« Alors, prêts pour les festivités qui s'annoncent ? demanda-t-il.
â Aussi prêts qu'on puisse l'être, » répondit Jake.
Gardner approuva. « Cette fois-ci, tous les coups sont permis. Nous allons jusqu'à Bagdad inviter Saddam à résider dans une jolie petite prison. Il est fait comme un rat.
â Vous croyez qu'on va pouvoir les trouver, ces ADM ? Demanda Tess. Je crois savoir qu'elles sont dispersées dans plusieurs caches. »
Jake répondit. « Je ne suis pas certain que la tâche soit aisée. Il y a vraiment peu de preuves de leur existence. Les gens de la Commission Surveillance, Vérification et Inspection à l'Organisation des Nations Unies sont allés jusqu'à dire qu'il reste très peu de telles armes, si tant est qu'il y en ait. »
Tess poursuivit. « Mais le chef de cette commission n'est-il pas un personnage controversé ? L'administration Bush tente de le discréditer. »
Jake parut mal à l'aise. « Quand on traite de sujets si importants, il convient d'observer la situation de tous les points de vue. La Commission de l'ONU a accusé les gouvernements des Ãtats-Unis et de la Grande-Bretagne d'avoir exagéré la menace que représentent les armes de destruction massive en Irak pour pouvoir justifier la guerre contre le régime de Saddam Hussein. Ma tâche dans ce conflit est d'aider à trouver et neutraliser ce truc, j'ai donc tout intérêt à savoir la part de vérité dans cette histoire. Nous ne pouvons nous permettre d'aborder cette situation avec le concept italien de Verita ».
« Qu'entendez-vous par là ? » demanda Gardner.
Jake élabora. « L'un des gros problèmes dans la vie politique italienne est cette ambiguïté sur leur conception de la vérité. Chaque partie a sa propre version de la vérité, qui sert chacune de leur propre position et leurs intérêts, et ils ont une tendance à l'intransigeance, même confrontés à des faits irréfutables. Cela résulte en un blocage chronique de la situation. Dans notre cas, nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir plusieurs versions de la réalité. Nous devons procéder avec prudence et armés de faits incontestables. Je n'ai pas vu énormément de preuves que l'Irak dispose aujourd'hui de nombreuses armes chimiques et biologiques. C'est établi qu'ils en avait par le passé mais aujourd'hui il semble que les sanctions portées contre Saddam au cours de ces dernières années peuvent l'avoir persuadé de s'en être débarrassé. Il les a probablement expédiées en Iran.
â Ce qui ouvre une nouvelle boîte de Pandore », observa Gardner.
Tess ajouta, « J'imagine qu'on aura à s'occuper de ça plus tard. »
Jake acquiesça. « Vous avez probablement raison. »
Puis la discussion passa vers des sujets plus légers jusqu'à la fin du dîner. Ils étaient tout à fait conscients que les jours qui suivaient seraient un véritable enfer et qu'ils n'avaient pas encore idée de ce qu'ils allaient affronter.
Puis Dan Gardner s'excusa et rappela à Tess le briefing du lendemain matin en préparation à la première opération de l'escadron.
Jake et Tess prirent l'ascenseur et se dirigèrent vers leurs chambres. Ils n'avaient pas vraiment envie de mettre fin à la soirée mais pensaient qu'il valait mieux prendre un peu de repos avant ce qui les attendait le lendemain. Jake souhaita à Tess une bonne soirée, puis rajouta : « Faites attention à vous. Je garderai un Åil sur vous. »
« Bonne chance à vous, » lui répondit Tess.
4 - Du Sang et des Tripes
Jake était un élément de la Division des Activités Spéciales (DAS) de la CIA, une équipe composée d'officiers d'opérations paramilitaires et de soldats des Forces Spéciales. Ce groupe avait pénétré en Irak en juillet 2002, avant l'invasion principale. Une fois sur le terrain, ils avaient préparé l'arrivée des Forces Spéciales de l'armée américaine pour organiser les Peshmergas kurdes.
Sa capacité à parler l'arabe avait mis Jake en charge de coordonner les combattants locaux. Dans le Kurdistan irakien, l'équipe alliée avait vaincu Ansar al-Islam, un groupe ayant des liens avec Al-Qaïda. Cette bataille avait également conduit à la saisie d'une installation d'armes chimiques à Sargat ; ce fut la seule installation identifiée durant la guerre d'Irak.
Lâinvasion de lâIrak proprement dite commença par des frappes aériennes sur le palais présidentiel à Bagdad le 19 mars 2003. Le jour suivant, les forces de la coalition, principalement britanniques, ont mené une incursion dans la province de Bassora à partir de leur point de rassemblement proche de la frontière irako-koweïtienne.
Une fois le combat commencé, Jake ainsi que d'autres officiers opérations de la DAS avaient réussi à convaincre des hauts gradés de l'armée irakienne à la reddition de leurs unités. Les équipes de la DAS travaillaient également à l'arrière des lignes ennemies à identifier des cibles de grande importance et à relayer l'information aux unités de combat qui menaient les frappes aériennes contre le régime de Saddam Hussein et de ses généraux. Les frappes n'avaient pas réussi à tuer Hussein mais l'avaient, dans les faits, mis hors d'état de commander et de contrôler ses forces.
Alors que les combats faisaient rage, les hélicoptères Apache de l'unité menée par Tess conduisirent de nombreux assauts contre les défenses irakiennes jusqu'à épuisement des munitions et du carburant.
Les combats étaient intenses. Contrairement à la grande majorité de l'armée irakienne, les unités de la Garde Républicaine opposaient une résistance acharnée. Sous le feu nourri du combat, huit des Apaches furent endommagés et retournèrent à la base. Les équipes de réparation ont dû extirper des RPG non explosés de l'enveloppe des hélicoptères. De nombreux pilotes avaient été blessés.
Le commandant Gardner avait réussi à récupérer un Marine blessé, mais le rotor de queue de son hélicoptère avait été frappé par une roquette. Dan avait tenté de maîtriser lâappareil mais celui-ci était entré en vrille et percuta violemment le sol. Le bloc moteur fut propulsé dans le fuselage, tuant sur le coup l'équipe médicale à bord composée de quatre hommes.
Tess et son équipe se posèrent près du Black Hawk en détresse. Un deuxième hélicoptère se maintenait au-dessus d'eux en cas d'assistance. Tess entra immédiatement en action. « Prenez les commandes », dit-elle à son copilote. Une fois au sol, elle sauta et s'élança avec quelques membres de son équipage vers l'hélicoptère en fumée. Ils atteignirent l'appareil endommagé et tentèrent de dégager les victimes.
Sarge déclara : « Les pilotes sont bloqués dans leurs sièges et le cockpit est en feu. Ils semblent avoir perdu connaissance. »
Les sauveteurs attrapèrent des extincteurs de leur propre Black Hawk et essayèrent d'éteindre l'incendie. Le carburant fuyait de partout, les fusées de riposte utilisées en défense commençaient à exploser.
Tess et Sarge réussirent à extraire les deux pilotes inconscients juste avant que les grenades anti-blindage qui se trouvaient à bord n'explosent à leur tour. Tess et ses hommes se baissèrent alors que Sarge découvrit l'artilleur pendant hors de la porte de l'appareil. Le soldat blessé était conscient et en pleine détresse. Il réussit à dire calmement : « Mes bottes et mon harnais m'empêchent de bouger ; mes pieds sont en feu. »
Sarge