J'ai envoyé, par un courrier extraordinaire, au doge la proclamation que je vous fais passer, afin de chercher à y rétablir la tranquillité.
Demain, je conclurai un traité avec les députés vénitiens: j'espère que cette affaire s'achèvera heureusement, et que, si nous ne sommes pas, à l'heure qu'il est, dans Venise, nous ne tarderons pas à y être.
La marine pourra y gagner quatre ou cinq vaisseaux de guerre, trois ou quatre frégates, pour 3 ou 4,000,000 de cordages, de bois et d'autres objets qui lui sont nécessaires.
J'ai envoyé des courriers a Gênes et à Livourne, pour qu'on me fasse passer en toute diligence tous les matelots français ou corses qui s'y trouveraient; je prendrai ceux des lacs de Mantoue et de Garda, et je diminuerai le nombre de ceux que j'ai sur la flottille.
Je vous prie de m'envoyer en poste un contre-amiral, un major d'escadre, etc.
J'aurais aussi besoin de quatre ou cinq cents matelots, qui pourraient se rendre à Gênes, d'où ils viendraient à Tortoue, où ils recevront, du commandant de la place, les ordres, et trouveront les moyens de s'embarquer sur le Pô jusqu'à Venise.
J'espère, si tout réussit conformément à mes espérances, avoir:
Quatre bâtimens de guerre, tout équipés et approvisionnés pour six mois; trois frégates françaises, compris la Brune; deux corvettes françaises et quinze chaloupes canonnières.
Ces vingt-quatre bâtimens seront prêts, j'espère, à mettre à la voile avant l'arrivée du contre-amiral.
Je trouverai les bâtimens et les frégates vénitiennes prêtes à mettre à la voile, parce qu'elles viennent de croiser dans l'Archipel.
BONAPARTE.
Traité de paix entre la république française et la république de Venise.
Le directoire exécutif de la république française et le grand-conseil de la république de Venise, voulant rétablir sans délai l'harmonie et la bonne intelligence qui régnaient ci-devant entre elles, conviennent des articles suivans:
ART 1. Il y aura paix et amitié entre la république française et la république de Venise; toutes les hostilités cesseront dès à présent.
2. Le grand-conseil de Venise, ayant à coeur le bien de sa patrie et le bonheur de ses concitoyens, et voulant que les scènes qui ont eu lieu contre les Français ne puissent plus se renouveler, renonce à ses droits de souveraineté; ordonne l'abdication de l'aristocratie héréditaire, et reconnaît la souveraineté de l'état dans la réunion de tous les citoyens, sous la condition cependant que le gouvernement garantira la dette publique nationale, l'entretien des pauvres gentilshommes qui ne possèdent aucun bien fonds, et les pensions viagères accordées sous le titre de provisions.
3. La république française, sur la demande qui lui en a été faite, voulant contribuer, autant qu'il est en elle, à la tranquillité de la ville de Venise et au bonheur de ses habitans accorde une division de troupes françaises pour y maintenir l'ordre et la sûreté des personnes et des propriétés, et seconder les premiers pas du gouvernement dans toutes les parties de son administration.
4. La station des troupes françaises à Venise n'ayant pour but que la protection des citoyens, elles se retireront aussitôt que le nouveau gouvernement sera établi, ou qu'il déclarera n'avoir plus besoin de leur assistance. Les autres divisions de l'armée française évacueront également toutes les parties du territoire vénitien qu'elles occuperont dans la terre ferme, lors de la conclusion de la paix continentale.
5. Le premier soin du gouvernement provisoire sera de faire terminer le procès des inquisiteurs et du commandant du fort de Lido, prévenus d'être les auteurs et instigateurs des Pâques vénitiennes et de l'assassinat commis dans le port de Venise; il désavouera d'ailleurs ces faits de la manière la plus convenable et la plus satisfaisante pour le gouvernement français.
6. Le directoire exécutif, de son côté, par l'organe du général en chef de l'armée, accorde pardon et amnistie générale pour tous les autres Vénitiens qui seraient accusés d'avoir pris part à toute conspiration contre l'armée française; et tous les prisonniers seront mis en liberté après la ratification.
Ainsi a été arrêté et convenu, savoir: au nom de la république française, par les citoyens Bonaparte, général en chef de l'armée d'Italie; et Lallemant, ministre plénipotentiaire de la république française près celle de Venise; et, au nom du grand conseil vénitien, par MM. François Dona, Léonard Justiani et Louis Moncenigo, députés munis de pleins pouvoirs, dont l'original est annexé aux présentes, lesquelles devront être ratifiées par les hautes puissances contractantes, dans le plus court délai possible, pour sortir leur entière exécution.
Fait à Milan, le 27 floréal an 5 de la république française (16 mai 1797).
Signé BONAPARTE, etc.
Articles secrets faisant suite et partie du traité de paix conclu cejourd'hui 27 floréal an 5 de la république française (16 mai 1797), entre la république française et telle de Venise.
ART Ier. La république française et la république de Venise s'entendront entre elles pour l'échange des différens territoires.
2. La république de Venise versera dans la caisse du payeur de l'armée d'Italie trois millions tournois en numéraire; savoir, un million dans le mois de prairial prochain, un second million dans le mois de messidor, et le troisième million lorsque le gouvernement provisoire sera entièrement organisé.
3. La république de Venise fournira pour la valeur de trois autres millions tournois en chanvres, cordages, agrès et autres objets nécessaires à la marine, sur la réquisition des commissaires qui seront nommés par le général en chef de l'armée, et en tant que ces objets existeront réellement dans les magasins ou dépôts de l'arsenal.
4. La république de Venise fournira en outre trois vaisseaux de ligne et deux frégates en bon état, armés et équipés de tout le nécessaire, sans comprendre l'équipage, et au choix du général en chef, qui, de son côté, promet au gouvernement vénitien la médiation de la république française pour terminer promptement les différens survenus entre celle de Venise et la régence d'Alger.
5. La république de Venise remettra enfin aux commissaires à ce destinés vingt tableaux et cinq cents manuscrits au choix du général en chef.
Les cinq articles ci-dessus, quoique convenus et transcrits séparément, sont néanmoins essentiellement inhérens au traité ostensible conclu cejourd'hui entre les deux républiques, et n'en sont de fait que la continuation: en sorte que la non exécution d'un seul desdits articles secrets rendrait le traité en entier nul et non stipulé.
Ainsi a été arrêté et convenu; savoir, au nom de la république française, par le citoyen Bonaparte, général en chef de l'armée d'Italie, et par le citoyen Lallemant, ministre plénipotentiaire de la république française près celle de Venise, et au nom du directoire exécutif.
Et au nom du grand conseil vénitien, par MM. François Dona, Léonard Justiniani et Louis Moncenigo, députés munis de pleins pouvoirs, dont l'original est annexé au traité ostensible de ce jour.
Fait et signé à Milan, le 27 floréal an 5 de la république française (16 mai 1797).
Signé BONAPARTE, etc.
Milan, le 25 floréal an 5 (14 mai 1797).
Aux citoyens de Venise.
Les citoyens de la ville de Venise sont sous la protection de la république française: en conséquence, je déclare que je traiterai en ennemi de la république française tout homme qui porterait la moindre atteinte