Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal, Volume 2. Charles Athanase Walckenaer. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Charles Athanase Walckenaer
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Биографии и Мемуары
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aux sermons.—Pièce de Quinault qui renferme tous les genres.—Mariages et visites de princes étrangers; fêtes à cette occasion.—Le roi recevait des fêtes et en donnait.—Il dansait dans les ballets.—Carrousel pendant le carême.—Les ducs de Candale et de Guise s'y font remarquer.—Goût pour les devises, partagé par madame de Sévigné.—Elle ne quitte point Paris ni les environs.—Le maréchal de La Meilleraye ouvre les états généraux de Bretagne.—Mariage de mademoiselle de La Vergne avec le comte de La Fayette.—Madame de Sévigné se livre aux plaisirs du monde, et résiste à toutes les séductions.—Occupations de mademoiselle de Montpensier pendant son exil.—Madame de Sévigné va lui rendre visite à son château de Saint-Fargeau.

      La victoire d'Arras et la continuité des succès de Turenne pendant toute la campagne34 firent naître dans la capitale et dans tout le royaume une sécurité que ne purent troubler ni les écrits que Retz publia pour sa défense, ni les résistances de son vicaire Chassebras, secrètement appuyées par les solitaires de Port-Royal et par leurs nombreux amis35.

      On se livra aux plaisirs et à la joie que le retour du jeune roi dans la capitale, après ses campagnes, ne manquait jamais de ramener; et ce fut avec une chaleur, une unanimité qui surpassèrent encore celles de toutes les années précédentes36. Les occasions ne manquèrent pas: l'entrée dans Paris du comte d'Harcourt, qui ressembla à une pompe triomphale; les fiançailles du fils du duc de Modène avec une des filles de Martinozzi, nièce du cardinal37; l'arrivée de ce même duc et celle du duc de Mantoue38; du duc François, frère du duc de Lorraine; de la princesse d'Orange39; le mariage d'une des demoiselles de Mortemart40 avec le marquis de Thianges; celui de la Ferté; celui de Loménie de Brienne41, fils du ministre d'État, avec la seconde fille de Chavigny, fournirent des occasions fréquentes au roi et à Mazarin de donner des festins et des fêtes et d'en recevoir42. Non-seulement le jeune monarque ne dédaignait pas d'accepter des invitations qui lui étaient faites, mais il dansait et jouait dans les ballets qui faisaient partie des fêtes qu'on lui donnait, comme dans ceux qu'il faisait représenter à sa cour. Il y fit jouer trois nouveaux ballets, qui tous furent d'une richesse d'exécution que l'on crut ne pouvoir jamais être égalée43. Cependant le dernier, intitulé Psyché, surpassa les deux autres en magnificence. Un essaim de beautés y figuraient avec le roi et l'élite des meilleurs artistes: Fouilloux et Menneville, qu'on nommait toujours ensemble quand il fallait citer des modèles de grâce; cette belle duchesse de Roquelaure, dont nous avons fait connaître la tragique destinée; la douce et mélancolique Manicamp, qui ne se prêtait plus que par obéissance à ces jeux mondains, et qui se fit carmélite aux jours saints; puis la folâtre Villeroy, et Neuillant, et Gramont, et beaucoup d'autres44. Cependant leurs attraits ne pouvaient distraire le roi de cette aînée des Mancini, qui leur était bien inférieure en beauté. Loret, dans les longues descriptions dont il remplissait sa Gazette, ne manque pas de faire mention de ces attentions de Louis pour elle:

      Le roi, notre monarque illustre,

      Menait l'infante Manciny,

      Des plus sages et gracieuses,

      Et la perle des précieuses45.

      Ce qui donna un caractère particulier au carnaval de cette année fut le grand nombre de mascarades et de folâtres divertissements dont Louis XIV et son frère donnaient les premiers l'exemple, et dont ils s'amusaient beaucoup. Aussi Loret remarque que

      Paris, dans la joie inondé,

      Est tellement dévergondé,

      Qu'on n'y voit que réjouissances,

      Que des bals, des festins, des danses,

      Que des repas à grands desserts,

      Et de mélodieux concerts46.

