Le Chevalier de Maison-Rouge. Dumas Alexandre. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Dumas Alexandre
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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de lui était une fenêtre; il s'élança vers la fenêtre; elle était grillée, et un homme armé d'une carabine était placé en sentinelle devant.

      De l'autre côté du jardin, à trente pas de distance à peu près, s'élevait un petit kiosque qui faisait pendant à celui où était Maurice. Une jalousie était baissée, mais à travers cette jalousie brillait une lumière.

      Il s'approcha de la porte et écouta: une autre sentinelle passait et repassait devant la porte. C'étaient ses pas qu'il avait entendus.

      Mais au fond du corridor retentissaient des voix confuses; la délibération avait visiblement dégénéré en discussion. Maurice ne pouvait entendre avec suite ce qui se disait. Cependant quelques mots pénétraient jusqu'à lui, et parmi ces mots, comme si pour ceux-là seuls la distance était moins grande, il entendait les mots espion, poignard, mort.

      Maurice redoubla d'attention. Une porte s'ouvrit, et il entendit plus distinctement.

      – Oui, disait une voix, oui, c'est un espion, il a découvert quelque chose, et il est certainement envoyé pour surprendre nos secrets. En le délivrant, nous courons risque qu'il nous dénonce.

      – Mais sa parole? dit une voix.

      – Sa parole, il la donnera, puis il la trahira. Est-ce qu'il est gentilhomme pour qu'on se fie à sa parole?

      Maurice grinça des dents à cette idée que quelques gens avaient encore la prétention qu'il fallût être gentilhomme pour garder la foi jurée.

      – Mais nous connaît-il pour nous dénoncer?

      – Non, certes, il ne nous connaît pas, il ne sait pas ce que nous faisons; mais il sait l'adresse, il reviendra bien accompagné.

      L'argument parut péremptoire.

      – Eh bien, dit la voix qui déjà plusieurs fois avait frappé Maurice comme devant être celle du chef, c'est donc décidé?

      – Mais oui, cent fois oui; je ne vous comprends pas avec votre magnanimité, mon cher; si le comité de salut public nous tenait, vous verriez s'il ferait toutes ces façons.

      – Ainsi donc vous persistez dans votre décision, messieurs?

      – Sans doute, et vous n'allez pas, j'espère, vous y opposer.

      – Je n'ai qu'une voix, messieurs, elle a été pour qu'on lui rendît la liberté. Vous en avez six, elles ont été toutes six pour la mort. Va donc pour la mort.

      La sueur qui coulait sur le front de Maurice se glaça tout à coup.

      – Il va crier, hurler, dit la voix. Avez-vous au moins éloigné madame Dixmer?

      – Elle ne sait rien; elle est dans le pavillon en face.

      – Madame Dixmer, murmura Maurice; je commence à comprendre. Je suis chez ce maître tanneur qui m'a parlé dans la vieille rue Saint-Jacques, et qui s'est éloigné en se riant de moi, quand je n'ai pas pu lui dire le nom de mon ami. Mais quel diable d'intérêt un maître tanneur peut-il avoir à m'assassiner?

      – En tout cas, dit-il, avant qu'on m'assassine, j'en tuerai plus d'un. Et il bondit vers l'instrument inoffensif qui, dans sa main, allait devenir une arme terrible.

      Puis il revint derrière la porte et se plaça de façon à ce qu'en se déployant elle le couvrît.

      Son cœur palpitait à briser sa poitrine, et dans le silence on entendait le bruit de ses palpitations.

      Tout à coup Maurice frissonna de la tête aux pieds; une voix avait dit:

      – Si vous m'en croyez, vous casserez tout bonnement une vitre, et à travers les barreaux vous le tuerez d'un coup de carabine.

      – Oh! non, non, pas d'explosion, dit une autre voix; une explosion peut nous trahir. Ah! vous voilà, Dixmer; et votre femme?

      – Je viens de regarder à travers la jalousie; elle ne se doute de rien, elle lit.

      – Dixmer, vous allez nous fixer. Êtes-vous pour un coup de carabine? êtes-vous pour un coup de poignard?

