La Pire Espèce. Chiara Zaccardi. Читать онлайн. Newlib. NEWLIB.NET

Автор: Chiara Zaccardi
Издательство: Tektime S.r.l.s.
Серия:
Жанр произведения: Ужасы и Мистика
Год издания: 0
isbn: 9788873044697
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reste un moment à fixer l’espace resté vide devant elle. Quelque chose avec les poires ?

      QUELQUE CHOSE AVEC LES POIRES ? !

      Elle doit penser à écrire au gourverneur pour lui demander de revoir ses standards pour l’asile.

      « Eh, Patter ! » une voix aigüe la fait sortir de son blocage.

      Elle reprend le contrôle de son indignation.

      « Qu’est-ce que tu fais avec tout ça ? Tu as décidé d’émigrer ? » une grande nana, avec une énorme poitrine saillante écrasée dans un micro top et un short inexistant, s’arrête devant elle. Melissa Boots. La Pamela Anderson de l’école. Celle devant qui tous les mecs bavent. Celle dont le cerveau est inversement proportionnel au décolleté.

      Polly se retient de crier après madame Saumon que si elle veut toujours deux grosses poires, maintenant, elle en a. Elle sent venir un petit rire et remarque que cette Boots est accompagnée de Barbara Leroy, mieux connue sous le nom de Large Bouche.

      « Ciao... » fait-elle, espérant qu’elles retournent d’où elles viennent et lui foutent la paix.

      « Tu veux venir faire des emplettes avec nous ? » lui demande alors Melissa, sur un ton étonnamment gentil.

      « Non, je ne peux pas, merci, je suis occupée là... » répond Polly, surprise par la proposition. D’habitude, elles interdisent à quiconque de s’approcher de leur petit groupe exclusif. Mais, peut-être que c’est un petit groupe de lesbiennes.

      « Ohhh, quel dommage ! » Melissa explose de rire. « Tu aurais vraiment besoin de quelques habits décents ! On t’avait prise pour une squatteuse ! »

      Polly reste plantée là, sans prononcer un seul mot.

      « Ehi poupée, console-toi ! » intervient Barbara. « Même si tu étais super sexy, tu ne vendrais jamais ces horreurs ! »

      « Mais peut-être qu’elle pourrait vendre autre chose ! » Melissa prend sous le bras son amie et les deux entrent dans le centre commercial, tout en riant vulgairement.

      Polly s’affale sur le muret de l’esplanade, manquant de s’asseoir sur l’album ouvert. Elle se demande pourquoi il existe tant de personnes odieuses sur cette terre. Elle se demande pourquoi les seins de cette Boots ne la font pas tomber en avant pour qu’elle se pète le nez.

      Elle complète le dessin avec un nez cassé et l’appelle Chaos au centre commercial. Elle mettrait bien Chaos et connes au centre commercial, mais ce ne serait pas digne d’une professionnelle ayant un minimum d’éducation. Elle ne s’abaissera jamais à ce genre de niveau aussi grossier.

      Elle se met à calculer le temps qu’il lui reste avant que Melissa et Barbara ne finissent leur tournée de vêtements pornographiques et retournent dehors.

      Elle se sent sale et en sueur, et n’a pas gagné encore un centime.

      « Au diable Picasso et toutes les biographies de peintres célèbres » pense-t-elle. « Pourquoi personne ne mentionne combien de temps dure la période d’incompréhension ? Combien d’humilations faut-il subir avant de devenir assez riche et célèbre à en faire crever d’envie les nanas qui t’ont fait sentir comme une merde ? »

      Lui vient en mémoire Van Gogh. Il est mort fou et pauvre. Merde.

      « C’est cette fin-là qui m’attend ? Une vie déprimante et une mort certaine ? » se demande-t-elle.

      Puis, elle se reprend : « Non. Sûrement qu’avant je tuerai cette Boots » .

      Elle ferme les yeux et bâille, un peu hébétée par la chaleur étouffante anomale de l’après-midi. On est seulement en mars, et si ça continue comme ça, la ville fondera avant juillet.

