Coeur de panthère. Gustave Aimard. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Gustave Aimard
Издательство: Public Domain
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Жанр произведения: Зарубежная классика
Год издания: 0
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oui: vous ne savez donc pas que c’est le nom indien des assassins, des brigands nocturnes?

      – Ainsi, vous croyez qu’ils auraient mis la main sur mon cheval?

      – Sans doute: vous ne vous y attendiez guère, il me semble?

      – Ma foi! non, je considère même vos appréhensions comme mal fondées: dans mon opinion, les Sauvages ne se sont pas aperçus de mon passage dans la vallée.

      – Excusez-moi, jeune homme; vous êtes fou.

      – Excusez-moi, vous même, sir: je ne suis pas accoutumé à m’entendre qualifier ainsi, je ne puis permettre cette licence à personne.

      – Vous préférez agir à votre guise, je suppose?

      – Non, sir! Lorsque je serai certain que nous sommes amis, je profiterai de vos avis. Mais je persiste à repousser la qualification dont vous venez de me gratifier.

      – Eh bien! je vous demande pardon. Vous savez que la vieillesse a des priviléges.

      – Vous parlez courtoisement, sir; je vous octroie un plein et entier pardon.

      – Pourquoi êtes-vous venu seul? demanda le vieillard en interrogeant son visiteur du regard; il n’est sain pour personne de traverser cette vallée sans escorte, encore moins pour un cavalier bien monté et qui porte l’uniforme de l’armée des États-Unis.

      – Je n’ai pas eu le choix de faire autrement. Permettez-moi une question, sir. N’est-ce pas vous qui êtes connu sous le nom de John l’ermite?

      Le vieillard baissa la tête et demeura quelque temps silencieux. Pendant cet intervalle un frisson parut le faire tressaillir, sa poitrine comprima un soupir demi-étouffé.

      Le jeune voyageur le regardait avec un intérêt sympathique, tout en se demandant quel terrible événement avait pu pousser cet homme à vivre dans cette obscure et triste solitude. Un moment il regretta ses dernières paroles, craignant qu’elles n’eussent ouvert involontairement quelque plaie mal cicatrisée dans l’âme du pauvre ermite.

      Il avait beaucoup entendu parler de ce Vieux John: on le dépeignait comme un homme étrange, mais bon et pacifique. Les Sauvages en avaient une crainte superstitieuse: ils lui attribuaient une puissance surnaturelle, et n’approchaient jamais de sa cabane; ils n’osaient même s’aventurer sur la colline où elle était bâtie.

      Les causes de son existence isolée et triste étaient ignorées; était-ce le remords, était-ce le chagrin?… Personne n’avait jamais pénétré ce mystère. De l’avis des Settlers qui avaient fait au Solitaire quelques rares visites, ce devait être un homme pieux, car ils l’avaient trouvé en prières. Tout ce qu’on avait pu deviner c’était que sa mélancolie se reportait à des scènes lointaines dans son existence, et qu’il s’était exilé dans cette solitude pour fuir des lieux témoins d’un bonheur perdu.

      Après un long silence, le vieillard releva la tête, et répondit à la question du jeune homme:

      – Oui… je suis le viel ermite pour tous ceux qui me connaissent un peu. Cependant je ne suis pas un anachorète, un reclus, comme vous paraissez le croire.

      Le jeune homme promena ses regards autour de lui, comme pour chercher les compagnons qui partageaient la solitude du vieillard.

      Ce dernier l’observait en souriant:

      – Non, poursuivit-il, vous ne verrez ici ni femme, ni enfants, ni famille; et pourtant je ne suis pas seul: regardez bien autour de vous; qu’aperçoit-on?

      – Pas grand’chose, si ce n’est le désert sombre;… la vallée;… la montagne: toute cette nature est belle et grandiose, mais monotone. Là bas, la rivière étincelle au soleil; à la longue, ces reflets fatiguent, ce sont toujours les mêmes.

