Baccara. Hector Malot. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Hector Malot
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066089610
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sincèrement, c'est tentrement qu'il aime et bour lui ce n'est pas un mariage de convenance, c'est un mariage d'inclination. Bour moi, je vous prie d'insister sur l'honneur que nous attachons à unir notre famille à la vôtre. Je veux vous barler franchement, à coeur ouvert; je n'ai pas d'ampition et ne recherche pas une alliance avec M. Ateline parce qu'il est député et sera un jour ou l'autre ministre; je suis técoré et n'ai rien à attendre du gouvernement; quant à la situation de nos affaires, elle est ponne; là où d'autres berdent de l'argent, nous en gagnons; les inventaires vous le brouferont, quand nous pourrons vous les communiquer, vous verrez, vous verrez qu'elle est ponne.

      Il se frotta les mains:

      —Elle est ponne, elle est ponne; la maison Eck et Debs est organisée pour bien marcher, elle marchera et durera tant qu'il y aura un Eck, tant qu'il y aura un Debs pour la soutenir. Et je ne crois pas que la graine en manque de sitôt. Donc, ce que nous cherchons uniquement dans ce mariage, c'est l'honneur d'être de fotre famille: le père Eck ne fiffra pas toujours; les fils, les neveux le remplaceront, et alors, est-ce que ce serait une mauvaise raison sociale: Eck et Debs-Ateline? La fieille maison continuerait; le fieil arbre repousserait avec des rameaux nouveaux; les enfants de Michel seraient des Ateline.

      Sur ce mot, il se leva.

      —Vous n'attendez pas mon mari? demanda madame Adeline.

      —Non; je remets notre cause entre vos mains, elle sera mieux blaidée que je ne la blaiderais moi-même.

      Ils rentrèrent dans le bureau, où ils trouvèrent Léonie, la figure épanouie par un éclat de rire.

      —Je fois qu'on s'est amusé, dit le père Eck, on a taillé une ponne pafette.

      —C'est M. Michel qui nous fait rire, dit Léonie.

      —Il est pien heureux, Michel, de faire rire les cholies filles; et qu'est-ce donc qu'il vous contait?

      —Il nous apprenait pourquoi les Carthaginois mettaient des gants; le savez-vous, monsieur Eck?

      —Ma foi, non, matemoiselle; de mon temps, les sciences historiques n'étaient pas aussi avancées que maintenant, et nous ne savions pas que les Carthaginois se cantaient.

      —Ils se gantaient parce qu'ils craignaient les Romains.

      —Ah! vraiment? dit le père Eck qui n'avait pas compris.

      —Pardonnez-moi, madame, dit Michel en s'adressant avec un sourire d'excuse à madame Adeline, mademoiselle Léonie faisait un devoir sur Annibal qui ne l'amusait pas beaucoup; j'ai voulu l'égayer. Je crois que maintenant elle n'oubliera plus Annibal.

      —M. Michel sait trouver un mot agréable pour chacun, dit la maman.

      Madame Adeline regardait sa fille dans les yeux, et à leur éclat il était évident que, pour Berthe aussi, Michel avait trouvé quelque chose d'agréable,—mais à coup sûr de moins enfantin que pour Léonie. L'aimait-elle donc?

      V

      L'oncle et le neveu partis, madame Adeline ne reprit pas son travail; elle n'avait plus la tête aux chiffres; et, d'ailleurs, le temps avait marché.

      On quitta le bureau, Berthe roula sa grand'mère dans la salle à manger, et madame Adeline, qui, pour diriger la fabrique, n'en surveillait pas moins la maison, alla voir à la cuisine si tout était prêt pour servir quand le maître arriverait, puis elle revint dans la salle à manger attendre.

      —Comment va le cartel? demanda la Maman; est-ce qu'il n'avance pas?

      —Non, grand'mère, répondit Berthe, il va comme Saint-Étienne.

      —Comment ton père n'est-il pas arrivé? aurait-il manqué le train?