      Une main lui touche l’épaule : « Mademoiselle ? » fait une voix masculine.

      Polly se retourne. Un homme, vêtu d’un uniforme blanc et noir, la fixe d’un air renfrogné.

      « Vous êtes autorisé à rester ici ? » lui demande le vigile du centre commercial.

      « Mmm... Je crois que oui... » bredouille Polly, confuse.

      « Alors, montrez-moi l’autorisation du directeur » .

      « Comment, s’il-vous-plaît ? »

      « Pour exposer vos dessins au sein du Cinq Étoiles, vous devez avoir l’autorisation de monsieur Strumbord, le directeur du centre commercial » .

      « Ohhh, mais certainement ! » dit Polly avec une conviction feinte. « Oui, j’ai demandé la permission, mais monsieur Trumbett était occupé et a dit qu’il me la fera parvenir prochainement ! Il était tout à fait d’accord pour que je reste ici, mais vous savez comment sont les directeurs, toujours super occupés... »

      « J’ai compris » répond le vigile.

      « Je vous remercie, vous êtes vraiment... »

      « Tant que vous n’aurez pas la permission, vous ne pourrez rien exposer. Je vous demande de rassembler vos affaires et de les montrer ailleurs » .

      « Eh ? Je... Je... Croyais... »

      « Désolé, ce sont les règles. Si vous ne les respectez pas, je serai obligé d’appeler la police » .

      « Merci beaucoup. Votre disponibilité m’émeut » fâchée, Polly rassemble les toiles, l’album, les dessins et le drap posés par terre devant les yeux vigilants du guardien, se sentant vraiment comme l’a dit Melissa Boots : une pauvre fille, chassée des lieux fréquentés par les gens biens.

      La poisse s’amuse à me poursuivre.

      Tout en essayant de garder un minimum de dignité, elle remet tout dans la grande chemise qu’elle a apportée de la maison, la referme et quitte l’espace du centre commercial sans dire un mot.

      Elle retourne à la voiture, sort du parking et réfléchit à ce qu’elle pourrait faire.

      Elle n’est plus dans un bon état d’esprit pour essayer de vendre ailleurs et elle n’a pas appris grand chose sur le commerce durant sa brève permanence au Cinq Étoiles, à part quelque chose qu’elle savait déjà : les gens n’ont aucune raison d’être gentils avec toi si tu n’as pas ou que tu ne leur donnes pas ce qu’ils veulent. Comme un tableau avec les poires ou une permission de monsieur Trombett.

      Elle ne peut pas non plus faire du shopping sans argent et elle n’a pas emmené son maillot de bain pour aller à la plage.

      Elle passe devant la Kennedy, son école : elle pourrait donner des cours de dessin payants. Sur le tableau d’affichage, il y a toujours un tas d’annonces pourries sur des réunions et des bulletins d’informations... elle en écrira une elle aussi, super colorée et facilement identifiable.

      « Je pourrai faire réviser ceux pour qui ça se passe mal en arts plastiques et enseigner d’autres choses à ceux qui ont pour hobby la peinture ou qui veulent apprendre quelque chose de nouveau... » réfléchit-elle alors qu’elle tourne sur Ocean Avenue, en direction de la maison. « ... Me faisant payer sur la base horaire... Pas trop par contre, car je ne suis pas diplômée... Il doit bien y avoir quelqu’un parmi cinq cents étudiants à qui peindre plaît ! Et puis, je pourrais toujours diffuser l’annonce aussi dans d’autres écoles... »

      Ce serait bien de pouvoir partager avec quelqu’un sa passion. La collaboration avec d’autres élèves motivés stimulerait de nouvelles idées et de nouveaux projets.

      Elle s’arrête dans la petite allée de la maison, légèrement rassurée : elle veut se précipiter dans sa chambre et se mettre au travail devant l’ordinateur. Même si elle préfère les méthodes de représentations classiques, elle est aussi douée pour la créativité graphique, technique qui, dernièrement, remporte du succès dans de nombreux concours d’art moderne. Si elle est utilisée de la bonne manière, elle peut créer des effets grandioses. Son annonce,