Christine n’avait rien remarqué pour l’instant. Elle était assise sur son fauteuil préféré, sur sa petite terrasse en plein soleil, et admirait le début du crépuscule. Les oiseaux se déchaînaient en bas, sur les branches des arbres en fleurs. Les cerisiers et les pommiers étaient éblouissants, ornés de grands flocons massifs de fleurs roses. Christine vivait au deuxième étage d’un grand immeuble, et l’unique romantisme de cet endroit était ce beau jardin avec les pommiers. C’était maintenant, en plein mois d’avril, malgré les pluies incessantes et le froid hivernal, que ces arbres resplendissaient devant les yeux de Christine. Elle sentait leur arôme, écoutait les chants des oiseaux et savourait le goût du thé à la menthe. Une vraie gourmande!
D’un seul coup, elle entendit dans sa tête un chuchotement… même pas… juste des pensées nouvelles commençaient à lui venir à l’esprit… elle s’imaginait diriger une équipe de cinéma… cette équipe l’attendait au travail… elle tardait à y aller, attrapée par la beauté de la journée débutante… Soudain, une inquiétude l’envahit: «Qu’est-ce que je vais faire avec ce scénario?» Elle continuait de contempler les arbres en bas de sa terrasse. La petite voix intérieure devenait plus insistante, la poussant presque à prendre une décision.
Christine ne chassait jamais ses pensées, quelle que soit leur étrangeté. Elle les écoutait, comme un cinéma intérieur, mais n’intervenait jamais dans leur écoulement. Mais cette fois-ci, les pensées étaient si fortes, qu’elle se sentait presque concernée par ses inquiétudes. «Bon, et puisque tu insistes tellement, je te dirais de ne pas rejeter ce scénario! Fais semblant d’accepter la version de ton scénariste, et tu verras pendant le tournage si cela fonctionne ou pas. De toute façon, tu auras le temps de tout corriger, en faisant des doubles. Enlève ce problème de ta tête et laisse-moi en paix!» Tout de suite, les pensées disparurent et elle entendit la chanson d’un enfant, jouant sur la pelouse en bas de l’immeuble: elle était parfaitement dans la vie présente.
Ce soir-là, les pensées ne la tourmentaient plus. Elle put regarder, une énième fois, son film préféré avec un grand acteur américain. Elle savait qu’elle n’était pas la seule à l’admirer mais ce fait ne la dérangeait pas du tout. Elle savourait chaque mot, chaque geste, tout ce qui la faisait rire. Elle était vraiment heureuse pendant ces moments-là, oubliant complètement ses rêves précédents, là-bas, sur la place: ses voyages, ses pensées. Elle ne croyait plus une seconde que tout cela pourrait un jour lui arriver. Elle se réjouissait tout simplement d’une journée calme qui annonçait le repos du week-end, la fatigue de la semaine ayant envahi son corps.
Christine s’adonnait pleinement à ce repos mérité, car dans un jour et demi elle devrait à nouveau se mettre en route, cavaler après un bus, un autre bus, quelques pas encore, et voilà, elle serait à nouveau en train d’attendre la fin de la journée, quand elle pourrait à nouveau se retrouver au calme de sa terrasse ensoleillée. La petite routine, tous les jours, tous les jours, tous les ans… Cela faisait longtemps qu’elle ne se rebellait pas. Elle acceptait la vie comme elle venait, sans énervement, sans stress, car elle savait que…
Bill se releva de son divan dans un état de grâce, sachant que, pour la première fois de sa vie, cette journée serait comme il la voudra, et qu’il n’y aurait pas de conflit. Comment ferait-il, il ne le savait pas, mais il savait que ce serait ainsi. Il était heureux. Depuis très longtemps, cette sérénité, il ne la côtoyait pas. Il vivait passionnément, mais jamais raisonnablement, pourtant, passé la quarantaine, il devait peut-être commencer à se calmer… Mais non, le calme, ce n’était pas son style de vie, il aimait action, mouvement, il vivait à deux cents à l’heure.
Il sortit de sa maison, et le soleil lui éclata en plein visage! Il oublia tout, complètement tout et se lança, comme d’habitude, pour vivre sa vie frénétique.
