Physiologie du goût. Brillat-Savarin. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Brillat-Savarin
Издательство: Bookwire
Серия:
Жанр произведения: Языкознание
Год издания: 0
isbn: 4064066084646
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prend pour de l'esprit certains exercices de mots pareils à ceux que font les jongleurs avec des boules.

      De même les goinfres et les ivrognes se sont réclamée indûment d'Anacréon, d'Epicure; et se sont placés sous leur invocation sans les consulter. Anacréon, dans ses vers, recommande très souvent de mettre de l'eau dans le vin,--et Epicure voulait de là noblesse dans le plaisir, et mettait le plaisir dans la vertu.

      Le vrai disciple d'Epicure compte, pour le meilleur plat de son dîner,--le pain qu'il a envoyé à son voisin pauvre.--Tel autre vous dira avec les Allemands,--en vous invitant à dîner: «Un seul plat et un visage ami.»

      Brillat Savarin dit: «Ceux qui s'indigèrent ou qui s'enivrent ne savent ni boire ni manger.»

      Je ne sais ce qu'il aurait dit des banquets politiques qui ne faisaient que poindre de son temps,--festins où chacun sert un plat de sa façon, au moyen de phrases sonores parce qu'elles sont creuses,--et où on s'occupe du gouvernement du pays à la fin du dîner,--c'est-à-dire dans une situation de corps et d'esprit où aucun de ces législateurs en goguette ne se permettrait de traiter la moins importante de ses petites affaires particulières.

      Certes, ce n'est pas mourir que de laisser après soi sa pensée vivante au milieu des hommes, pensée qui a plus de force, et dont la puissance n'est plus contestée depuis qu'elle n'excite plus l'envie contre l'homme qui en était le dépositaire.

      Tandis que les riches et les puissants se disputent quelques honneurs matériels et quelques avantages grossiers, ne sont-ce pas lès vrais maîtres du monde que ceux qui gouvernent encore par leurs livres les idées des peuples et là pensée humaine?

      Entre ces illustres morts,--devenus des rois immortels,--le souvenir fait de singulières différences,--c'est la puissance de leur pensée qui assigne leur rang dans votre vénération; mais il en est quelques-uns dont on veut savoir la vie, sur lesquels on recherche précieusement et on recueille avec avidité les moindres détails,--pour les autres nous nous contentons de lire leurs écrits et de les admirer, tandis que les premiers sont nos amis.--On peut prendre pour type de ces deux impressions Voltaire et J.-J. Rousseau. On aime les fleurs qu'aimait Rousseau, et son souvenir donne une teinte toute particulière au paysage des lieux qu'il a habités.--Voltaire est tout dans ses livres et on ne le cherche pas ailleurs.

      M. Brillat Savarin était un esprit charmant,--mais je ne pense pas qu'on tienne à savoir quelle était au juste la couleur de ses cheveux.--On ne se demande pas s'il a été amoureux.--Nous serons donc sobres de détails biographiques.--Anthelme Brillat Savarin--naquit à Belley, au pied des Alpes, le 1er avril 1755.--Il était avocat, lorsqu'en 1789 il fut député à l'Assemblée constituante.

      Maire de Belley en 1793, il fut obligé de se réfugier en Suisse pour échapper à la tourmente révolutionnaire.

      Proscrit pendant quatre ans, tant en Suisse qu'aux Etats-Unis,--professeur de langue française,--musicien à l'orchestre du théâtre de New-York.--s'il dut son existence matérielle à ses talents,--il dut la sérénité et le bonheur à sa douce philosophie.

      Rentré en France en septembre 1796 il occupa diverses fonctions,--jusqu'à ce que le choix du sénat l'appelât à la cour de cassation où il a passé les vingt-cinq dernières années de sa vie, qui fut jusqu'à la fin douce et calme, entourée d'estime et d'unitées. Il était enrhumé lorsqu'il fut nommé membre de la députation chargée de représenter la cour de cassation à la cérémonie funèbre du 21 janvier dans l'église de Saint-Denis;--il y fut atteint d'une péripneumonie qui emporta en même temps que lui M. Robert de Saint-Vincent et l'avocat-général Marchangy.--Il mourut le 2 février 1826--à l'âge de 71 ans.

      Alph. KARR.

       Table des matières

      DU PROFESSEUR

      POUR SERVIR DE PROLÉGOMÈNES A SON OUVRAGE ET DE

       BASE ÉTERNELLE A LA SCIENCE;

      I.

      L'univers n'est rien que par la vie, et tout ce qui vit se nourrit.

      II.

      Lès animaux se repaissent; l'homme mange; l'homme d'esprit seul sait manger.

      III.

      La destinée des nations dépend de la manière dont elles se nourrissent.

      IV.

      Dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es.

      V.

      Le Créateur, en obligeant l'homme à manger pour vivre, l'y invite par l'appétit, et l'en récompense par le plaisir.

      VI.

      La gourmandise est un acte de notre jugement, par lequel nous accordons la préférence aux choses qui sont agréables au goût sur celles qui n'ont pas cette qualité.

      VII.

      Le plaisir de la table est de tous les âges, de toutes les conditions, de tous les pays et de tous les jours; il peut s'associer à tous les autres plaisirs, et reste le dernier pour nous consoler de leur perte.

      VIII.

      La table est le seul endroit où l'on ne s'ennuie jamais pendant la première heure.

      IX.

      La découverte d'un mets nouveau fait plus pour le bonheur du genre humain que la découverte d'une étoile.

      X.

      Ceux qui s'indigèrent ou qui s'enivrent ne savent ni boire ni manger.

      XI.

      L'ordre des comestibles est des plus substantiels aux plus légers.

      XII.

      L'ordre des boissons est des plus tempérées aux plus fumeuses et aux plus parfumées.

      XIII.

      Prétendre qu'il ne faut pas changer de vins est une hérésie; la langue se sature; et après le troisième verre, le meilleur vin n'éveille plus qu'une sensation obtuse.

      XIV.

      Un dessert sans fromage est une belle à qui il manque un oeil.

      XV.

      On devient cuisinier, mais on naît rôtisseur.

      XVI.

      La qualité la plus indispensable du cuisinier est l'exactitude: elle doit être aussi celle du convié.

      XVII.

      Attendre trop longtemps un convive retardataire est un manque d'égards pour tous ceux qui sont présents.

      XVIII.

      Celui qui reçoit ses amis et ne donne aucun soin personnel au repas qui leur est préparé, n'est pas digne d'avoir des amis.

      XIX.

      La maîtresse de la maison doit toujours s'assurer que le café est excellent; et le maître, que les liqueurs sont de premier choix.

      XX.

      Convier quelqu'un, c'est se charger de son bonheur pendant tout le temps qu'il est sous notre toit.

       Table des matières

      ENTRE