Jake versa la boisson et lui tendit le verre. « Avez-vous une chambre où passer la nuit ? Je peux vous laisser ma chambre. Je pars demain matin. »
Tess prit une chaise confortable. « Je pars aussi. J'ai été affectée en Irak. »
Jake sourit. « On dirait qu'on va dans la même direction. Que faites-vous dans l'Armée ?
â Pilote d'hélicoptère, affectée à une unité de reconnaissance. Vous ? »
Jake répondit vaguement : « Je suis dans les Renseignements. » Il n'en dirait pas plus, manifestement.
Tess se leva et ramassa sa valise. « Alors, peut-être à bientôt dans le désert. Je dois y aller. Quelques petites choses à faire avant que je parte. »
Jake se leva. « Vous pouvez rester ici si vous le souhaitez. Je promets de ne plus essayer de vous immobiliser. »
Tess franchit la porte. « Merci, mais non. Je suppose que je devrais vous être reconnaissante de m'avoir évité des ennuis. Merci », dit-elle timidement et elle s'en alla.
â¦â¦â¦
Tess prit le premier vol pour New York et alla directement à son cabinet d'avocat pour entamer une procédure de divorce contre Roger.
Roger avait laissé une douzaine de messages sur son téléphone portable ; il lui demandait de lui pardonner et voulait la rencontrer pour tenter de discuter. Tess n'y voyait aucun intérêt. Elle n'était pas du genre à pardonner, son attitude sur les relations était très tranchée. On aime ou on n'aime pas. Il n'y a pas de place pour la faiblesse ou les erreurs. Elle était impitoyable envers elle-même et envers toute personne ambivalente, confuse ou qui tendait à rationaliser. Elle avait aimé Roger, mais son incapacité à résister à la tentation était impardonnable et inacceptable. Elle le sortit immédiatement de sa vie et se tourna avec détermination vers le seul objectif qui ne présentait aucune ambiguïté : sa carrière.
3 - Préparatifs de Guerre
Dans le lobby d'un hôtel au Koweït, Jake Vickers sirotait un jus d'orange, assis dans l'un des salons. Son rôle dans une unité de renseignements de la CIA lui permettait de porter des vêtements civils et d'arborer une coupe de cheveux légèrement plus longue que celle du GI de base.
Il était également au fait des allées et venues des principaux officiers des différentes unités se préparant aux opérations. Il découvrit que Tess devait séjourner dans cet hôtel et il voulait la revoir. Conscient qu'il forçait un peu sa chance, il savait toutefois que pour revoir quelqu'un comme Tess, il valait mieux ne pas se fier quâau hasard.
Un minibus s'arrêta à l'entrée de l'hôtel, d'où débarquèrent quelques personnes en uniforme. Tess était l'une d'elles. Comme elle se dirigeait vers le comptoir de la réception, Jake se leva et lui sourit. « Salut, dit-il.
â Voyez qui est là , mon protecteur ! elle répondit.
â Aujourd'hui, je me contente d'être Jake, à votre service. »
Tess posa son bagage à terre et croisa les bras. « Puis-je être sûre que vous n'allez pas tenter de me sortir d'affaire encore une fois ? »
Jake sourit. « Loin de moi l'idée de me mettre en travers du chemin d'un pilote de Black Hawk équipé de mitrailleuses. »
L'un des officiers arrivés en même temps qu'elle lui fit signe de se rendre au comptoir de la réception. Tess ramassa son sac et fit à Jake un signe de la main. « Laissons les méchants se soucier de ça le moment venu. »
Jake lui rendit le salut de la main : « Je vous verrai au dîner ? »
Tess sourit. « Je vais me rafraîchir un peu et je vous revois d'ici 30 minutes. »
Une fois dans sa chambre, elle lança avec colère le dossier avec ses ordres de mission sur le bureau. Son statut de fille d'un fameux général lui valait tant de condescendance et de sous-entendus et cela l'agaçait parfois, mais c'était surtout d'avoir à refuser les multiples avances d'hommes qui l'ennuyait au plus haut point. à ce moment précis, c'était bien la dernière chose dont elle avait besoin. Elle voulait juste faire son travail.
Tess avait forclos la profession de son père, la forclusion étant un terme de psychanalyse qui expliquait la présence de tant de lignées de docteurs et d'avocats au sein de la même famille. Avant même d'envisager d'autres options dans son sens du développement de l'identité, elle s'était engagée à devenir un officier professionnel de l'Armée. Elle s'était en fait fixé une identité trop tôt mais ne s'en rendait pas compte.
Ses talents en musique avaient donné l'espoir à son père qu'elle s'y épanouirait grâce à une bourse qui lui ouvrirait les portes du Conservatoire. Le choix de sa fille pour la carrière militaire lui plut nettement moins et il ne put surmonter la détermination qu'elle y avait mis. L'Armée avait été son choix, en réaction au spectacle offert par sa mère, femme de soldat toute dévouée au devoir de la maison pendant que son mari faisait le sien aux quatre coins du monde. Elle avait peu à dire quant à ses propres besoins d'une vie hors de ce cadre.
Petite, Morgan avait décidé que la maison et le foyer ne feraient pas partie de son monde, un monde qu'elle savait dominé par les hommes qui définissaient leurs lois et en récoltaient les avantages. Elle avait envisagé le monde des affaires mais ne pouvait souffrir les longues réunions ni les rapports trimestriels. Lâarmée, en revanche, semblait offrir bien plus. L'opportunité d'un avancement rapide, de diriger, d'aller dans des endroits nouveaux et de faire du bien. Elle comprit aussi que cette voie impliquait un immense dévouement, tant physique que mental, des défis qu'elle avait surmontés avec talent et une volonté implacable. Elle sortit de West Point avec un diplôme en ingénierie électrique et une sous-dominante en science politique. Pensant que sa carrière la mènerait à Washington ou au Pentagone, des notions en politique seraient alors tout à fait bienvenues.
â¦â¦â¦
Tess se changea en un pantalon de soie et un chemisier et alla rencontrer Jake dans la salle de restaurant.
Elle entama la conversation. « Vous dites que vous êtes dans l'armée mais je trouve vos cheveux un peu long pour ça. »
Jake sourit : « Bien vu. Vous trouvez que la longueur des cheveux est si importante ? »
Tess haussa les épaules. « On m'a souvent accusée d'être une obsédée du règlement. D'être un despote. Peut-être ont-ils raison. Je crois en la discipline. »
Jake leva son verre : « Alors, à la discipline. »
Le garçon arriva et Tess accepta de laisser Jake passer commande de leur repas. Son compagnon s'y livra avec l'assurance d'un gourmet accompli. Il parcourut rapidement le menu puis déclara : « Pâté de campagne, croustilles de prunes au bacon, Saint-Jacques à la Provençale, confit de canard à la marinade de raisins épicés, travers de porc aux olives et aux herbes et crêpes Suzette au dessert. Et puis, mettez-nous une bonne bouteille de Sancerre avec. »
Alors qu'il passait la commande, elle l'évalua du regard, se demandant à quel prix Jake avait acquis une telle musculature. Pas qu'il était énorme, mais sa musculature développée et sculptée était sans aucun doute le fruit d'un entraînement professionnel poussé.
Un officier entra dans la salle à manger et, reconnaissant le beau couple, s'approcha de leur