Physiologie du goût. Brillat-Savarin. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Brillat-Savarin
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066084646
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glorifie de t'avoir donné la naissance; qu'à vingt-quatre ans tu avais déjà fait paraître un ouvrage élémentaire, qui depuis lors est demeuré classique; qu'une réputation méritée t'attire la confiance; que ton extérieur rassure les malades; que ta dextérité les étonne; que ta sensibilité les console: tout le monde sait cela. Mais je révélerai à tout Paris (me redressant), à toute la France (me rengorgeant), à l'univers entier, le seul défaut que je te connaisse.

      L'AMI, d'un ton sérieux.--Et lequel, s'il vous plaît?

      L'AUTEUR.--Un défaut habituel dont toutes mes exhortations n'ont pu te corriger.

      L'AMI, effrayé.--Dites donc enfin; c'est trop me tenir à la torture.

      (Ici, l'ami prend son chapeau, et sort en souriant, se doutant bien qu'il a prêché un converti).

       Table des matières

      E docteur que j'ai introduit dans le dialogue qui précède n'est point un être fantastique comme les Chloris d'autrefois, mais un docteur bel et bien vivant; et tous ceux qui me connaissent auront bientôt deviné le docteur Richerand.

      En m'occupant de lui, j'ai remonté jusqu'à ceux qui l'ont précédé, et je me suis aperçu avec orgueil que l'arrondissement de Belley, au département de l'Ain, ma patrie, était depuis longtemps en possession de donner à la capitale du monde des médecins de haute distinction; et je n'ai pas résisté à la tentation de leur élever un modeste monument dans une courte notice.

      Dans les jours de la Régence, les docteurs Genin et Civoct furent des praticiens de première classe, et firent refluer dans leur patrie une fortune honorablement acquise. Le premier était tout-à-fait hippocratique, et procédait en forme: le second, qui soignait beaucoup de belles dames, était plus doux; plus accommodant: Res novas molientem, eût dit Tacite.

      Vers 1750, le docteur la Chapelle se distingua dans la carrière périlleuse de la médecine militaire. On a de lui quelques bons ouvrages, et on lui doit l'importation du traitement des fluxions de poitrine par le beurre frais, méthode qui guérit comme par enchantement, quand on s'en sert dans les premières trente-six heures de l'invasion.

      Vers 1760, le docteur Dubois obtenait les plus grands succès dans le traitement des vapeurs, maladie pour lors à la mode, et tout aussi fréquenté que les maux de nerfs qui l'ont remplacée. La vogue qu'il obtint était d'autant plus remarquable, qu'il était loin d'être beau garçon.

      Sur la fin du règne de Louis XV, le docteur Coste, natif de Châtillon, vint à Paris; il était porteur d'une lettre de Voltaire pour M. le duc de Choiseul, dont il eut le bonheur de gagner la bienveillance dès les premières visites. Protégé par ce seigneur et par la duchesse de Grammont sa soeur, le jeune Coste perça vite, et, après peu d'années, Paris commença à le compter parmi les médecins de grande espérance.

      La même protection qui l'avait produit l'arracha à cette carrière tranquille et fructueuse, pour le mettre à la tête du service de santé de l'armée que la France envoyait en Amérique au secours des États-Unis, qui combattaient pour leur indépendance.

      Après avoir rempli sa mission, le docteur Coste revint en France, passa à peu près inaperçu le mauvais temps de 1793, et fut élu maire à Versailles, où l'on se souvient encore de son administration à la fois active, douce et paternelle.

      Bientôt le Directoire le rappela à l'administration de la médecine militaire, Bonaparte le nomma l'un des trois inspecteurs généraux du service de la médecine des armées; et le docteur y fut constamment l'ami, le protecteur et le père des jeunes gens qui se destinaient à cette carrière. Enfin il fut nommé médecin de l'hôtel royal des Invalides, et en a rempli les fonctions jusqu'à sa mort.

      D'aussi longs services ne pouvaient rester sans récompense sous le gouvernement des Bourbons, et Louis XVIII fit un acte de toute justice en accordant à M. Coste le cordon de Saint-Michel.

      Le docteur Coste est mort il y a quelques années, en laissant une mémoire vénérée, une fortune tout-à-fait philosophique, et une fille unique, épouse de M. de Lalot, qui s'est distingué à la chambre des députés par une éloquence vive et profonde, et qui ne l'a pas empêché de sombrer sous voiles.

      Un jour que nous avions dîné chez M. Favre, le curé de Saint-Laurent, notre compatriote, le docteur Coste me raconta la vive querelle qu'il avait eue, ce jour même, avec le comte de Cessac, alors le ministre directeur de l'administration de la guerre, au sujet d'une économie que celui-ci voulait proposer pour faire sa cour à Napoléon.

      Cette économie consistait à retrancher aux soldats malades la moitié de leur portion d'eau panée, et à faire laver la charpie qu'on ôtait de dessus les plaies, pour la faire servir une seconde ou une troisième fois.

      Le docteur s'était élevé avec violence contre des mesures qu'il qualifiait d'abominables, et il était encore si plein de son sujet, qu'il se remit en colère, comme si l'objet de son courroux eût encore été présent.

      Je n'ai jamais pu savoir si le comte avait été réellement converti et avait laissé son économie en portefeuille; mais ce qu'il y a de certain, c'est que les soldats malades purent toujours boire à volonté, et qu'on continua à jeter toute charpie qui avait servi.

      Vers 1780, le docteur Bordier, né dans les environs d'Amberieux, vint exercer la médecine à Paris. Sa pratique était douce, son système expectant et son diagnostic sûr.

      Il fut nommé professeur en la Faculté de médecine; son style était simple, mais ses leçons étaient paternelles et fructueuses. Les honneurs vinrent le chercher quand il n'y pensait pas, et il fut nommé médecin de l'impératrice Marie-Louise. Mais il ne jouit pas longtemps de cette place: l'Empire s'écroula, et le docteur lui-même fut emporté par suite d'un mal de jambe contre lequel il avait lutté toute sa vie.

      Le docteur Bordier était d'une humeur tranquille, d'un caractère bienfaisant et d'un commerce sûr.