      – Soit, pour le poignard. Allons!

      – Allons! répétèrent ensemble les cinq ou six voix. Maurice était un enfant de la Révolution, un cœur de bronze, une âme athée, comme il y en avait beaucoup à cette époque-là. Mais à ce mot allons! prononcé derrière cette porte qui, seule, le séparait de la mort, il se rappela le signe de la croix que sa mère lui avait appris lorsque, tout enfant, elle lui faisait dire ses prières à genoux. Les pas se rapprochèrent, mais ils s'arrêtèrent, puis la clef grinça dans la serrure, et la porte s'ouvrit lentement. Pendant cette minute qui venait de s'écouler, Maurice s'était dit: «Si je perds mon temps à frapper, je serai tué. En me précipitant sur les assassins, je les surprends; je gagne le jardin, la ruelle, je me sauve peut-être.»

      Aussitôt, prenant un élan de lion, en jetant un cri sauvage où il y avait encore plus de menace que d'effroi, il renversa les deux premiers hommes, qui le croyant lié et les yeux bandés, étaient loin de s'attendre à une pareille agression, écarta les autres, franchit, grâce à ses jarrets d'acier, dix toises en une seconde, vit au bout du corridor une porte donnant sur le jardin toute grande ouverte, s'élança, sauta dix marches, se trouva dans le jardin, et, s'orientant du mieux qu'il lui était possible, courut vers la porte.

      La porte était fermée à deux verrous et à la serrure. Maurice tira les deux verrous, voulut ouvrir la serrure; il n'y avait pas de clef.

      Pendant ce temps, ceux qui le poursuivaient étaient arrivés au perron: ils l'aperçurent.

      – Le voilà, crièrent-ils, tirez dessus, Dixmer, tirez dessus; tuez! tuez!

      Maurice poussa un rugissement: il était enfermé dans le jardin; il mesura de l'œil les murailles; elles avaient dix pieds de haut.

      Tout cela fut rapide comme une seconde.

      Les assassins s'élancèrent à sa poursuite.

      Maurice avait trente pas d'avance à peu près sur eux; il regarda tout autour de lui avec ce regard du condamné qui demande l'ombre d'une chance de salut pour en faire une réalité.

      Il aperçut le kiosque, la jalousie, derrière la jalousie la lumière. Il ne fit qu'un bond, un bond de dix pieds, saisit la jalousie, l'arracha, passa au travers de la fenêtre en la brisant et tomba dans une chambre éclairée où lisait une femme assise près du feu.

      Cette femme se leva épouvantée en criant au secours.

      – Range-toi, Geneviève, range-toi, cria la voix de Dixmer; range-toi, que je le tue! Et Maurice vit s'abaisser à dix pas de lui le canon de la carabine.

      Mais à peine la femme l'eût-elle regardé qu'elle jeta un cri terrible, et qu'au lieu de se ranger comme le lui ordonnait son mari, elle se jeta entre lui et le canon du fusil.

      Ce mouvement concentra toute l'attention de Maurice sur la généreuse créature dont le premier mouvement était de le protéger.

      À son tour, il jeta un cri. C'était son inconnue tant cherchée.

      – Vous!.. Vous!.. s'écria-t-il.

      – Silence! dit-elle.

      Puis, se retournant vers les assassins, qui, différentes armes à la main, s'étaient rapprochés de la fenêtre:

      – Oh! vous ne le tuerez pas! s'écria-t-elle.

      – C'est un espion, s'écria Dixmer, dont la figure douce et placide avait pris une expression de résolution implacable; c'est un espion, et il doit mourir.

      – Un espion! lui? dit Geneviève; lui, un espion? Venez ici, Dixmer. Je n'ai qu'un mot à vous dire pour vous prouver que vous vous trompez étrangement.

      Dixmer s'approcha de la fenêtre: Geneviève s'approcha de lui, et, se penchant à son oreille, elle lui dit quelques mots tout bas.

      Le maître tanneur releva la tête.

      – Lui? dit-il.

      – Lui-même,