Le chemin qui descend. Ardel Henri. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Ardel Henri
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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amusée de l'irritation qu'elle devinait chez son sévère interlocuteur.

      Leurs rapports étaient tout particuliers. Elle aussi l'estimait. Mais résolument, en toute occasion, elle s'insurgeait contre son intransigeance autoritaire qui la choquait, elle si indépendante et de pensée si souple; contre son austérité qu'il eût voulu voir partagée par tous, comme la source d'un bonheur né du renoncement à la joie de vivre.

      Très souvent, elle le choquait; quelquefois même elle le blessait; mais toujours elle l'intéressait, alors même qu'elle l'irritait jusqu'à l'exaspération. Seulement, combien de plus en plus, elle lui paraissait inquiétante! Il reprit:

      – J'espère bien, moi, que vous êtes toujours la même, très généreuse quoi que vous en disiez… Car j'ai besoin de votre concours.

      – Pour?

      – Pour venir faire entendre un peu de musique à mon cercle ouvrier.

      La même obscure rébellion, qu'elle ne s'expliquait pas, frémit au cœur de Claude. Aller retrouver là, encore, cette atmosphère de pauvreté dont il semblait que, peu à peu, le dégoût lui venait! Pourtant, plusieurs fois déjà, et de très bon cœur, elle avait été ainsi donner à des humbles, l'aumône de son talent. Elle avait aimé la ferveur de leurs applaudissements… Alors qu'avait-elle donc?..

      Bravement, peut-être parce qu'au passage, elle rencontrait le regard lumineux d'Élisabeth, elle domina tout de suite la honteuse impression:

      – Je serai à votre disposition, Étienne, le soir où vous voudrez.

      – Bien. Merci beaucoup, Claude. Je vous dirai, ces jours-ci, la date exacte du concert. Croyez-vous que votre amie, Rita Delviani, consentirait à chanter?

      – Étienne, vous m'en demandez trop long. Mais Rita viendra, je pense, tout à l'heure. Vous pourrez lui adresser vous-même votre requête… Tenez, les dieux sont pour vous, la voilà justement!.. Ah! Sonia aussi!..

      En effet, la porte venait encore de s'ouvrir devant deux nouvelles visiteuses très différentes d'aspect: une superbe créature, grande, très forte, des yeux de velours sombre, une bouche délicieuse sur des dents de bébé, un air joyeux de bonne fille qui goûte la vie avec des lèvres gourmandes, Rita Delviani, la chanteuse dont la voix était d'un admirable métal.

      L'autre, Sonia Lavernoff, une Russe, étudiante en médecine, d'une vingtaine d'années, qui avait des yeux clairs de mystique, dans un masque rude. Insouciante de la pauvreté, elle poursuivait ses études pour atteindre les grades qui lui permettraient de s'en aller exercer un ministère charitable dans une région perdue de la Russie.

      Claude lui serra amicalement la main car elle admirait fort sa valeur morale; tandis que Étienne Hugaye évoluait pour se rapprocher de Rita. Il la savait très généreuse, toujours prête à faire, pour les malheureux, le don de sa belle voix; et, à cause de cela, il lui pardonnait les allures que sa rigidité et son éducation condamnaient.

      Il dut attendre un peu pour l'aborder. Après avoir gaiement pris contact avec Élisabeth et ses hôtes, elle était revenue à Claude et demandait:

      – Claude, ma petite, voulez-vous, dimanche prochain, venir jouer dans un concert à Rouen? Je chante. Nous partirions le matin avec la troupe des artistes. Ce n'est pas bien avantageux… Mais vous savez mon principe. Quand on débute, il faut surtout se faire connaître; donc ne jamais refuser une occasion d'être entendue. Le cachet n'est pas fort, mais le voyage est payé… Ça vous tente-t-il?

      – Bien sûr! fit Claude, rieuse. Rien que le voyage me tenterait… C'est si amusant de remuer!.. Expliquez-moi ce qu'il faudrait jouer…

      Rita, très volontiers, se mit en devoir d'expliquer. Mais elles furent interrompues par une exclamation du professeur Delbeau:

      – Est-ce que nous n'allons pas avoir un peu de musique?.. Les deux artistes seraient bien aimables de ne pas s'absorber dans leur aparté.

      Le petit journaliste hirsute avait aussitôt dressé la tête, abandonnant les «logements ouvriers». Ses yeux vifs regardaient avec envie le groupe des deux jeunes femmes qui, en riant, terminaient sans façon leurs arrangements.

      Puis Rita se rapprocha:

      – Docteur, qu'est-ce qu'il vous faut?.. Du chant?.. du violon?

      – Tous les deux.

      – Quelle gourmandise…! Claude, voulez-vous jouer seule, d'abord… parce que, moi aussi, j'ai envie de vous écouter… pour me mettre en train…

      Elle s'était assise au piano. Claude vint se placer près d'elle… Et elles commencèrent. Alors, instantanément, les conversations cessèrent. Tous, même les pures intellectuelles comme Mme Albran, étaient saisis par la magie des sons. Étienne écoutait, son cerveau d'observateur se prenant, une fois de plus, à chercher le mystère d'une personnalité que ne livrait guère cette troublante Claude. Le petit journaliste semblait hypnotisé; son regard ne quittait point les artistes. Les yeux mystiques de Sonia rêvaient; et ceux de Lily détaillaient le visage de Claude, devenu ardent et grave, notaient le mouvement harmonieux du bras qui faisait frémir l'archet.

      A travers la maison où, une heure plus tôt, montaient les plaintes de la souffrance, s'épandaient maintenant les sonorités du chant qui s'élevait pareil à une voix humaine, toute vibrante d'une passion d'abord contenue, puis épanouie dans une allégresse triomphante.

      Quand Claude se tut, laissant retomber son archet, Rita se tourna vers elle, avec l'exclamation qui était dans toutes les pensées:

      – Ma petite, vous avez encore fait des progrès depuis cet été!

      Les paroles se croisaient, tandis que Claude, une faible lueur pourpre sur les joues, reposait son violon d'un geste presque tendre, elle si peu démonstrative. Elle souriait parce que Rita poursuivait drôlement:

      – Vous savez, Claude, vous devenez dangereuse, au moral s'entend, pour vos auditeurs! Vous avez un jeu qui rend tout prêt à la chute… s'il y a occasion!

      Rita Delviani ne se doutait pas qu'en ce moment même, le docteur Delbeau disait à Élisabeth:

      – Comme elle joue, cette gamine! Elle n'a plus rien d'une écolière. C'est une vraie femme. Mon amie, gare à l'éveil! Il est tout proche.

      – L'éveil?.. Oh! pas encore, j'espère.

      – Vous espérez? Pourquoi? C'est beau, le développement normal de l'être.

      – Très beau… oui… Mais si inquiétant aussi! Ah! comme nos enfants nous échappent vite.

      – Toujours l'évolution, l'inévitable évolution!

      Encore une fois, pensivement, elle fit «oui». Le docteur la regardait, trop observateur pour n'être pas perspicace; mais aussi, trop discret pour lui laisser voir qu'il percevait en elle une obscure préoccupation au sujet de Claude; et amical, il dit seulement, tout haut:

      – Pour votre tranquillité… – et celle de Claude! – tâchez de n'être pas ainsi «mère poule». Vous avez élevé cette petite, donc elle doit être bien trempée… Vous l'avez élevée – et Dieu sait que je vous en approuve! – de façon à lui permettre d'acquérir une personnalité. Eh bien, cette personnalité est en train de se révéler. Voilà tout! Il ne faut pas vous en plaindre!

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