      Cela fut dit d'une voix qui tremblait, avec une inquiétude évidente, en regardant sa belle-fille, qui, elle aussi, montrait une impatience extraordinaire.

      Tout le monde avait l'oreille aux aguets; on entendit des pas pressés dans la cour, Berthe courut ouvrir la porte du vestibule.

      Presque aussitôt Adeline entra dans la salle à manger, tenant dans sa main celle de sa fille; tout de suite il alla à sa mère, qu'il embrassa, puis, après avoir embrassé aussi sa femme et Léonie, il se débarrassa de son pardessus, qu'il donna à Berthe, et de son chapeau, que lui prit Léonie.

      Alors il s'approcha de la cheminée où, sur des vieux landiers en fer ouvragé, brûlaient de belles bûches de charme avec une longue flamme blanche.

      —Brrr, il ne fait pas chaud, dit-il en passant ses deux mains largement ouvertes devant la flamme.

      Sa mère et sa femme le regardaient avec une égale anxiété, tâchant de lire sur son visage ce qu'elles n'osaient pas lui demander franchement; ce visage épanoui, ces yeux souriants ne trahissaient aucun tourment.

      Tout à coup, il se redressa vivement; déboutonnant sa jaquette, il fouilla dans sa poche de côté et en tira cinq liasses de billets de banque qu'il tendit à sa femme:

      —Serre donc cela, dit-il.

      La Maman laissa échapper un soupir de soulagement; madame Adeline ne dit rien, mais à l'empressement avec lequel elle prit les billets et à la façon dont elle les pressa entre ses doigts nerveux, on pouvait deviner son émotion et son sentiment de délivrance.

      Aussitôt que madame Adeline revint dans la salle à manger; on se mit à table.

      Bien entendu, ce soir-là les affaires personnelles passèrent avant la politique, et la Maman fut la première à mettre la conversation sur les frères Bouteillier:

      —Comment une maison aussi vieille, aussi honorable, a-t-elle pu en arriver à cette catastrophe?

      —L'ancienneté et l'honorabilité ne sauvent pas une maison, répondit Adeline, c'est même quelquefois le contraire qu'elles produisent.

      Cela fut dit avec une amertume qui frappa d'autant plus qu'ordinairement il était d'une extrême bienveillance, prenant les choses, même les mauvaises, avec l'indulgence d'une douce philosophie, en homme qui, ayant toujours été heureux, ne se fâche pas pour un pli de rose, convaincu que celui qui le gêne aujourd'hui sera effacé demain.

      Il est vrai qu'il n'insista pas et qu'il se hâta même d'atténuer ce mot qui lui avait échappé: la catastrophe qui frappait les Bouteillier n'était pas ce qu'on avait dit tout d'abord: c'était une suspension de payement, non une banqueroute avec insolvabilité complète; il paraissait même certain que les payements reprendraient bientôt et qu'on perdrait peu de chose avec eux.

      Cela ramena la sérénité sur les visages et acheva ce que les cinq liasses de billets de banque avaient commencé; la conversation, d'abord tendue et sur laquelle pesait un poids d'autant plus lourd qu'on ne voulait pas s'expliquer franchement, reprit son cours habituel.

      —Quoi de nouveau ici? demanda Adeline.

      —Nous venons d'avoir la visite de M. Eck et de Michel Debs, répondit madame Adeline.

      —Et qu'est-ce qu'il voulait, le père Eck? dit Adeline d'un ton indifférent en se versant à boire.

      Cette question fit relever la tête à la Maman, qui maintenant qu'elle était débarrassée de l'angoisse de la faillite Bouteillier, se demandait ce que signifiaient cette visite et ce tête-à-tête avec sa bru. Pourquoi le père Eck n'avait-il pas parlé devant elle? A son âge, ce juif n'aurait-il pas pu avoir le respect de la vieillesse?

      —Je te conterai cela après dîner, dit madame Adeline.

      —Si je suis de trop, je puis me retirer dans ma chambre, dit la Maman avec une dignité blessée.

      —Oh! Maman! s'écria Adeline.

      —Vous savez bien que