      Cependant, de tous les genres de plaisirs, ceux que l'on préférait, ceux auxquels on revenait toujours, étaient les représentations théâtrales. Jamais les théâtres publics n'avaient attiré plus de spectateurs. Ce goût se répandit si généralement, que les jésuites, si habiles à suivre la pente de leur siècle, et auxquels était principalement confiée l'éducation de la haute noblesse, composèrent dès lors des tragédies latines, et les firent représenter par l'élite de la belle jeunesse qui s'élevait dans leurs colléges. Ces représentations eurent lieu devant de nombreuses assemblées de dignitaires de l'Église, de gens de cour, et de ce que Paris renfermait de plus illustre dans les lettres et dans l'État47. Elles eurent le plus grand succès. Cet usage des jésuites a commencé sous la jeunesse de Racine, et a été continué sans interruption bien au delà de l'époque de la jeunesse de Voltaire, dont le maître, le père Porée, était un jésuite, auteur des meilleures de ces tragédies latines. C'est à ces premières impressions de collége, c'est à l'influence de ces maîtres habiles sur ceux qui devaient un jour illustrer notre littérature, et sur ceux qui devaient être les juges de leurs productions, que l'on doit, suivant nous, ce goût grec et romain, ces formes régulières, et un peu uniformes, qu'a prises la tragédie sous la plume des deux grands maîtres que nous venons de nommer, et sous celle de leurs nombreux imitateurs. Mais le grand Corneille, par la diversité de ses ouvrages, semblait avoir épuisé tous les genres de compositions scéniques: et à l'époque dont nous traitons, c'est-à-dire dans les années 1655 et 1656, la satiété commençait déjà à exiger la réunion de tous les genres, mais non pas encore leur mélange. Ce fut cette année que Quinault donna au théâtre du Marais une pièce intitulée la Comédie sans comédie, qui renfermait à la fois, dans un même cadre et en quatre actes, les quatre sortes de poëmes dramatiques connus alors, une pastorale, une comédie, une tragédie, et une tragi-comédie ou une pièce ornée de machines et de danses, c'est-à-dire un opéra. Remarquons que le dernier acte de cette pièce était une première et intéressante ébauche du plus bel ouvrage que Quinault composa depuis, l'opéra d'Armide48.

      Le carême força de suspendre les danses, les ballets, les mascarades; mais la fougue qui entraînait le jeune monarque et toute la société vers les plaisirs fit imaginer des moyens de les prolonger: on allia ces divertissements aux pompes mêmes de la religion, ou on leur donna le caractère de cette chevalerie antique que la religion avait autrefois encouragée et approuvée. C'est alors que commencèrent ce qu'on appelait les concerts de dévotion, qu'on nomma depuis spirituels; et ces brillants carrousels, image de nos vieux tournois, qui disparurent avec les années prospères du règne de Louis XIV, et lorsque les derniers vestiges des mœurs, des habitudes et des temps qu'ils rappelaient se furent effacés. Loret a décrit, de la même manière qu'il décrivait les ballets de cour, le grand concert de dévotion qui fut exécuté au monastère de Charonne, à l'heure de vêpres, par les plus célèbres musiciens, les plus fameux chanteurs et les meilleures cantatrices de cette époque, en présence du roi, de toute la cour, et d'une nombreuse assemblée de beau monde; concert qui fut terminé par un sermon du père Senault.

      Le père Senault y prêcha,

      Et son éloquence toucha

      De même qu'à l'accoutumée;

      Bref, chacun eut l'âme charmée,

      En ce saint lieu de grand renom,

      Tant du concert que du sermon49.

      Le carrousel que le roi donna au Palais-Royal sembla réaliser les descriptions des romanciers, par la beauté des coursiers, les richesses


<p>34</p>

MONGLAT, Mém., t. L, p. 459.—RAMSAY, Hist. de Turenne, t. II, liv. IV, p. 17 à 69, édit. in-12.

<p>35</p>

RETZ, Mém., t. XLVII, p. 382, 391, 535.

<p>36</p>

LORET, Muse historique, t. II, liv. VI, p. 17, lettre en date du 30 janvier 1655.—Ibid., p. 6 et 12.—MOTTEVILLE, t. XXXIX, p. 369.

<p>37</p>

LORET, liv. VI, p. 79, 106; liv. VII, p. 6, 7 et 19.

<p>38</p>

LORET, liv. VI, p. 141, 190 et 199, lettre en date du 24 déc. 1655.

<p>39</p>

LORET, liv. VII, p. 22, lettre 6, en date du 5 février.

<p>40</p>

LORET, liv. VI, p. 82.

<p>41</p>

LORET, liv. VI, p. 193, lettre en date du 18 décembre 1655, et liv. VII, p. 13, lettre en date du 12 janvier 1656. Ce Brienne est celui dont M. Barrière a publié les Mémoires.

<p>42</p>

LORET, liv. V, p. 77; liv. VII, p. 32 et 33, et p. 37, en date du 4 mars 1656.

<p>43</p>

BENSERADE, Œuvres, t. II, p. 117.—LORET, liv. VII, p. 20, en date du 19 février 1656.

<p>44</p>

LORET, liv. VI, p. 12, 67, 69, 107, 141, 143, 193.—MOTTEVILLE, Mém., t. XXXIX, p. 369.—LORET, liv. VII, p. 2, 3, 5, 14, 15, 19, 43 (lettre du 25 janvier); liv. VIII, p. 43.—BENSERADE, Œuvres, t. II, p. 172.

<p>45</p>

LORET, liv. VI, p. 141, 142, 143; liv. VII, p. 23 et 25.

<p>46</p>

LORET, Muse hist., liv. VI, p. 17, lettre en date du 30 janvier 1655, et ibid., p. 6 et 12.—MOTTEVILLE, Mém., t. XXXIX, p. 307, 369.

<p>47</p>

LORET, t. II, liv. IV, p. 118 et 127 (7 et 21 août 1655).

<p>48</p>

Frères PARFAICT, Histoire du Théâtre François, t. VIII, p. 129 à 140.—QUINAULT, Œuvres, 1715, in-12, t. Ier, p. 260 à 358.

<p>49</p>

LORET, t. II, liv. VI, p. 127, lettre 31, en date du 25 août 1655.