Paul ne se pressait pas de finir son bol de corn-flakes et de commencer la journée.
– Vite, vite, tu vas être en retard à ton collège, dépêche-toi! cria sa mère de la cuisine. Je reviendrai tard ce soir. Tâche de finir tes devoirs avant de t’endormir, ok?
Paul murmura quelque chose d’incompréhensible. La porte d’entrée claqua, et il était désormais livré à lui-même pour toute la longueur de la journée. Sa mère travaillait tellement, qu’il ne la voyait que les week-ends et, pour la plupart du temps, endormie, tellement elle était fatiguée. Il l’aimait beaucoup, mais il n’avait jamais le temps de l’exprimer. Et il savait que sa mère l’aimait aussi, mais elle aussi, elle n’avait jamais le temps de le lui dire.
Aujourd’hui Paul avait décidé de faire quelque chose d’inhabituel. Il composa le numéro du portable de sa mère en lui disant: «Je t’aime, maman!» Sa mère, entourée à ce moment précis par des centaines de gens coincés dans le wagon du métro, put seulement lui faire un sourire en guise de réponse. Paul raccrocha et jeta sur ses épaules son sac qui pesait une tonne! «Bon, au moins, elle sait, que je l’aime…», pensa Paul, descendant avec l’ascenseur. Dehors, le soleil lui éclaboussa sa lumière en plein visage, et Paul oublia et sa mère et sa maison. Une nouvelle journée d’aventures s’ouvrait devant lui!
«Ce serait si génial de s’échapper un jour du collège et de vivre quelque chose d’absolument extraordinaire!», pensa Paul, longeant un petit muret. «J’aurais donné tout au monde, si à ce moment précis une soucoupe volante avait atterri devant moi…», Paul rentra dans le bus et oublia sa soucoupe…
– Tu crois qu’on va débarquer maintenant ou plus tard?
Le coéquipier souleva les épaules.
– Non, maintenant, c’est trop tôt. Ils ne le comprendront pas, restons invisibles. Je te dirai quand, sois patient! De toute façon, tu sais que notre temps est illimité, c’est la Force qui me dira quand on devra agir dans ce monde. Certains individus me paraissent prêts, d’autres pas du tout, on risque de provoquer la panique. Non, non, c’est trop tôt. Leur niveau de conscience est au tout début de leur développement, je ne pense pas qu’on puisse communiquer d’égal à égal…
– Si tu veux attendre qu’ils soient tous prêts, on sera obligé de tourner autour de cette planète éternellement! Revenons alors dans notre galactique, mes enfants doivent être déjà grands, je ne les ai pas vus depuis des siècles!
– N’exagère pas, qu’est-ce que c’est un siècle devant l’éternité, et devant l’importance de notre mission! Soyons attentifs, on a beaucoup de choses à faire. En tout cas, j’ai un espoir, que c’est pour bientôt. Certains me paraissent être assez proches de la Révélation.
– À qui tu penses?
– Cette jeune femme devant le jardin du Luxembourg, elle me paraissait intéressante, mais bon, on ne peut pas être sûr à cent pour cent. On va continuer d’inspecter doucement…
– Comme tu veux, mais je ne veux pas rester ici encore un siècle de plus! Soit ils évoluent, soit on laisse tomber!
– D’accord, d’accord, mais patiente, tu verras, les choses peuvent se débloquer plus vite que tu ne le penses.
– Passe-moi du Jeas-team, j’ai soif!
– C’est une boisson de mômes! Jette ça par la fenêtre!
Paul sortait du bus, quand la boîte vide d’une boisson inconnue tomba sur le trottoir à côté de lui.
– Eh, là-haut! Faites gaffe si je vous trouve un jour!
Paul était content que la journée ait bien commencé et il ne voulait pas que rien ne gâche sa bonne humeur. Mais il ramassa cette boîte, en pensant la rajouter à sa collection d’objets trouvés, qui contenait déjà une pierre du bonheur, une lime à ongles, un cristal violet, un bout de planche, appartenant apparemment à une vieille soucoupe… et maintenant cette boîte en métal moelleux,