises importantes de la basse Champagne possèdent, comme celles de l'Île-de-France, des galeries voûtées au-dessus des bas-côtés, comprenant la largeur de ces collatéraux. Au XIIe siècle, on élève, dans la haute Champagne, des églises qui se rapprochent encore davantage de l'architecture antique romaine et qui se fondent dans l'école bourguignonne: telle est, par exemple, la cathédrale de Saint-Mammès à Langres, et plus tard la charmante église de Montiérender, les églises d'Isomes et de Saint-Jean-Baptiste à Chaumont.
ÉCOLE BOURGUIGNONNE. Elle naît chez les clunisiens. Dès le XIe siècle, elle renonce aux charpentes sur les nefs; elle fait, la première, des efforts persistants pour allier la voûte au plan de la basilique antique. Nous en avons un exemple complet dans la nef de l'église abbatiale de Vézelay. Au XIIe siècle, cette école est puissante, bâtit en grands et solides matériaux; elle prend aux restes des édifices antiques certains détails d'architecture, tels que les pilastres cannelés, par exemple, les corniches à modillons; elle couvre le sol d'une grande quantité d'églises dont nous citons seulement les principales: Cluny, Vézelay, la Charité-sur-Loire, d'abord; puis les églises de Paray-le-Monial, de Semur-en-Brionnais, de Châteauneuf, de Saulieu, de Beaune, de Saint-Philibert de Dijon, de Montréale (Yonne), à la fin du XIIe siècle.
L'école bourguignonne abandonne difficilement les traditions romanes, et pendant que déjà on construisait, dans l'Île-de-France et la basse Champagne, des églises qui présentent tous les caractères de l'architecture gothique, on suivait en Bourgogne, avec succès, les méthodes clunisiennes en les perfectionnant.
ÉCOLE AUVERGNATE. Elle peut passer pour la plus belle école romane; seule, elle sut, dès le XIe siècle, élever des églises entièrement voûtées et parfaitement solides; aussi, le type trouvé, elle ne s'en écarte pas. À la fin du XIe siècle et pendant le XIIe, on bâtissait, dans cette province, l'église de Saint-Paul d'Issoire, la cathédrale du Puy-en-Vélay, les églises de Saint-Nectaire, de Notre-Dame-du-Port (Clermont), de Saint-Julien de Brioude, et quantité de petits monuments à peu près tous conçus d'après le même principe. Cette école s'étendait, au nord, jusque sur les bords de l'Allier, à Ébreuil, à Châtel-Montagne, à Cogniat, jusqu'à Nevers dans la construction de l'église de Saint-Étienne; au sud, jusqu'à Toulouse (église de Saint-Sernin), et même jusqu'à Saint-Papoul.
ÉCOLE POITEVINE. Très-féconde en monuments, à cause de la quantité et de la qualité des matériaux calcaires, cette école est moins avancée que l'école auvergnate; elle possède à un degré moins élevé le sentiment des belles dispositions. Comme cette dernière, elle sut bâtir des églises voûtées durables, dès le XIe siècle, en contre-buttant les voûtes en berceau des grandes nefs par celles des collatéraux, mais sans les galeries de premier étage des églises d'Auvergne, c'est-à-dire que les églises romanes du Poitou se composent généralement de trois nefs à peu près égales en hauteur sous clef, voûtées au moyen de trois berceaux, celui central plus large que les deux autres; tandis que les églises auvergnates comprennent des collatéraux voûtés en arêtes, avec galeries supérieures voûtées en demi-berceaux, contre-buttant le berceau central 73. Dans le Poitou, et en Auvergne très-anciennement, les sanctuaires sont entourés d'un bas-côté avec chapelles rayonnantes, comme dans l'église de Saint-Savin près Poitiers, qui date du XIe siècle, dans l'église haute de Chauvigny (commencement du XIIe siècle). L'école poitevine se soumet à des influences diverses. En dehors du principe décrit ci-dessus, elle admet le système des coupoles de l'école de la Saintonge et du Périgord, comme dans la construction de l'église Saint-Hilaire de Poitiers, et dans celle de Sainte-Radegonde, comprenant une seule nef. Au XIIe siècle, l'école de l'Ouest (du Périgord et de la Saintonge) eut une si puissante influence qu'elle étouffa non-seulement l'école poitevine, mais qu'elle pénétra jusque dans le Limousin et le Quercy au sud, et, au nord, jusque dans l'Anjou et le Maine.