      – Oui! oui! enfant! Cette région ressemble à son Créateur,– elle ne change jamais.– C’est bon, bien bon! ce qui ne change pas.– Vous aimez la nouveauté, jeune homme? regardez-moi: j’ai été jeune comme vous,… mais j’ai changé. Ma vie a changé encore plus que ma personne.– Vous êtes heureux maintenant; eh quoi! voudriez-vous changer?… pour avoir quoi?… du malheur?… Gardez-vous de devenir indifférent aux bienfaits dont vous a comblé la Providence: faites comme les oiseaux de ces forêts; ils sont toujours contents et ne changent jamais. Voyez ce miroir argenté de la rivière; toujours le même lit paisible, les mêmes ondes murmurantes, la même fraîcheur enchantée. Depuis bien des années je la contemple, je l’aime, je rêve au bruit de sa voix immense; elle n’a pas changé: la trouvez-vous moins belle pour cela? Jeune homme! Dieu vous garde d’avoir à regretter ce qui était, mais qui n’est plus!

      – Votre langage, sir, conviendrait à peindre une existence pleine d’éclat, de jeunesse, de félicité: mais il y a des cas, où je suppose que le changement serait bon et désirable. Prenons votre position elle-même pour exemple: croyez-vous que rien ne pourrait la rendre plus heureuse?

      – C’est mon opinion. Connaissez-vous les remarquables paroles prononcées par le baron de Humboldt au moment de sa mort?

      – Je ne pourrais vous dire.

      – Les voici: le vénérable savant voyait arriver le terme de son existence si belle et si bien remplie. Un jour, par une fente de ses volets passa un rayon de soleil qui vint se jouer sur son lit. Il contempla pendant quelques instants cette gerbe lumineuse, puis il murmura avec une expression de joie: «Oh! que c’est beau! Dieu! que c’est beau!»– Il avait vu pareille chose dix mille fois en sa vie, mais jamais son admiration pieuse ne s’était lassée.– Excusez-moi, jeune homme, je me livre à des pensées rustiques et trop naïves pour un homme civilisé comme vous; et j’oublie de vous demander quel est le but de votre visite: car vous venez du Fort, je suppose?

      – Je suis le lieutenant Henry Marshall.

      – Ah oui! je me souviens de vous avoir vu passer dans la vallée, il y a une dizaine de jours; mais vous étiez si loin, qu’aujourd’hui je n’aurais pu vous reconnaître. Où sont vos hommes?

      – Ils sont tous morts.

      – Que me dites-vous là?

      – Oui; nous avons été surpris par une troupe de Sauvages dans la Passe du Sud; moi seul ai pu m’échapper pour aller porter cette triste nouvelle au Fort. Une triste nouvelle, sir; en vérité, une triste nouvelle!

      Et le jeune officier poussa un soupir en songeant à ses malheureux compagnons d’armes.

      – A quelle tribu appartenaient les assaillants?

      – Je ne sais pas; il me semble que c’étaient des Pawnies. Wontum, un de leurs chefs, a juré de me tuer, et d’enlever ma femme avec mon enfant; pourtant je ne l’ai pas aperçu parmi les Indiens; mais je suis convaincu qu’ils agissaient d’après ses ordres.

      – Non, il a traversé la Vallée derrière Laramie, il y a trois jours.

      – Est-il possible…? Et,… était-il seul? demanda Marshall avec animation.

      – Non: ses guerriers étaient avec lui,– tous peints en guerre, prêts pour le sang.

      – Ils étaient nombreux?

      – Au moins trois cents.

      – Et peints en guerre…? murmura Marshall. Êtes-vous certain que Wontum les conduisit en personne?

      – Je ne pourrais en répondre positivement, car ils étaient à grande distance. Mais, soit parce qu’ils étaient peints en guerre, soit pour plusieurs autres raisons, je suis convaincu que c’était la bande de Wontum.

      Henry Marshall poussa un profond soupir et devint très-pâle; au bout d’un instant le sang monta à son visage, il pressa son front entre ses deux mains. Le vieillard qui l’observait lui dit:

      – Pensez-vous que, réellement, ils aient l’intention d’attaquer le Fort?

      – Oui, et je tremble pour les suites; car la garnison est si faible!

      – Oh!