Lettres écrites d'Égypte et de Nubie en 1828 et 1829. Jean-François Champollion. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Jean-François Champollion
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Книги о Путешествиях
Год издания: 0
isbn: 4064066090128
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Une première base du recueil ICONOGRAPHIQUE, comprenant les portraits des rois égyptiens et de grands personnages. Ce portefeuille sera complété en Thébaïde.

      7º Dessins relatifs aux JEUX, EXERCICES et DIVERTISSEMENTS.—On y remarque la mourre, le jeu de la paille, une sorte de main-chaude, le mail, le jeu de piquets plantés en terre, divers jeux de force; la chasse à la bête fauve, un tableau représentant une grande chasse dans le désert, et où sont figurées quinze à vingt espèces de quadrupèdes; tableaux représentant le retour de la chasse; le gibier est porté mort ou conduit vivant; plusieurs tableaux représentent la chasse des oiseaux au filet; un de ces tableaux est de grande dimension et gouaché avec toutes les couleurs et le faire de l'original; enfin, le dessin en grand des divers piéges pour prendre les oiseaux; ces instruments de chasse sont peints isolément dans quelques hypogées; plusieurs tableaux relatifs à la pêche: 1° la pêche à la ligne; 2° à la ligne avec canne; 3° au trident ou au bident; 4° au filet; plus la préparation des poissons, etc.

      8º JUSTICE DOMESTIQUE.—J'ai réuni sous ce titre une quinzaine de dessins de bas-reliefs représentant des délits commis par des domestiques; l'arrestation du prévenu, son accusation, sa défense, son jugement par les intendants de la maison; sa condamnation et l'exécution, qui se borne à la bastonnade, dont procès-verbal est remis, avec le corps du procès, entre les mains du maître par l'intendant de la maison.

      9° LE MÉNAGE.—J'ai réuni dans cette série, déjà fort nombreuse, tout ce qui se rapporte à la vie privée ou intérieure. Ces dessins fort curieux représentent: 1° diverses maisons égyptiennes, plus ou moins somptueuses; 2° les vases de diverses formes, ustensiles et meubles, le tout colorié, parce que les couleurs indiquent invariablement la matière; 3° un superbe palanquin; 4° des espèces de chambres à portes battantes, portées sur un traîneau et qui ont servi de voitures aux anciens grands personnages de l'Égypte; 5° les singes, chats et chiens qui faisaient partie de la maison, ainsi que des nains et autres individus mal conformés, qui, 1500 ans et plus avant J.-C., servaient à désopiler la rate des seigneurs égyptiens, aussi bien que, 1500 ans après, celle de nos vieux barons d'Europe; 6° les officiers d'une grande maison, intendants, scribes, etc.; 7° les domestiques portant les provisions de bouche de toute espèce; les servantes apportant aussi divers comestibles; 8° la manière de tuer les boeufs et de les dépecer pour le service de la maison; 9° une suite de dessins représentant des cuisiniers préparant des mets de diverses sortes; 10º enfin, les domestiques portant les mets préparés à la table du maître.

      10º MONUMENTS HISTORIQUES.—Ce recueil contient toutes les inscriptions, bas-reliefs et monuments de tout genre portant des légendes royales, avec une date exprimée, que j'ai vus jusqu'ici.

      11° MONUMENTS RELIGIEUX.—Toutes les images des différentes divinités, dessinées en grand et coloriées d'après les plus beaux bas-reliefs. Ce recueil s'accroîtra prodigieusement à mesure que j'avancerai dans la Thébaïde.

      12° NAVIGATION.—Recueil de dessins représentant la construction des bâtiments et barques de diverses espèces, et les jeux des mariniers, tout à fait analogues aux joûtes qui ont lieu sur la Seine dans les grands jours de fête.

      13° Enfin ZOOLOGIE.—Une suite de quadrupèdes, d'oiseaux, de reptiles, d'insectes et de poissons, dessinés et coloriés avec toute fidélité d'après les bas-reliefs peints ou les peintures les mieux conservées. Ce recueil, qui compte déjà près de deux cents individus, est du plus haut intérêt: les oiseaux sont magnifiques, les poissons peints dans la dernière perfection, et on aura par là une idée de ce qu'était un hypogée égyptien un peu soigné. Nous avons déjà recueilli le dessin de plus de quatorze espèces différentes de chiens de garde ou de chasse, depuis le lévrier jusqu'au basset à jambes torses; j'espère que MM. Cuvier et Geoffroi Saint-Hilaire me sauront gré de leur rapporter ainsi l'histoire naturelle égyptienne en aussi bon ordre.

