Bien que notre vie soit formée dâun ensemble de tranches de vie lesquelles, mises ensemble, forment la ligne temporelle dans laquelle nous avons vécu et continuerons à vivre, nous vivons pratiquement dans un éternel présent : au sens où chaque instant de notre existence, dès lâinstant où il a été vécu, devient du passé et ne peut plus être vécu, sauf en esprit.
On peut en dire autant du futur, une série de possibilités logiques qui pourraient se vérifier mais qui, elles aussi, nâexistent que dans notre cerveau.
Certes, dâun côté nous sommes assujetti au temps sans espoir dây échapper, dâautre part il est vrai quâen réalité nous ne vivons que dans le présent, la seule dimension qui existe pour nous.
Une fois lâinstant passé, tels que nous lâécrivions tout à lâheure, il devient le passé et nâexiste plus du point de vue physique ; il nâexiste que comme âeffetâ de ce que nous avons fait et pensé.
Au contraire, le futur nâexiste que comme dimension dans notre mode de pensée, il nâexiste quâà partir du moment où nous y projetons nos espoirs ou nos inquiétudes.
Donc nous sommes bien la somme de nos passés mais, bien que nous en soyons le produit, le passé a cessé dâexister et il pourrait disparaître à lâintérieur de nous-mêmes si nous cessions de nous y reporter et à nous juger par rapport à lui.
Le futur est déterminé par nos actions et nos décisions de lâinstant présent et, bien quâil soit lié à lâincertitude, à ce que dâaucuns définissent coïncidences et dâautres le destin, il demeure un sous-produit de ce que je fais à lâinstant présent. Donc jâécrirai un livre dans le futur -et tout va bien- ; mais si je ne devais jamais taper sur un clavier dâordinateur ou de machine à écrire (ou employer plume et papier, pour les amoureux de la belle écriture), ce futur ne se réalisera jamais.
Lâinverse est également vrai : si tout porte à croire que le futur est déjà acquis par ce que nous faisons dâhabitude -comme le fait de se rendre au travail tous les jours-, rien ne garantit que nous nous y rendrons demain ; nous pourrions tomber malade, avoir un accident ou rencontrer la femme/lâhomme de notre vie ; nous pourrions dévier de notre route et nous rendre à lâaéroport ; nous pourrions devenir riches parce que le billet de loto acheté était le gagnant du gros lot, et ainsi de suite.
De là découle lâimportance fondamentale de lâinstant présent, toujours contrastée par notre esprit lequel a tendance à sâattarder sur le passé ou le futur, précisément à cause du fait décrit précédemment : lâexposition de notre ego avec lâensemble des actions passées. La vie est une succession de ces éternels instants présents ; notre esprit tend toutefois à les avoir en horreur parce que notre ego, câest-à -dire notre personnalité basée sur la somme de nos passés, a besoin dâun continuum temporel pour pouvoir sâaffirmer, afin dâexister.
Mais il est aussi notre prison parce dans le passé se dissimulent des évènements qui nous ont blessés et qui ont encore une influence sur notre présent, comme nous le verrons par la suite.
Dans ce chapitre nous parlons au contraire de lâinstant présent et comment, aux fins de réalisation de nos propres désirs, il soit de la plus haute importance dâêtre au bon endroit, au bon moment, ou bien dâaccomplir lâaction juste guidés par lâinstinct ; donc vivre lâinstant présent au lieu de le rejeter.
Plus précisément combien de personnes ont agi dâinstinct, sans même y penser, action qui sâest révélée plus tard comme la meilleure chose à faire dans certaines circonstances ?
Combien, au contraire, regrettent de ne pas avoir accompli les actions que, dâaprès eux, ils auraient dû faire mais que, avec lâombre dâun doute, ils ont ajournées et, par voie de conséquence, lâoccasion a été perdue ?
Ruth-Inge Heinze (1919 - 2007), anthropologue allemande, évoque un épisode quâelle vécut en Allemagne au cours dâune attaque aérienne pendant la seconde guerre mondiale : nâayant pas eu le temps de rejoindre un refuge, elle se trouvait sous le portail dâentrée dâun immeuble afin de sâabriter des projectiles et des bombes. Elle raconte : âà un instant donné jâai eu lâimpulsion de courir dans la rue jusquâà lâimmeuble le plus proche, distant dâune centaine de mètres. Jâéchappai par miracle aux éclats de shrapnel [ projectiles creux dâartillerie contenant des ball es] qui tombaient autour de moi. à lâinstant où jâatteignais lâimmeuble voisin, le premier édifice où je mâétais abritée fut touché par une bombe et totalement détruit.â.
Que se serait-il passé si, au lieu de suivre cette impulsion, le Docteur Heinze sâétait arrêtée à réfléchir sur le danger quâelle courait en sortant dans la rue ?
Ceci est un évènement communément appelé âpressentimentâ ou, selon lâexpression du Docteur Julia Mossbridge, âactivité anticipatoire anormaleâ.
Voici un extrait de la Chartreuse de Parme de Stendhal : âTout à coup, à une hauteur immense et à ma droite jâai vu un aigle, lâoiseau de Napoléon ; il volait majestueusement, se dirigeant vers la Suisse, et par conséquent, vers Paris. Et moi aussi, me suis-je dit à lâinstant, je traverserai la Suisse avec la rapidité de lâaigle [â¦] A lâinstant, quand je voyais encore lâaigle, par un effet singulier mes larmes se sont taries ; et la preuve que cette idée vient dâen haut, câest quâau même moment, sans discuter, jâai pris ma résolution et jâai vu les moyens dâexécuter ce voyage.â
Donc que se passe-t-il lorsque nous avons un désir ? Avons-nous la capacité et les forces pour le réaliser ? Dans quelle mesure le monde extérieur concourt-il à son éventuelle réalisation ?
Si nous voulons nous reposer sur un avis scientifique, arrivés à ce point il est nécessaire de parler de lâun des pères de la psychanalyse, le célèbre Carl Gustav Jung et son concept de synchronicité ou âprincipe des relations acausalesâ.
Dâun point de vue scientifique, normalement dans tout ce qui survient il y a un lien, à chaque effet correspond une cause : câest le principe de la causalité.
à lâinverse, Jung découvrit des phénomènes où cette règle ne sâappliquait pas et, pour cette raison, parle de liens acausaux.
La synchronicité est donc une série dâévènements où le monde intérieur est relié au monde extérieur, sans lien apparent, comme si les choses et les personnes étaient reliées entre elles par un fil ou un réseau invisible.
Jung nomme ce réseau inconscient collectif, là où la psyché de chaque individu se fond avec celles des autres dans un champ sans espace ni temporalité. Dans ce champ peuvent se produire des phénomènes inexplicables dâun strict point de vue scientifique, du fait de lâabsence du principe de causalité.
Dans un épisode célèbre de son livre âLa synchronicité, principe de relations acausalesâ il parle dâune patiente très éduquée, au rationalisme cartésien si développé quâil lui était