ÉCOLE DU PÉRIGORD. Son type primitif se trouve à Périgueux dans l'ancienne cathédrale de cette ville, et dans l'église abbatiale de Saint-Front; c'est une importation byzantine 74. Le principe de cette école est celui de la coupole portée sur pendentifs. Dans un temps où la plupart des écoles romanes en France ne savaient trop comment résoudre le problème consistant à poser des voûtes sur les plans de la basilique antique, cette importation étrangère dut avoir et eut en effet un grand succès. On abandonna donc, dans les provinces de l'Ouest, pendant les XIe et XIIe siècles, sauf de rares exceptions, le plan romain pour adopter le plan byzantin. Les provinces plus particulièrement attachées aux traditions latines, comme l'Île-de-France, la Champagne et la Bourgogne, résistèrent seules à cette nouvelle influence et poursuivirent la solution du problème posé, ce qui les conduisit au système de construction gothique. Outre les deux types que nous venons de citer, l'école du Périgord présente une quantité prodigieuse d'exemples d'églises dérivées de ces types. Nous nous bornerons à en citer quelques-uns: la cathédrale de Cahors, l'église abbatiale de Souillac (XIe siècle), celle de Solignac, la cathédrale d'Angoulême, les églises de Saint-Avit-Seigneur, du Vieux-Mareuil, de Saint-Jean de Cole, de Trémolac, l'église abbatiale de Fontevrault (XIIe siècle), et la majeure partie des petites églises de la Charente.
ÉCOLE NORMANDE. Les églises normandes antérieures au XIIe siècle étaient couvertes par des charpentes apparentes, sauf les sanctuaires, qui étaient voûtés en cul-de-four. C'est d'après ce principe que furent élevées les deux églises abbatiales de Saint-Étienne et de la Trinité à Caen 75, fondées par Guillaume le Bâtard et Mathilde sa femme. Ces dispositions primitives se retrouvent dans un assez grand nombre d'églises d'Angleterre, tandis qu'en France elles ont été modifiées dès le XIIe siècle; les voûtes remplacèrent les anciennes charpentes. Les Normands furent bientôt d'habiles et actifs constructeurs; aussi leurs églises des XIe et XIIe siècles sont-elles grandes, si on les compare aux églises de l'Île-de-France; les nefs sont allongées, ainsi que les transsepts; les choeurs ne furent enveloppés de bas-côtés que vers le milieu du XIIe siècle.
Ces écoles, diverses par leurs origines et leurs travaux, progressent chacune de leur côté jusqu'au moment où se fait sentir l'influence de la nouvelle architecture de l'Île-de-France et de la Champagne, l'architecture gothique.
L'architecture gothique est une des expressions les plus vives des sentiments des populations vers l'unité. En effet, peu après sa naissance, nous voyons les écoles romanes (dont nous n'avons indiqué que les divisions principales) s'éteindre et accepter les nouvelles méthodes adoptées par les architectes du domaine royal. Cependant, au commencement du XIIIe siècle, on distingue encore trois écoles bien distinctes: l'école de l'Île-de-France, qui comprend le bassin de la Seine entre Montereau et Rouen, ceux de l'Oise et de l'Aisne entre Laon, Noyon et Paris, le bassin de la Marne entre Meaux et Paris et une partie du bassin de la Somme; l'école champenoise, qui a son siége à Reims, et l'école bourguignonne, qui a son siége à Dijon.
L'école gothique normande ne se développe que plus tard, vers 1240, et son véritable siége est en Angleterre.
La passion de bâtir des églises, de 1200 à 1250, fut telle au nord de la Loire, que non-seulement beaucoup de monuments romans furent détruits pour faire place à de nouvelles constructions, mais encore que l'on modifia, sans autre raison que l'amour de la nouveauté, la plupart des édifices