– Des hommes en cet endroit? s'écria le reporter.
– Évitons de nous montrer avant de savoir à qui nous avons affaire, répondit Cyrus Smith. Je redoute plutôt les indigènes, s'il y en a sur cette île, que je ne les désire. Où est Top?
– Top est en avant.
– Et il n'aboie pas?
– Non.
– C'est bizarre. Néanmoins, essayons de le rappeler.»
En quelques instants, l'ingénieur, Gédéon Spilett et Harbert avaient rejoint leurs deux compagnons, et, comme eux, ils s'effacèrent derrière des débris de basalte. De là, ils aperçurent, très visiblement, une épaisse fumée, montant au-dessus d'une épaisse broussaille.
Les colons, immobiles, attendaient avec une certaine anxiété le résultat de cette exploration, quand un appel de Cyrus Smith les fit accourir. Ils le rejoignirent aussitôt, et furent tout d'abord frappés de l'odeur désagréable qui imprégnait l'atmosphère.
«Ce feu, dit-il, ou plutôt cette fumée, c'est la nature seule qui en fait les frais[22]. Il n'y a là qu'une source sulfureuse, qui nous permettra de traiter efficacement nos laryngites.
– Bon! s'écria Pencroff. Quel malheur que je ne sois pas enrhumé!»
Les colons se dirigèrent alors vers l'endroit d'où s'échappait la fumée. Là, ils virent une source sulfurée sodique, qui coulait assez abondamment entre les roches, et dont les eaux dégageaient une vive odeur d'acide sulfhydrique, après avoir absorbé l'oxygène de l'air[23].
Cyrus Smith, y trempant la main, trouva ces eaux onctueuses au toucher[24]. Il les goûta, et reconnut que leur saveur était un peu douceâtre. Quant à leur température, il l'estima à quatre-vingt-quinze degrés Fahrenheit (35° centigrades au-dessus de zéro). Et Harbert lui ayant demandé sur quoi il basait cette évaluation:
«Tout simplement, mon enfant, dit-il, parce que, en plongeant ma main dans cette eau, je n'ai éprouvé aucune sensation de froid ni de chaud. Donc, elle est à la même température que le corps humain, qui est environ de quatre-vingt-quinze degrés.»
Puis, la source sulfurée n'offrant aucune utilisation actuelle, les colons se dirigèrent vers l'épaisse lisière de la forêt, qui se développait à quelques centaines de pas.
Les explorateurs étaient arrivés sur la rive occidentale du lac Grant.
«Il est vraiment beau! ce lac, dit Gédéon Spilett. On vivrait sur ses bords!
– On y vivra!» répondit Cyrus Smith.
Pour revenir aux cheminées, il suffisait de traverser obliquement le plateau sur un espace d'un mille et de redescendre jusqu'au coude formé par le premier détour de la Mercy.
Chapitre 13
Le lendemain matin, l'ingénieur Cyrus Smith et ses compagnons se retrouvèrent sur le terrain, prêts à entamer les travaux. Pencroff, toujours prompt à l'action, demanda: «Par où allons-nous commencer?». L'ingénieur, posant son regard attentif sur la situation, répondit: «Par le commencement».
Les colons étaient confrontés à une tâche herculéenne. Ils devaient tout créer à partir de rien, fabriquer les outils nécessaires à leur survie, transformer les ressources naturelles en moyens de subsistance. Le temps leur était compté, et ils devaient agir avec célérité pour répondre aux exigences de leur existence.
Cependant, ils étaient animés d'une détermination sans faille[25]. Cyrus Smith avait réuni une équipe de compagnons dévoués et compétents. Gédéon Spilett, le reporter aux talents multiples, prêt à s'investir pleinement dans la colonisation de l'île. Harbert, le jeune érudit, déjà instruit dans les sciences naturelles, apportant sa contribution précieuse. Nab, l'homme dévoué et polyvalent, maîtrisant diverses compétences utiles à la colonie. Et Pencroff, le marin aux multiples talents, possédant une expérience variée et une habileté inégalée.
Avec une équipe aussi solide, l'ingénieur Cyrus Smith savait qu'ils étaient prêts à affronter tous les défis. Ils se mirent donc au travail, déterminés à réussir. La première étape consistait à construire un four pour transformer les matières premières.
Pencroff demanda alors: «À quoi servira ce four?». Cyrus Smith expliqua qu'il serait utilisé pour fabriquer la poterie dont ils avaient besoin. Mais pour construire le four, ils devaient d'abord fabriquer des briques.
Le groupe se mit donc en route, avec Nab chargé d'apporter les provisions nécessaires. Sur leur chemin, ils découvrirent un arbre dont les branches pouvaient servir à fabriquer des arcs. Ils collectèrent également des matériaux pour les flèches et commencèrent à préparer les briques à partir de l'argile du sol.
Le travail était laborieux mais essentiel. Ils s'efforcèrent de produire autant de briques que possible, malgré les défis rencontrés. Pendant ce temps, Cyrus Smith entreprit une observation astronomique importante pour déterminer la position exacte de l'île.
Les jours suivants furent consacrés à la collecte de combustible, à la chasse pour se procurer de la nourriture, et à la poursuite des travaux de construction. Ils firent face à des défis inattendus, comme la rencontre avec un animal sauvage ressemblant à un jaguar.
Malgré les dangers, leur détermination ne faiblit pas. Ils continuèrent à travailler ensemble, surmontant les obstacles avec courage et ingéniosité. Chaque petit succès était célébré comme une victoire, renforçant leur résolution à réussir dans leur nouvelle vie sur l'île.
Enfin, après des jours d'efforts acharnés, le premier pot-au-feu fut préparé, symbolisant non seulement un repas chaud et réconfortant, mais aussi le fruit de leur travail collectif et de leur persévérance.
Le soir du 15 avril, après une journée bien remplie, les colons se réunirent pour profiter d'un repas ensemble. Ils partagèrent des histoires et des rires, savourant chaque moment de camaraderie et de solidarité.
Alors que la nuit tombait, Cyrus Smith eut une idée. Il décida de profiter de la clarté du ciel pour effectuer une observation astronomique afin de déterminer la latitude de l'île. Avec son ingéniosité habituelle, il improvisa un instrument pour mesurer la hauteur des étoiles au-dessus de l'horizon, utilisant les ressources disponibles sur l'île.
Cyrus Smith dirigea une branche de son compas de bois sur l'horizon de mer, l'autre sur alpha et l'ouverture des deux branches lui donna la distance angulaire qui séparait alpha de l'horizon[26]. Afin de fixer l'angle obtenu d'une manière immutable, il piqua, au moyen d'épines, les deux planchettes de son appareil sur une troisième placée transversalement, de telle sorte que leur écartement fût solidement maintenu.
Ces calculs furent remis au lendemain, et, à dix heures, tout le monde dormait profondément.
Chapitre 14
Le lendemain, 16 avril, – dimanche de Pâques, – les colons sortaient des Cheminées au jour naissant, et procédaient au lavage de leur linge et au nettoyage de leurs vêtements. L'ingénieur comptait fabriquer du savon dès qu'il se serait procuré les matières premières nécessaires à la saponification, soude ou potasse, graisse ou huile.
Il s'agissait de compléter les éléments des observations de la veille, en mesurant la hauteur du plateau de Grande-Vue au-dessus du niveau de la mer.
«Ne vous faut-il pas un instrument analogue à celui qui vous a servi hier? demanda Harbert à l'ingénieur.
– Non, mon enfant, répondit celui-ci, nous allons procéder autrement, et