      J'espère compléter et étendre dignement ces diverses séries, puisque je n'ai encore vu, pour ainsi dire, aucun monument égyptien; les grands édifices ne commencent en effet qu'à Abydos, et je n'y serai que dans dix jours.

      J'ai passé, le coeur serré, en face d'Aschmounéin, en regrettant son magnifique portique détruit tout récemment; hier, Antinoé ne nous a plus montré que des débris; tous ses édifices ont été démolis; il ne reste plus que quelques colonnes de granit, qu'on n'a pu remuer.

      Je me suis consolé un peu de la perte de ces monuments, en en retrouvant un fort intéressant et dont personne n'a parlé jusqu'ici. Nous avons reconnu, dans une vallée déserte de la montagne arabique, vis-à-vis Béni-Hassan-el-Aamar, un petit temple creusé dans le roc, dont la décoration, commencée par Thouthmosis IV, a été continuée par Mandoueï de la XVIIIe dynastie; ce temple, orné de beaux bas-reliefs coloriés, est dédié à la déesse Pascht ou Pépascht, qui est la Bubastis des Grecs et la Diane des Romains; les géographes nous ont indiqué à Béni-Hassan la position nommée Speos Artemidos (la Grotte de Diane), et ils ont raison, puisque je viens de retrouver le temple, creusé dans le roc (le spéos de la déesse); et ce monument, qui ne présente en scène que des images de Bubastis, la Diane égyptienne, est cerné par divers hypogées de chats sacrés (l'animal de Bubastis); quelques-uns sont creusés dans le roc, un, entre autres, construit sous le règne d'Alexandre, fils d'Alexandre le Grand. Devant le temple, sous le sable, est un grand banc de momies de chats pliés dans des nattes et entremêlés de quelques chiens; plus loin, entre la vallée et le Nil, dans la plaine déserte, sont deux très-grands entrepôts de momies de chats en paquets, et recouverts de deux pieds de sable.

      Cette nuit j'arriverai à Osiouth (Lycopolis), et demain je remettrai cette lettre aux autorités locales pour qu'elle soit envoyée au Caire, de là à Alexandrie, et de là enfin en Europe; puisse-t-elle être mieux dirigée que les vôtres! car je n'ai rien reçu d'Europe depuis mon départ de Toulon. Ma santé se soutient, et j'espère que le bon air de Thèbes m'assurera la continuation de ce bienfait. Adieu.

       Table des matières

      Thèbes, le 24 novembre 1828.

      Ma dernière lettre datée de Béni-Hassan, continuée en remontant le Nil et close à Osiouth, a dû en partir du 10 au 12 de ce mois; elle parviendra par Livourne. Dieu veuille qu'elle arrive plus promptement que celles qui, depuis mon départ de France, m'ont été adressées par ceux qui se souviennent de moi! je n'en ai reçu aucune! C'est hier seulement, et par un capitaine de navire anglais qui parcourt l'Égypte, que j'ai appris que le Dr Pariset y était aussi arrivé et qu'il se trouve dans ce moment au Caire: mais je n'en sais pas davantage pour cela sur ma famille. S'il en était autrement, et que je fusse tranquille sur la santé de tous les miens, je serais le plus heureux des hommes; car enfin je suis au centre de la vieille Égypte, et ses plus hautes merveilles sont à quelques toises de ma barque. Voici d'abord la suite de mon itinéraire.

      C'est le 10 novembre que je quittai Osiouth, après avoir visité ses hypogées parfaitement décrits par MM. Jollois et Devilliers, dont je reconnais chaque jour à Thèbes l'extrême exactitude. Le 11 au matin nous passâmes devant Qaou-el-Kebir (Antaeopolis), et mon maasch traversa à pleines voiles l'emplacement du temple que le Nil a complètement englouti sans en laisser les moindres vestiges. Quelques ruines d'Akhmin (celles de Panopolis) reçurent ma visite le 12, et je fus assez heureux pour y trouver un bloc sculpté qui m'a donné l'époque du temple, qui est de Ptolémée Philopator, et l'image du dieu Pan, lequel n'est autre chose, comme je l'avais établi d'avance, que l'Ammon générateur de mon Panthéon. L'après-midi et la nuit suivante se passèrent en fêtes, bal, tours de force et concert chez l'un des commandants de la Haute-Égypte, Mohammed-Aga, qui envoya sa cange, ses gens et son cheval pour me ramener,