hommes faits, tout fut passé au fil du sabre; et Mohammad, aussi lâche que barbare, fit ériger sous ses yeux, pour monument de sa victoire, une pyramide de toutes les têtes de ces infortunés: on assure qu'elles passaient 1200. Cette catastrophe, arrivée le 19 mai 1776, répandit la terreur dans tout le pays. Le chaik Dâher même s'enfuit d'Acre, où son fils Ali le remplaça. Cet Ali, dont la Syrie célèbre encore l'active intrépidité, mais qui en a terni la gloire par ses révoltes perpétuelles contre son père; cet Ali crut que Mohammad, avec qui il avait fait un traité, le respecterait; mais le Mamlouk, arrivé aux portes d'Acre, lui déclara que, pour prix de son amitié, il voulait la tête de Dâher même. Ali, trompé, rejeta le parricide, et abandonna la ville aux Égyptiens; ils la pillèrent complètement: à peine les négociants français furent-ils épargnés; bientôt même ils se virent dans un danger affreux. Mohammad, instruit qu'ils étaient dépositaires des richesses d'Ybrahim, Kiâya de Dâher, leur déclara que s'ils ne les restituaient, il les ferait tous égorger. Le dimanche suivant était assigné pour cette terrible recherche, quand le hasard vint les délivrer, eux et la Syrie, de ce fléau. Mohammad, saisi d'une fièvre maligne, périt en 2 jours à la fleur de l'âge
89. Les chrétiens de Syrie sont persuadés que cette mort fut une punition du prophète Élie, dont il viola l'église sur le Carmel. Ils racontent même que, dans son agonie, il le vit plusieurs fois sous la forme d'un vieillard, et qu'il s'écriait sans cesse:
Otez-moi ce vieillard qui m'assiége et m'épouvante. Mais ceux qui approchèrent de ce général dans ses derniers moments, ont rapporté au Kaire, à des personnes dignes de foi, que cette vision, effet du délire, avait son origine dans le souvenir de meurtres particuliers, et que la mort de Mohammad fut due aux causes bien naturelles d'un climat connu pour malsain, d'une chaleur excessive, d'une fatigue immodérée et des soucis cuisants que lui avait causés le siége de Yâfa. Il n'est pas hors de propos de remarquer à ce sujet, que si l'on écrivait l'histoire des chrétiens de Syrie et d'Égypte, elle serait aussi remplie de prodiges et d'apparitions qu'au temps passé.