Intentions. Wilde Oscar. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Wilde Oscar
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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Dans la Duchesse de Padoue, il imite Hugo et Sardou, dans le Portrait de Dorian Gray, Huysmans. Intentions est le bréviaire du symboliste. Les idées qui s'y trouvent sont dans Mallarmé, dans Villiers de l'Isle-Adam… Ses poèmes en vers sont inspirés de Swinburne. Ses Poèmes en prose sont ce qu'il y a de plus original dans son œuvre; ils représentent assez la causerie du poète, mais comme ils lui sont inférieurs! Et de fait la causerie est peut-être une forme d'art inférieure à l'écriture. Une pensée fixée est toujours plus belle qu'une pensée ébauchée et la causerie, n'est-ce pas toujours une pensée ébauchée. En tous cas elle est condamnée à périr. Les mots des hommes d'esprit ne leur survivent pas. Citer les mots de Wilde, c'est montrer sous verre une collection de beaux papillons qui ont perdu leur lumière et leur éclat. La causerie n'est pas séparable du geste. Que reste-t-il des causeries des hommes d'esprit célèbres, Scholl, Becque, Barbey d'Aurevilly! Si Chamfort nous a transmis les mots du xviiie siècle, c'est qu'il les a refaits, la plume à la main.»5

      Cette page de Rebell indique très nettement ce qui fut le charme et la faiblesse de Wilde.

      La vie non pas étudiée mais vécue, non pas effleurée des lèvres, mais bue jusqu'à l'ivresse, n'est pas celle de l'artiste parfait et qui doit se survivre. Du moins certains esprits ne sauraient-ils créer sans se cloîtrer et se soumettre à des règles un peu sévères. Wilde, en cette chambre d'hôtel qui devait voir son agonie, se souvint-il, en lisant Balzac à la lumière des bougies, du Maître s'isolant de même et luttant dix-huit heures avec le démon du travail? S'est-il répété cette plainte, que d'aucuns l'entendirent proférer avec tristesse: «Je n'aurais pas dû faire cela … J'aurais dû mettre du noir sur du blanc, du noir sur du blanc …»

      Il est évident qu'il faut choisir. Le créateur n'a besoin que de peu d'expériences pour analyser la vie, en dissocier les éléments et nous en donner l'essence. Le recul est une condition inéluctable et le renoncement, au moins transitoire, une absolue nécessité. La pensée, pour être libre et féconde, ne va pas sans un certain ascétisme. Il faut bien se résigner à ces lois d'un monde «où l'action n'est pas la sœur du rêve». Ceux qui vivent intensément ne donnent, en leurs essais d'œuvres sincères, que des mensonges sans couleur. Les confessions des passionnés ne sont que les cendres du volcan.

      Et Wilde lui-même nous donnera la clef de son erreur et de son mal:

      «La vie humaine est la seule chose qui mérite d'être étudiée. En comparaison d'elle, il n'existe rien qui ait une valeur quelconque. Il est vrai qu'en surveillant la vie dans son curieux creuset de souffrance et de plaisir, on ne peut avoir sur le visage un masque de verre, ni empêcher les vapeurs sulfureuses de troubler le cerveau et de livrer l'imagination enfiévrée à de monstrueuses fantaisies et à des rêves difformes. Il est des poisons si subtils que, pour connaître leurs propriétés, il faut en être intoxiqué. Il est des maladies si étranges qu'il faut les éprouver si l'on cherche à en comprendre la nature. Mais combien grande est la récompense! Combien merveilleux devient tout l'univers! Noter la curieuse, l'âpre logique de la passion et la vie émotionnelle, la vie colorée de l'intellect! Observer le point de leur rencontre et celui de leur séparation, à quel endroit ils sont à l'unisson, à quel autre ils sont en désaccord … quelle volupté! Qu'importe ce que cela coûte? On ne paye jamais trop cher une sensation!»6.

      Or c'est justement à ce jeu – le mot d'étude est une illusion – que la volonté s'use. Ne rien produire ou n'élaborer que l'artificiel, c'est le dilemme où se voit enfermé celui qui fait de son intelligence un instrument de volupté. C'est pourquoi l'œuvre de Wilde n'est qu'un décor.

      «Quand je vis Wilde pour la première fois, il n'avait pas ce renom d'infamie accueilli par tous. Mon sentiment sur lui se modifia plus d'une fois. J'eus d'abord l'enthousiasme qu'éprouvent d'ordinaire les jeunes gens de lettres pour les célébrités littéraires, puis le procès éclata qui me révolta comme une iniquité. Depuis, il me sembla que l'homme du monde faisait tort à l'artiste, que ses œuvres étaient bien légères, que sa vie avait eu peut-être plus d'importance que son œuvre.

