—Qu'y a-t-il à comprendre?
La pureté glaciale de deux impassibles prunelles interloqua un instant le prince Otto.
Il reprit:
—Qu'est-ce que vous disait donc tantôt mon cousin Renaud?
—Je lui demandais des nouvelles de Paris, monseigneur.
—Ah! Paris! Paris!… murmura le prince d'un ton pénétré (et Dieu sait quelles images ce mot faisait lever dans sa mémoire!) J'y vais le mois prochain…
Et il souffla à l'oreille de Frida:
—Voulez-vous y venir?
—Où?
—A Paris.
—Je ne demanderais pas mieux, dit Frida, affectant de rire.
—Et si je vous prenais au mot? Ne faites donc pas cette figure… Ce que je vous propose n'a rien d'extraordinaire… Je vous connais mieux que vous ne croyez, mademoiselle de Thalberg. Vous êtes très intelligente, d'esprit indépendant, même… au fond… un peu révolutionnaire… Vous savez ce que valent la plupart des conventions qui règlent la conduite des femmes. Je n'imagine pas que vous trouviez des charmes bien puissants dans les fonctions de demoiselle d'honneur de la princesse royale ni que vous ayez l'intention d'y passer votre vie. D'autre part, vous êtes de bonne maison, mais sans fortune, et tout ce que vous pouvez espérer, c'est d'être épousée par quelque antique gentilhomme dont vous serez la garde-malade. C'est une destinée mélancolique… Dans ces conditions, quel mal verriez-vous à jouir d'une liberté dont nul préjugé, je le sais, ne vous interdit l'usage et à accompagner, en bonne camarade, un homme qui vous est absolument dévoué?
Insensiblement, il avait poussé Frida, devant lui, dans un coin du salon. La jeune fille s'était assise et, tout en jouant de son éventail de l'air le plus indifférent du monde:
—Dites-moi, monseigneur, si mon grand-oncle le marquis de Frauenlaub n'avait présentement quatre-vingts ans, si je n'étais seule au monde et sans autre défenseur naturel que le roi, dont vous savez bien que je n'implorerai pas le secours, auriez-vous osé me parler comme vous venez de le faire?
—Des phrases!… dit Otto. Je vous croyais plus intelligente.
—C'est vous qui raisonnez mal, monseigneur. A supposer que j'eusse l'âme révolutionnaire que vous voulez bien me prêter, quels sentiments croyez-vous que pût m'inspirer un prince de votre espèce et qui vivrait comme vous vivez?
Elle détachait et martelait les mots, tranquillement méprisante. Il se remit à ricaner:
—Vous êtes gentille quand vous êtes en colère.
—Je ne vous ai donné aucun droit de me parler sur ce ton, monseigneur.
—Je vous parle en bon garçon… Si vous le prenez comme ça, mettons que je n'ai rien dit. Ce que je vous ai proposé ne devient une offense que lorsque c'est mal reçu; autrement, c'est un hommage, et dame! je ne pouvais pas savoir comment vous le recevriez. N'en parlons donc plus. Je ne vous en veux pas. On m'avait bien dit que j'arriverais trop tard, et je sais trop ce qu'on doit à un frère aîné…
Frida se leva vivement et, toute frémissante d'indignation:
—Vous m'outragez lâchement, monseigneur.
—Voilà une parole de trop, mademoiselle de Thalberg, dit le prince Otto, en s'inclinant avec un mauvais sourire.
Quand il se redressa, son frère était devant lui.
—Je te dérange? dit Hermann.
—Pas du tout. Et, tiens! je te la rends, dit Otto en désignant du regard
Frida, qui regagnait la porte de la terrasse…
La princesse Wilhelmine, assise au milieu d'un cercle de dames de la cour et de femmes de ministres et de chambellans, avait suivi de loin le manège d'Otto avec Frida de Thalberg. Elle avait vu qu'Hermann les observait de son côté avec une impatience mal contenue, et, lorsqu'il était intervenu, une ombre avait passé sur le calme visage de la princesse royale.
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