      «Aujourd'hui, je crois discerner clairement l'homme qu'il fut et qui fut certes extraordinaire. Jamais l'artificiel ne se mêla à un tel point au naturel et à la passion dans un même homme.»7

      «Il faut que je me dise que je me suis ruiné moi-même et que personne, grand ou petit, ne peut être ruiné que de sa propre main. Je suis prêt à le dire: j'essaie de le dire, encore qu'il se peut qu'on ne le pense pas en ce moment. Je porte sans pitié contre moi-même cette implacable accusation. Si terrible que fût ce que le monde me fit, ce que je me fis à moi-même fut plus terrible encore.

      J'étais en rapport symbolique avec l'art et la culture de mon époque. A l'aube de mon âge adulte, je l'avais compris et j'avais, par la suite, forcé mon époque à le comprendre. Peu d'hommes ont, de leur vivant, occupé une position comme la mienne et l'ont autant fait reconnaître. La position d'un homme est habituellement discernée, si elle l'est, par l'historien et le critique, longtemps après que l'homme et son époque ont disparu. Pour moi, ce fut différent. J'en eus le sentiment et je le fis sentir aux autres. Byron fut une figure symbolique, mais en rapport avec la passion et la lassitude passionnelle de son époque. Mon rapport avec mon temps fut plus noble, plus permanent, d'une importance et d'une portée plus grandes.

       Les dieux m'avaient presque tout donné. Mais je me laissai leurrer et m'accordai de longues périodes de repos insensé et sensuel. Je m'amusai à faire le flâneur, le dandy, l'homme à la mode. Je m'entourai de petits caractères et d'esprits mesquins. Je devins le prodigue de mon propre génie et j'éprouvai une joie bizarre à gâcher une éternelle jeunesse. Las d'être dans les hauteurs, je descendis délibérément dans les profondeurs, à la recherche de sensations nouvelles. Ce qu'était pour moi le paradoxe dans la sphère de la pensée, la perversité le fut dans la sphère de la passion. Le désir, à la fin, fut une maladie, ou une folie, ou tous les deux. Je devins insouciant de la vie des autres. Je pris mon plaisir où il me plut, et passai. J'oubliai que chaque menue action quotidienne forme ou déforme le caractère et que, par conséquent, ce qu'on a fait dans le secret du cabinet, on devra, quelque jour, le crier sur les toits. Je cessai d'être le maître de moi-même. Je ne fus plus le capitaine de mon âme et je l'ignorai. Je permis au plaisir de me dominer et j'aboutis à une horrible disgrâce. Il ne me reste plus à présent qu'une chose: l'humilité absolue.»8.

      Cet aveu d'une irrémédiable défaite est émouvant, mais d'autres pages le contredisent et pourraient créer un doute sur sa sincérité. Or Wilde fut toujours sincère pour qui sait lire et comprendre.

      «Ce fut certainement un homme extraordinaire, d'une originalité três belle, mais qui s'ingénia à cacher ses dons sous un manteau acheté au magasin des nouveautés conventionnelles et à la mode d'un jour»9.

      Ce qui le perdit fut de se figurer qu'il était possible d'user pour de nobles desseins de tout ce qui s'agite dans l'âme humaine. Chacun de nous, en effet, est un peuple d'êtres mystérieux, d'un groupement éphémère, et qui se déchirent en des révolutions intestines. C'est avec ces soldats qui n'obéissent presque jamais ou désertent et se retournent contre nous, qu'il nous faut soutenir les assauts de mille ennemis. Wilde essaya de les connaître tous. Il les crut capables de se plier à l'instinct, si puissant en lui, qui l'orientait, où qu'il allât, vers la Beauté. Cela dura peut-être assez pour le persuader de sa force et le réveil vint trop tard.

      Je me suis interdit d'écrire une biographie.

      Je ne connais que l'écrivain, et l'homme est trop vivant encore et si blessé! J'ai la dévotion des plaies, et le plus beau rite de cette dévotion est le geste qui voile. C'est pourquoi je cite volontiers ceux qui négligent les accidents et tâchent à nous découvrir l'âme. Cette méditation sur une âme très belle serait donc inutile si je négligeais les témoignages.

      Celui de M. Arthur Symons est un des plus précieux.

      Dans


<p>5</p>

Hugues Rebell.

<p>6</p>

Sebastian Melmoth (Oscar Wilde), London, 1904. Recueil d'aphorismes d'Oscar Wilde et d'extraits de ses œuvres (trad. C. G.).

<p>7</p>

Hugues Rebell.

<p>8</p>

De Profundis, trad. H. – D. Davray, p. 51 et s.

<p>9</p>

Hugues Rebell.